Pierre Pestieau
Beaucoup s’inquiètent de l’arrivée massive des robots dans nos économies.
La principale crainte concerne l’emploi. De nombreuses Cassandre annoncent des
pertes d’emploi massives et partant un chômage structurel sans précédent. D’autres
appréhendent une société où le robot prendrait le contrôle de notre vie à la manière de Hal (Carl dans la version française), l’ordinateur de bord dans le chef d’œuvre de Stanley Kubrick, 2001, l'Odyssée de l'espace. Une
autre source d’appréhension touche à la réduction des assiettes fiscales traditionnelles
à commencer par la masse salariale qu’il serait difficile de compenser par une
taxation des robots. C’est à cette crainte que je voudrais consacrer ce blog.
Pour discuter de ce problème je distinguerai le cas où la robotisation ne
conduit pas au chômage et celui où elle génère un chômage qui ne puisse être résorbé.
Dans le premier scénario, on peut se demander ce qui distingue le robot du capital
productif traditionnel. On sait que même en l’absence de robot, les Etats se
trouvent confrontés au rétrécissement de la masse salariale du fait de la
précarisation du marché du travail et de la difficulté de taxer le capital du
fait de sa mobilité. On a sans doute tendance par souci de simplification de ne
traiter que d’un seul type de capital dans les travaux macroéconomiques. En
fait, on sait qu’il existe différents types de capitaux qui se distinguent par
leur plus ou moins grande complémentarité/substituabilité avec le travail et
par le degré de progrès technique qu’ils incorporent. Un marteau sera toujours
un marteau et est parfaitement complémentaire de celui qui l’utilise. Un
distributeur de billets de banque est un substitut d’un agent de banque et
depuis son introduction, il a connu une rapide amélioration dans la vitesse et
la qualité du service qu’il rend. Le robot qui fait peur est celui qui se
substitue au travail. Sous notre hypothèse de plein emploi, le robot prend la
place de travailleurs en accomplissant leurs tâches à moindre coût, mais ces
travailleurs retrouvent de l’emploi dans d’autres secteurs qui peuvent aller de
l’aide à la personne à des activités de technologie de pointe.
Dans ce scénario, la taxation du travail et celle du capital représentent
un problème classique. Elle doit porter sur l’un et sur l’autre de manière à
réaliser des objectifs d’équité et d’efficacité intra- et inter-temporelles. Concrètement,
il n’y a aucune raison de traiter les robots d’une manière différente des
autres composantes du capital productif. Dans le calcul de la taxation, les
gains de productivité que permet la robotisation doivent être pris en compte.
Ce qui change, c’est sans doute la difficulté d’apprécier la valeur des robots,
qui pour une grande partie est immatérielle.
Prenons maintenant le scénario alternatif, celui où l’on n’échappe pas à un
chômage de masse. On est dans un contexte dans lequel une assurance chômage et
un salaire minimum prévalent. De surcroît, l’Etat choisit ses instruments de politique,
allocations de chômage et taxes sur le travail et le capital en maximisant une
fonction de bien être social utilitariste. Dans ces conditions, les conséquences
de la perte ou du gain d’un emploi ne doivent pas se juger sur base de la
productivité du travailleur concerné mais sur base d’un salaire fictif. De ce
fait, la taxation de chaque type de capital dépendra du degré avec lequel il se
substitue au travail. En d’autres termes les robots qui se substituent au travail
seront plus lourdement taxés que les machines qui sont au contraire
complémentaires du travail. Cela aura pour implication de réduire le chômage
mais sans doute pas de le supprimer.
En résumé, si la robotisation ne conduit pas au chômage de masse, il n’y
aucune raison de taxer les robots différemment des autres composantes du
capital. Si au contraire, elle met au chômage une fraction importante des
travailleurs, alors, il conviendra de taxer les robots plus lourdement. Quant à savoir quel est de ces deux scénarios le plus
réaliste, rien ne permet de le
prédire.
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