Pierre Pestieau
J’ai récemment déménagé
de Liège à Mons avec l’impression de passer de tracas ferroviaires irritants à
des ennuis insupportables. Je m’explique. Liège a maintenant une gare
pharaonique que l’on doit au génie de Valence, Santiago Calatrava Valls. Cela a
impliqué une longue période de transition. En effet entre la démolition de
l’ancienne gare des Guillemins et l’inauguration de la nouvelle gare, se sont écoulés
27 mois au long desquels il a fallu utiliser une gare préfabriquée sans confort
(ni salle d’attente, ni escalators), d’accès difficile (taxis et bus éloignés),
difficile surtout pour les personnes à mobilité réduite (rampes métalliques
glissantes). Si j’évalue à 10
minutes le temps supplémentaire moyen qu’un voyageur devait consacrer à
rejoindre les quais et si j’estime qu’une heure de temps vaut 12 euros cela représente
une perte de 2 euros par trajet. Il nous faut calculer le nombre total de
trajets sur les 27 mois. Soit le nombre moyen de passagers par jour (14.812)
multiplié par le nombre de jours (30x27), ce qui donne 11.997.720 voyageurs (1).
C’est beaucoup. En multipliant ce nombre par 2, on obtient près de 24 millions d’euros.
Certes cette perte est peut-être compensée par le gain en bien-être des
voyageurs qui, depuis le 18/9/2009, jouissent d’une gare que toute l’Europe nous
envie. C’est à voir. Tout dépend du taux d’actualisation qui permet de comparer
des niveaux de bien-être à des moments différents. Si ce taux est très élevé, on
peut parler d’une perte sociale. On notera en passant que je n’ai pas tenu
compte des implications que ses travaux ont pu avoir pour les riverains. De
nombreux commerces ont du fermer parce que pendant plus de deux ans ils étaient
inaccessibles. En outre il est important d’observer que l’investissement
gigantesque que représente la Gare de Calatrava n’a eu aucun effet sur la rapidité
du trafic ferroviaire. En fait au cours de la dernière année, la situation a empiré.
Par exemple, la durée du trajet Liège-Bruxelles s’est allongé de 6,5%.
Mais comme on le devine
la situation est pire pour le malheureux voyageur montois que je suis devenu.
On notera d’abord que le temps d’un trajet Mons-Bruxelles a augmenté de 7% au
cours de la période 2013-2014. En outre, les tracas qu’entraîne l’accès à la
gare préfabriquée sont plus élevés qu’ils ne l’étaient à Liège. Cette
construction temporaire est plus éloignée du centre et les rampes d’accès aux
quais sont on ne peut plus inconfortables. Mais plus grave, selon les
meilleures estimations, la période de transition devrait durer 60 mois. Sur
cette période, on s’attend à 13.269.600 voyageurs. Si j’évalue à 15 minutes le
temps supplémentaire qu’il faut pour rejoindre les quais de la gare
préfabriquée, j’obtiens un total de plus
de 40 millions d’euros (2).
Même si on ne remet pas
en cause la construction de ces deux gares, il y a lieu de d’interroger sur la
manière dont les travaux sont menés. Il n’est pas normal d’avoir des périodes
de transition aussi longues, d’autant plus que, comme les budgets, ces périodes
ne cessent d’augmenter au cours des travaux. Je doute que le coût qu’entraîne
la transition de l’ancienne à la nouvelle gare ait jamais été pris en compte
par ses concepteurs. La gare de Mons, ai-je appris, aurait dû être achevée pour
le début de l’année 2015 afin d’accueillir les nombreux visiteurs de Mons,
Capitale culturelle de l’Europe. Aurait-on oublié que « gouverner c’est
prévoir » ? Enfin, je ne
puis m’empêcher de revenir sur le coût de ces deux gares. Rapportés au nombre
de voyageurs ce sont des coûts records à l’échelle planétaire. Comment peut on
l’expliquer ? Il y a selon moi deux raisons : le type de financement
et le poids politique de ces deux villes. Dans la mesure où le financement
était pour une grande partie européen et fédéral, la population concernée y a
peu contribué. Par ailleurs, Liège et Mons jouissent d’un soutien politique
plus élevé que d’autres villes francophones dont les gares sont pourtant
beaucoup plus fréquentées. Est-ce une bonne façon de veiller à l’intérêt
général ?
(1) Liège compte 17467
voyageurs par jour en semaine, 8623 le samedi et 7731 le dimanche. Soit
une moyenne journalière de 14812. Multipliant cette somme par 30x27, cela donne
un total de 11.997.720 voyageurs sur 27 mois. Si chaque voyageur subit une
perte de 2 euros du fait d’un accès plus long et plus difficile, cela donne une
perte totale de près de 24 millions d’euros.
(2) Mons
compte une moyenne journalière de 7372 voyageurs. Multipliant cette somme par
30x60 conduit à un total de voyageurs sur la durée attendue de 60 mois égal à
13.269.600. Si j’estime la perte encourue par chaque voyageur à 3 euros, cela
donne une perte totale de plus de 40 millions d’euros.
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