Pierre Pestieau
Quand on parle d’inégalités économiques, les nombreuses sources de confusion appellent autant de clarifications.
La première vient de la variable dont on veut évaluer la distribution et
partant l’inégalité. Cela pourrait être le revenu disponible, la richesse, la
consommation, voire un indicateur de bonheur ou de bien-être. On ne sera pas
surpris d’observer une forte variation dans les inégalités de l’une ou l’autre
variable. Il n’y pas non plus de corrélation claire entre elles. Une personne
riche peut avoir un revenu faible. Témoin le pêcheur de l’Ile de Ré (1). Une
personne qui s’endette peut consommer beaucoup plus qu’elle ne gagne. Enfin, on
sait que l’argent ne fait pas le bonheur. Une personne matériellement aisée mais
coupée de tout réseau social ou familial et diminuée par la maladie sera peut être
plus malheureuse qu’un pauvre sans le sou mais entouré d’amis.
Autre clarification importante, l’unité de temps : l’année ou la totalité de la vie. Prenons le cas des inégalités de richesse. Même si tout le monde était semblable exception faite de l’âge, personne n’aurait rien en début de vie. En revanche, aux environs de 60 ans, chacun aurait le patrimoine le plus élevé qu’il commencerait à utiliser pour financer sa retraite. Dans une telle société hypothétique de gens identiques, la seule inégalité de la richesse serait liée à l’âge. Dans la société réelle, coexistent le jeune étudiant de médecine prometteur qui ne possède rien et l’ouvrier non qualifié de 50 ans qui possède son petit pavillon. Qui est le plus riche ? La morale de cette observation est qu’en étudiant les inégalités du patrimoine mais aussi dans une moindre mesure celles du revenu il faut tenir compte de cet effet d’âge. Idéalement on devrait comparer les individus sur la totalité de leur cycle de vie mais empiriquement cela n’est pas chose aisée.
Enfin une dernière distinction est celle que l’on peut faire entre opportunités
et résultats. Prenons trois individus qui au départ sont identiques. Ils ont les
mêmes dotations physiques et intellectuelles. Le premier décide d’étudier
durement et fait ce que l’on appelle une belle carrière. Le second veut aussi
faire de bonnes études mais au moment de commencer sa vie professionnelle il
tombe malade et est réduit à vivre modestement le reste de son existence. Le
troisième n’est pas carriériste et préfère prendre dès l’abord du bon temps avec
pour conséquence une profession peu rémunérée. A la fin de la journée, ou plutôt
après quelques décennies, le premier appartiendra à la classe des hauts revenus
et les deux autres compteront parmi celle des bas revenus, alors qu’au départ
ils avaient les mêmes opportunités. Cette distinction est importante même si
elle n’apparaît pas dans la plupart des mesures d’inégalité. En effet selon une
conception largement acceptée de la justice, il y a lieu d’aider le malchanceux
et pas celui qui délibérément a préféré vivre « d’amour et d’eau
fraiche ».
(1) Ce pêcheur pris en exemple par Sarkozy lors de l’instauration de son bouclier
fiscal. Le prix du m² de terrain
sur l’île de Ré le rendait
redevables de l’ISF alors qu’il
n’était pas imposable sur le revenu.
Bon article mais je trouve le sens de ta dernière phrase assez obscur. L'un des principes cardinaux de la Justice, et que l'on doit à la Révolution française, étant "l'égalité devant la loi", soit que la même loi s'applique pour tous. La personnalité d'un prévenu pourrait éventuellement influencer la peine mais non la décision sur la culpabilité.
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