jeudi 27 mars 2025

Le plus grand iceberg du monde se déplace

3 commentaires:

Victor Mather (*), 4 mars 2025

 

Le plus grand iceberg du monde, connu sous le nom de A23a, s'est déplacé au large de l'île de Géorgie du Sud la semaine dernière.



Bien qu'un scénario « Titanic II » soit peu probable et que les manchots de la région semblent être pour la plupart en sécurité, l'iceberg pourrait être un symptôme d'un changement indésirable en Antarctique et sur la planète.


Comment en sommes-nous arrivés là ?


L’iceberg A23a est né en 1986 lorsqu'il s'est détaché d'un autre iceberg qui s'était arraché de l'Antarctique plus tôt cette année-là.



La jeunesse de l’A23a fut sans histoire; il est resté dans la mer de Weddell, à l'est de la péninsule Antarctique, pendant des décennies. Ses voyages ont commencé en 2020, lorsqu'il s'est libéré du fond marin et a commencé à se déplacer. En 2023, il était prêt à quitter complètement les eaux de l'Antarctique.


Ce printemps, sa progression a rencontré un problème lorsqu'il a commencé à tourner sur place, pris dans un courant près des îles appelées Orcades du Sud.


S'échappant après plusieurs mois de rotation, il s'est ensuite dirigé vers la Géorgie du Sud, une île à l'est de la pointe sud de l'Amérique du Sud qui est un territoire britannique et qui abrite quelques dizaines de personnes et de nombreux phoques et pingouins. Mais il n'a pas pu se rendre jusqu'en Géorgie du Sud et est maintenant coincé sur le plateau continental, à environ 50 miles de l'île. Jusqu'à présent, il semble être assis paisiblement et n'a pas commencé à se briser en petits morceaux, comme l'ont fait d'autres icebergs géants après s'être séparés de l'Antarctique.


Quelle est la taille de cette chose ? Initialement, il était d'environ 1 500 miles carrés. Il a perdu une partie, mais on pense qu’il fait encore plus de 1 300 miles carrés. En revanche, la ville de New York fait 300 miles carrés.


Les icebergs de cette taille sont rares, mais il y en eut deux autres de taille similaire dans la même région au cours des cinq dernières années environ.


« On dirait de la terre, c'est la seule façon de la décrire », a déclaré l'été dernier Alexander Brearley, océanographe physique au British Antarctic Survey.


L'iceberg qui a coulé le Titanic faisait peut-être un quart de mile de long, une chose ridiculement petite en comparaison.


Quelle est la prochaine étape ?


A23a commencera à se désagréger et à fondre, mais cela prendra probablement un certain temps, peut-être des années.


« Maintenant qu'il est ancré, il est encore plus susceptible de se disloquer en raison de l'augmentation des contraintes, mais c'est pratiquement impossible à prévoir », a déclaré le Dr Meijers. De grands icebergs ont déjà fait un long chemin vers le nord – l'un d'eux s'est approché à moins de 1 000 kilomètres de Perth, en Australie, une fois – mais ils se brisent inévitablement et fondent rapidement par la suite.


Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?


Il est peu probable que les phoques et les manchots de Géorgie du Sud soient touchés par l'iceberg. Pourtant, potentiellement, cela pourrait interrompre leur chemin vers les sites d'alimentation et forcer les adultes à dépenser plus d'énergie pour le contourner. Cela pourrait réduire la quantité de nourriture revenant aux chiots et aux poussins sur l'île, et ainsi augmenter leur mortalité. 


L'iceberg contient également des nutriments qui sont libérés dans la mer lors de sa fonte : Si la glace stimule la productivité de l'océan, cela pourrait en fait stimuler les populations de prédateurs locaux comme les phoques et les pingouins.


On dirait que l'océan l'a creusé, et il y a des fissures visibles à la surface de la glace lorsque la glace réagit aux contraintes changeantes », a déclaré Indrani Das, glaciologue à l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'Université Columbia.


Au fil du temps, le glacier s'enfoncera plus profondément dans l’eau, ce qui le fera commencer à se fragmenter davantage. À un moment donné, il peut même devenir lourd et se renverser. Compte tenu de sa taille, cela peut prendre des années.


Il y a peu de crainte d'un « Titanic II » car les bateaux de la région seront bien conscients de l'emplacement de l'iceberg. Une fois que l'A23a se disloquera, cependant, les plus petits icebergs seront plus difficiles à suivre, ce qui augmentera le danger.


Les plates-formes de glace ont perdu des milliards de tonnes de glace au cours des 25 dernières années, ce que les scientifiques attribuent au changement climatique. La perte de toute cette glace peut contribuer à une élévation du niveau de la mer.


« Le climat change et cela a un impact sur la façon dont les plates-formes de glace fondent », a déclaré le Dr Das en 2023, alors que l'iceberg se déplaçait encore. « Les plates-formes de glace perdent de la masse parce que l'océan se réchauffe. Le vêlage est un processus naturel, mais ce vêlage naturel pourrait être amélioré par le climat.


Pourtant, il en a toujours été ainsi. Les icebergs gigantesques « font partie tout à fait normale du cycle de vie des calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland », a déclaré le Dr Meijers.


 

(*) Victor Mather, journaliste et rédacteur en chef au Times depuis 25 ans. Le texte a été traduit en français par Victor Ginsburgh.

jeudi 20 mars 2025

Finance, je te hais (1)

Aucun commentaire:

Pierre Pestieau

Depuis toujours, la gauche au pouvoir entretient des relations ambivalentes avec le monde de l'argent et de la finance. Officiellement hostile, elle se montre pourtant souvent accommodante dans ses pratiques. Les déclarations des deux derniers présidents de gauche illustrent bien cette dualité.

Lors du Congrès d’Épinay (11-13 juin 1971), François Mitterrand dénonçait violemment l’influence de l’argent : « L’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes. » Plus de quarante ans plus tard, François Hollande reprenait cette rhétorique en affirmant : « Mon ennemi, c’est la finance. »



Mais d’où vient cette aversion, si largement partagée, notamment en période de crise ? Dès que les marchés vacillent, la finance est désignée coupable des inégalités, des bulles spéculatives et des licenciements massifs.

La finance suscite à la fois admiration et crainte. Son rôle est fondamental : sans elle, il n’y aurait ni épargne, ni investissement. Ce qui est rejeté, ce sont ses excès. Plusieurs facteurs expliquent cette défiance : son opacité, son rôle dans l’accroissement des inégalités, son instabilité chronique et son éthique souvent contestée.

Le monde financier est perçu comme complexe et impénétrable. Nombreux sont ceux qui estiment que son jargon technique masque des pratiques opaques, rendant le système incompréhensible pour le citoyen moyen. Même les économistes peinent parfois à expliquer comment la Bourse peut prospérer alors que l’économie réelle est en récession.

Les grandes institutions financières et leurs dirigeants engrangent des profits colossaux tandis que la majorité de la population lutte pour maintenir son niveau de vie. Cette asymétrie alimente un profond sentiment d’injustice, exacerbé par des situations où des banques sont renflouées avec des fonds publics tandis que les citoyens doivent subir des politiques d’austérité. Il est difficilement acceptable de voir de jeunes diplômés décrocher des contrats à Wall Street leur garantissant une revenu à 7 chiffres  et une retraite dorée dès 50 ans, tandis que d’autres peinent à trouver un emploi stable.

La finance est également responsable de crises majeures, dont celle de 2008, qui a causé faillites, chômage et pertes massives d’épargne. Beaucoup accusent les financiers d’avoir pris des risques excessifs sans jamais en assumer les conséquences, laissant les citoyens ordinaires payer la facture. Dans la mesure où elle soutient sans réserves la croissance, la finance est aussi associée au dérèglement climatique

Les grandes entreprises et les banques usent souvent de montages financiers complexes pour minimiser leur charge fiscale, suscitant l’indignation des contribuables ordinaires, contraints de s’acquitter de leurs impôts sans échappatoire. Scandales après scandales, la confiance envers le secteur financier s’érode, renforçant la perception d’un monde régi par la cupidité.

En conclusion, la finance est perçue comme un acteur avide, opaque et excessivement puissant, servant avant tout une élite au détriment du reste de la société. Des tentatives existent pour encadrer et moraliser ce secteur, notamment avec les fonds d’investissement éthiques et des régulations plus strictes. Cependant, leur efficacité reste encore limitée. Le défi majeur est donc de concilier un système financier performant avec des règles garantissant une répartition plus équitable des richesses et une responsabilité accrue des acteurs économiques. Faut pas rêver.



(1). En référence a Gide et son « Familles, je vous hais »