jeudi 27 avril 2023

Les vieux « malades » et le soutien qui leur est donné par les gériatres

Aucun commentaire:

Victor Ginsburgh

En Belgique, comme dans d’autres pays, des « gériatres » sont sensés s’occuper des plus de 65 ans. J’en ai presque 84. Je suis donc l’animal que je suis et l’on me dit souvent qu’il y beaucoup de vieux malades psychiques, dont certains se promènent de temps à autre dans les rues.

J’ai récemment vécu un cas à la Clinique CHU Saint-Pierre. Je me suis donc trouvé devant une psycho-gériatre. Elle venait sans doute faire son heure ou sa demi-heure à Saint Pierre, puisqu’on peut vérifier qu’elle est psychiatre dans d’autres hôpitaux, voire dans tous ceux qu’on peut trouver à Bruxelles, où sa renommée doit largement dépasser celle de Freud.

J’ai trouvé correct de l’introduire aux deux membres de ma famille qui faisaient partie de la fête qui s’annonçait.

Et par politesse, je me suis introduit : les médicaments dont je me régale, mes études et ma carrière de professeur à l’Université Libre de Bruxelles. J’y ai toujours un bureau depuis mon « départ » à 65 ans. Il faut croire que mes collègues ne me trouvaient pas tout-à-fait crétin. Mais la crétinerie s’engage très vite avec les premiers mots de la psycho-gériatre. D’abord, elle a voulu que j’achève mes trois minutes de droit à la parole. Elle devait sans aucun doute commencer son laïus puisqu’elle m’a dit que c’est elle qui devait parler et pas moi. Donc silence du bureau, j’arrête mon charabia. C’est elle qui doit parler en ce lieu et pas moi. C’est elle l’experte, et moi l’imbécile.

La séance a duré à peu près 90 minutes. Inutile de dire que je n’ai plus osé ouvrir mon klaxon, puisque ce n’était que du verbiage et que c’était elle la « grand-maître » de la cérémonie

Non, ce n’était pas elle mon psycho-gériatre

Mais ce qui est plus grave est que je m’endormais. Et de fait, je me suis complètement renfermé et mes oreilles n’écoutaient plus que moi. Sauf que, à un certain moment, elle a fait le tour de son bureau, a levé ma chemise pour montrer à mes deux accompagnatrices, combien ma poitrine musclée valait le coup d’œil.

Freud ne parlait pas, chère Madame, et n’ouvrait pas les chemises de ses patients. C’est manifestement elle qui s’écoutait et devrait aller voir le Freud local, pas moi !

jeudi 6 avril 2023

La vieillesse est-elle un risque ?

2 commentaires:

Pierre Pestieau

La sécurité sociale est censée couvrir les grands risques de la vie : la maladie, le chômage, les accidents de travail, la famille et la retraite. Dans cette liste, on trouve deux anomalies, la famille et la retraite. Il est en effet difficile de considérer la famille et la retraite comme des risques majeurs. On choisit la taille de sa famille et la retraite concerne tout le monde.

En fait, on ne parle jamais d’assurance famille. La politique familiale a eu longtemps pour but de stimuler la natalité. Aujourd’hui, sa mission essentielle est de venir en aide aux familles défavorisées. En revanche on parle d’assurance retraite ou d’assurance vieillesse.
En France, sa contribution au bien-être collectif peut facilement être évaluée. Après-guerre, l’âge légal de départ à la retraite était de 65 ans. En 1950, la pension moyenne du régime général s’élevait à 50% du smig. L’espérance de vie était de 63 ans et demi pour les hommes, 69 ans pour les femmes. De ce fait, nombre de personnes âgées ne connaissaient pas la retraite et certains de ceux qui arrivaient à 65 ans n’échappaient pas au risque de l’extrême dénuement.

Aujourd’hui, la configuration a changé. Départ à 62 ans avec une pension moyenne égale à 117% du smic. La pension minimum est à 85% du smic. L’espérance de vie est de plus de 80 ans pour les hommes, plus de 85 ans pour les femmes. Le niveau de vie moyen des « seniors » est supérieur à celui des actifs. Le taux de pauvreté le plus élevé se trouve désormais chez les moins de 30 ans, et le plus bas chez les plus de 60 ans.

Pour revenir à mon propos, en quoi consiste le risque vieillesse ? Il est double. Il y a celui de mourir trop tôt et celui de mourir trop tard. C’est ce dernier que l’on a à l’esprit quand on parle de risque vieillesse. Dans la plupart des pays, faute de prestations de retraite, les personnes qui vivaient longtemps et ne pouvaient compter sur leurs enfants étaient réduites à la misère et parfois mettaient fin à leurs jours. L’assurance retraite mutualise le risque de longévité, en transférant des ressources des personnes qui meurent prématurément vers celles qui vivent très longtemps.

Le second risque vieillesse, celui d’une vie trop courte, n’est en revanche pas couvert par le système de retraites. Bien au contraire. Ceux qui meurent avant l’âge de la retraite subissent la double peine : avoir cotisé pour des prunes et ne pas connaître ses enfants et petits-enfants. L’égalitarisme ex post qui s’oppose à l’utilitarisme recommande de se focaliser sur ceux qui ne sont pas responsables de leur vie courte. Ce point de vue qui est complètement oublié dans le débat sur la réforme des retraites a pour implication moins d’épargne et des pensions plus faibles, ce qui permettrait à ces personnes mourant prématurément de jouir de davantage de consommation de leur vivant. (1)



(1). https://www.cirano.qc.ca/files/publications/2015s-06.pdf