jeudi 30 septembre 2021

Un millionnaire est-il un riche ?

3 commentaires:
Pierre Pestieau


Cette question ne m’empêche pas de dormir, mais je me la suis posée suite à la publication à la mi-juin d’articles dans la presse commentant un rapport du cabinet Capgemini (1). Ce rapport révélait qu’en 2020 la Belgique comptait 133.600 millionnaires en dollars, contre 132.700 en 2019. Mais qu’est-ce qu’un millionnaire ?

Un millionnaire est un individu dont le patrimoine est égal ou supérieur à 1 million d'unités d'une monnaie donnée. Comme la devise belge est l’euro, cela veut dire que ces 133.600 personnes possèdent plus de 850.000 euros. En d’autres termes, certains de ces millionnaires sont des imposteurs.
On peut utiliser différentes bases pour calculer la richesse d'un individu :
  • Le patrimoine net, base la plus couramment utilisée, c'est-à-dire la valeur de tous les biens, moins les dettes. 
  • Le patrimoine brut, qui ne prend pas les dettes en compte.  
  • Le patrimoine net dont on déduit aussi la résidence propre.

C’est cette dernière mesure qu’utilise Capgemini, ce qui veut dire que leur estimation est sous-évaluée dans la mesure où la résidence propre constitue une part important du patrimoine et que dans certaines régions du pays elle peut valoir plus d’un million d’euros. 

 

 Autre remarque, ce sont les ménages qui possèdent ce patrimoine ; en d’autres termes, pour connaître la fraction de millionnaires en dollars que compte la Belgique, il faut diviser le nombre 133.600 par le nombre de ménages et non par la population. Il y aurait un peu moins de 5 millions de ménages en Belgique.

Quand j’étais jeune, un millionnaire me paraissait comme quelqu’un qui avait une richesse inatteignable. Pourtant, un million de francs, ça fait 25.000 euros. Naturellement, ce n’est pas correct. Si l’on prend comme convertisseur la valeur du pouvoir d’achat, être millionnaire en francs en 1950 serait équivalent à posséder environ 500.000 euros aujourd’hui. Le passage du franc à l’euro a changé notre perception de la richesse. En France certains jeux ou loteries sont passés d’un premier prix d’un million de francs à un million d’euros, soit sept fois plus. Il arrivait parfois que le prix de la participation à une loterie était calculé en nouveaux francs alors que les prix étaient donnés en anciens francs.

Il existe peu d’estimations de la richesse des Belges. Outre Capgemini, il y a le Crédit Suisse qui publie régulièrement son « Global Wealth Report » (2). D’après le plus récent, avec un patrimoine médian de $230.550, les Belges se situent au 2ème rang mondial, alors que leur patrimoine moyen s’élève à $351.230, ce qui les situe au 7ème rang. Toujours d’après le même rapport il y aurait 515.000 millionnaires en dollars en Belgique. Ce chiffre est nettement plus élevé que celui de Capgemini parce qu’il prend une définition plus large de la richesse.



Faites-vous partie des 50% des Belges les plus aisés? Si votre patrimoine (immobilier inclus, dettes déduites) est supérieur à 195.292 euros ($230.550), alors vous en faites partie.
Le rapport entre la richesse moyenne et la richesse médiane est faible, plus faible que dans les autres pays européens. Cela confirme d’autres études (3) indiquant que l’inégalité du patrimoine n’est pas élevée en Belgique. En effet le rapport entre moyenne et médiane est une façon de mesurer l’inégalité de la richesse.

Jusqu’à présent j’ai éludé de répondre à la question du titre. Il me semble clair qu’un ménage qui dispose d’un million d’euros n’est pas dans la dèche. En même temps, si le logement principal représente l’essentiel de son patrimoine et si ses revenus sont relativement faibles, ce qui est le cas de nombreuses personnes âgées qui détiennent une importante partie du patrimoine national, il lui serait difficile de s’acquitter d’un impôt sur le patrimoine. C’est cette difficulté qui a conduit à la suppression de l’ISF en France, il y a quelques année. Au moment de sa suppression, le minimum taxable était de 1,3 millions d’euros. A cette époque, un certain nombre de logements à Paris et dans de grandes villes valait autant.

Déterminer le niveau de richesse à partir duquel on est qualifié de riche est arbitraire. Mon sentiment est que ce montant devrait évoluer au même rythme que le PIB ou la richesse nationale. Mais cela n’est guère accrocheur.

Il vaudrait peut être mieux décider que les riches représentent une minorité spécifiée de familles. Par exemple, les 2% détenant les plus haut montant de richesse. Vermeulen (2018) observe qu’il y a 2% de Belges qui possèdent plus de 2 millions d’euros, 6% plus d’un million d’euros et 20% plus de 500.000 euros. Une autre façon de déterminer qui est riche et qui ne l’est pas serait d’adopter, comme pour la pauvreté, un seuil (4). En l’occurrence, serait riche toute personne qui détient un patrimoine supérieur à dix fois le patrimoine médian. Si l’on prend ceux qui sont vraiment des ultra riches, à savoir les milliardaires, il y en aurait 3 en Belgique selon la dernière édition du Magazine Forbes.

 

jeudi 23 septembre 2021

Talibans et Juifs

1 commentaire:

Victor Ginsburgh


Les Talibans seraient-ils des descendants d’une de tribus dites perdues d’Israël ? Ce n’est pas moi qui pose la question, mais Michael Freund (1), un activiste politique israélien qui s’intéresse aux individus qui se disent Juifs, y compris ceux qui descendent des dix tribus perdues d’Israël, et essaie de les aider à s’installer en Israël.

L’Afghanistan est depuis longtemps un mystère de l’histoire juive, écrit Freund. Il se pourrait que les tribus pachtounes, dont les Talibans font partie, soient une de ces tribus qui ont été exilées par l’Empire assyrien il y a quelque 2.700 ans.

Les quelques dix millions de Pachtounes qui vivent au Pakistan, en Afghanistan et en Inde et forment plusieurs centaines de tribus ou clans, ont fièrement préservé leur héritage. Avant la naissance du fondamentalisme islamique dans la région, certains de ces clans se considéraient depuis longtemps comme des Bani Israel (fils d’Israël en hébreu). Et bon nombre d’historiens européens qui ont visité la région, en étaient convaincus.

Dans Histoire des Afghans, Joseph-Pierre Ferrier (2) raconte qu’un des chefs d’une des tribus pachtounes, les Usefzai (fils de Joseph) a présenté au shah de Perse une bible écrite en hébreu et divers objets de leur ancien rite qu’ils avaient préservés. Plus récemment, dans son ouvrage sur des communautés juives lointaines, Yitzhak Ben-Zvi qui a été Président de l’État d’Israël de 1952 à 1963, souligne que dans des interviews qu’il a conduites parmi les Juifs Afghans qui avaient fait leur aliyah (retour en Israël, en hébreu), « les tribus afghanes, parmi lesquelles les Juifs ont vécu pendant des générations, sont des musulmans qui ont retenu les traditions de leur ascendance juive » (3). Tout en étant circonspect, il ajoute que « le fait que cette tradition a persisté doit être envisagé avec beaucoup de considération ».

L’historien israélien, Yal Be’eri spécialiste des Pachtounes a comparé certaines de leurs traditions aux traditions juives, en particulier, la circoncision au huitième jour après la naissance, l’interdiction de mélanger la viande et le lait, l’allumage des bougies la veille du Shabbat ou encore le lévirat, mariage où le frère d’un défunt épouse la veuve de son frère, afin de poursuivre la lignée du frère.

L’anthropologue israélienne Shalva Weil professeur à la Hebrew University Jerusalem considère que le lien entre Pachtounes et les tribus perdues d’Israël est particulièrement convaincant : « alors que les générations anciennes de Pachtounes ne cachaient pas leur ascendance juive, les générations plus récentes ont abandonné ce savoir à la lumière de la constellation politique actuelle » (4).

Étrange paradoxe. Après tout, pourquoi ne pas les autoriser à s’installer en Israël, plutôt qu’en Afghanistan ? Même s’ils ne sont pas Juifs, ils sont de fins guerriers…


(1). Michael Freund, Are the Talibans descendants of Israel?, The Jerusalem Post, Sptember 9, 2021.
(2). Joseph Pierre Ferrier, History of the Afghans, Blackwell Andesite Press, 2007.
(3). Itzhak Ben-Zvi, The Exiled and the Redeemed, Philadelphia : Jewish Publication Society of America,1957.
(4). Shalva Weil, The Israelite connections of the Taliban, AfricaNewsAnalysis, September 8, 2011.

jeudi 16 septembre 2021

La vieillesse, 50 ans après

4 commentaires:

Pierre Pestieau

 

En 1970, Simone de Beauvoir publie un ouvrage qui attire l’attention parce qu’il aborde un sujet jusqu’alors négligé : La vieillesse (1). Elle reconnaît d’ailleurs: « Quand je dis que je travaille à un essai sur la vieillesse, le plus souvent on s’exclame “ Quelle idée […] Quel sujet triste ” ». 

Pas seulement triste, c’est une sorte de secret honteux dont il est indécent de parler, et on lui a reproché d’avoir enfreint ce tabou dans le récit des dernières années de Sartre, La cérémonie des adieux, publié en 1981 (2). En 1970, Simone de Beauvoir a 62 ans, un âge où la femme se considère déjà comme âgée. L’espérance de vie des femmes est alors de 75,9 ans et celle des hommes de 68,4. Un demi-siècle plus tard, elle est de dix ans plus élevée pour les deux. 

Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre

La vieillesse est sans conteste un livre qui date à plusieurs égards. En 50 ans, la réalité a changé. Les connaissances scientifiques ont aussi changé. Aujourd’hui on peut parler de deux vieillesses : le troisième âge où l’on reste actif, en relative bonne santé, et le quatrième âge où apparaissent les problèmes de dépendance. Elle écrit : « L’immense majorité des hommes accueillent la vieillesse dans la tristesse ou la révolte. Elle inspire plus de répugnance que la mort même ». Cette affirmation fait sourire quand on sait que cette période est celle où la majorité des gens se disent heureux. 

C’est surtout le point de vue particulier de l’auteure qui frappe, celui d’une intellectuelle bourgeoise qui propose, comme clés d’une vieillesse réussie, la santé et la culture. Il demeure que ce livre a l’immense qualité de souligner les différences entre hommes et femmes qui prévalent dans la vieillesse et de rappeler que la qualité de vieillesse résulte souvent de celle de la vie active.


Pour Simone de Beauvoir, la vieillesse est un temps où la femme prend une revanche partielle sur l’homme qui l’a infériorisée tout au long de sa vie. Pour l’homme coupé du travail, il y a cassure à la retraite, surtout quand il a eu du pouvoir et des responsabilités. Il devient plus radicalement que la femme un pur objet, voire une charge. Affectée aux tâches domestiques, la femme, elle, continue ses activités à la maison, tandis que le vieil homme se sent mis au rebut et souffre de son changement de situation. A l’occasion de la vieillesse, les femmes peuvent utiliser à bon escient leur nouvelle liberté : « Toute leur vie soumises à leur mari, dévouées à leurs enfants, elles peuvent enfin se soucier d’elles-mêmes ». Si les femmes peuvent éventuellement trouver une compensation tardive à leur situation infériorisée, et même une forme de revanche, c’est encore dans un périmètre restreint et le plus souvent au sein de la maison dans des besognes traditionnelles, ce qui ne constitue pas pour Simone de Beauvoir un idéal.

A propos de la classe laborieuse,  Simone de Beauvoir observe que la société essaie bien imparfaitement et maladroitement de compenser, aux travers des retraites à peine décentes, une vie active ingrate. « Des individus exploités, aliénés, quand leur force les quittent deviennent finalement des rebuts, des déchets ». Elle ajoute « Tous les remèdes qu’on propose pour pallier la détresse des vieillards sont si dérisoires : aucun d’eux ne saurait réparer la systématique destruction dont ils ont été victimes pendant toute leur existence. »


(1). Simone de Beauvoir,  La vieillesse  Gallimard, 1970.
(2). Simone de Beauvoir,  La cérémonie des adieux  Gallimard, 1981.

jeudi 9 septembre 2021

Le virus couronné

5 commentaires:

Victor Ginsburgh

 

Il se fait que parmi mes proches, certain(e)s ne veulent pas se laisser vacciner, par peur que l’avenir sur le(s) dit(s) vaccin(s) puisse être dangereux. J’essaie depuis un bout de temps de leur faire entendre raison, mais n’y suis pas arrivé, jusqu’à la chance que j’ai eue de tomber sur une exhortation d’un certain Nicolas Jacob, que je ne connais pas. Hélas, parce qu’il parvient à faire un mélange d’humour, d’humeur, d’intelligence, de sagesse et de bien d’autres qualités sans doute.

Je me permets de recopier ce qu’il a écrit. J’ai deux regrets : ne pas le connaître et ne pas être en mesure de lui demander la permission de reproduire son texte. Merci à JVE qui me l’a fait parvenir.

« A l’attention des “je ne suis pas antivax mais j’ai quand même le droit de me poser des questions”.

« Moi aussi j’en ai une.

« Je le redis, je ne m’adresse pas aux antivax hardcore, mais à ceux qui sont sceptiques pour celui-ci, qui pensent qu’on n’a pas assez de recul, qui préféreraient attendre... et se retrouvent coincés par les nouvelles mesures. Après tout c’est légitime de se poser des questions.

« Alors ma question (en fait y’en a plusieurs) : avant cette crise, avant mars 2020, est-ce que vous vous intéressiez à la médecine, l’immunologie, l’infectiologie ?

« Si oui, je suppose que quand vous rentriez de chez le médecin avec votre ordonnance, vous la décortiquiez en long en large et en travers ?

« Si oui, je suppose que vous avez déplié les notices de chaque médicament et les avez lues de A à Z avant de les jeter parce que ces saloperies sont impossibles à replier et empêchent de remettre les plaquettes dans ces putains de boîtes à la con ?

« Si oui, je suppose que vous vous rappelez le nom des médocs, leur classe pharmaceutique, la molécule active présente et les excipients, les voies métaboliques en jeu, les interactions possibles, les effets indésirables et leur fréquence ?

« Si oui, bravo. Vous êtes de vrais pharmaco-sceptiques. Vous ne prenez aucun médicament à la légère, vous vous informez à fond et potassez.

« Si oui, je suppose que vous avez les compétences nécessaires en lecture critique d’article et en statistiques pour vous faire une idée de leur pertinence et solidité ?

« Si oui, je suppose que vous avez été lire les recommandations officielles de chacun de ces médocs, vérifié depuis quand ils sont sur le marché, été voir les remontées de pharmacovigilance et pesé votre bénéfice/risque personnel.

« Si oui, cette fois bravo, vous cumulez les talents de biochimiste, pharmacologue, médecin, chercheur, médecin de santé publique, agence de contrôle.

« Mais du coup... comment se fait-il que vous n’arriviez pas aux mêmes conclusions que l’OMS et toutes les agences de régulations nationales et supranationales, que vous ayez des questions au lieu d’enfin nous expliquer pourquoi et jusqu’à quand vous comptez attendre ?

« Dites-moi.

« Et par souci de cohérence, si vous choisissez de continuer à jouer du principe de précaution poussé à cet extrême, faites de même pour chaque chose que vous avalez. 

« Soyons honnêtes, tous ici, même les chercheurs, les spécialistes de ceci, font confiance à un moment ou un autre à des spécialistes de cela sur les sujets qu’ils ne maîtrisent pas. Et tant mieux. C’est comme ça qu’on conduit sans être ingénieur ou mécanicien, qu’on prend l’avion sans forcément piger le principe de portance, qu’on accepte de se faire bombarder de rayons X pour faire une radio, qu’on entre dans un champ magnétique gigantesque pour faire une IRM.

« C’est la société moderne. Tout repose sur le fait qu’on fait confiance à l’expertise des autres.  Alors vaccinez-vous, vous ferez un truc utile pour vous et les autres.

« C’est une aberration d’avoir à dépenser autant d’énergie pour vous convaincre ».

Le graphique qui suit décrit ce qui se passe parmi les vaccinés et les non-vaccinés dans un pays qui a été très rapide à vacciner.

Je suis heureux de faire partie de la ligne verte, qui sont ceux qui ont été vaccinés deux fois. S’il vous plaît faites de même… La ligne jaune représente les cas de ceux qui ne sont vaccinés qu’une fois, et le ligne rouge, ceux qui ne sont pas vaccinés.

Nombre de cas sévères parmi les plus de 60 ans (juillet-août 2021)