jeudi 25 mai 2023

Les plantes parlent-elles ?

3 commentaires:

Victor Ginsburgh

Nous ne sommes plus le premier avril mais je viens de redécouvrir un message dans les emails du quotidien Haaretz (*) dont l’introduction explique que “lorsque les plantes sont en difficulté, elles font des sons qui peuvent s’entendre à plusieurs mètres”..., mais personne ne les écoute...

A l'écoute des plantes

Lorsqu’une plante fait face à un problème, elle peut émettre des ultra-sons à plusieurs mètres. Pour les percevoir, on a besoin du matériel adéquat, comme dans la photographie qui précède. Que la plante soit consciente ou non est pour le moment impossible à savoir, mais il est clair, qu’elle possède un agenda biologique.

Est-ce que la plante veut nous “parler” ? Il est un peu tôt de se risquer à répondre à cette question. Ce que l’on sait c’est que certaines plantes changent de couleur lorsqu’elles sont “stressées”, comme les caméléons de ma jeunesse en Afrique. Mais on sait depuis longtemps que les plantes se portent mieux lorsqu’elles entendent de la musique. Et il semble aussi que certaines plantes soient sensibles au sucre. Elles sont également sensibles aux visites de certains papillons, sans les voir ni les entendre, mais quand même, les vibrations des papillons incitent certaines plantes à vibrer à leur rythme.

De la fenêtre où je vous écris, je viens de voir des roses jaunes en train de s’ouvrir. Celles-là même qui ont abîmé un de mes yeux il y a quelques jours (pas par les roses qui n’étaient pas encore écloses—encore que leurs épines étaient déjà présentes). Ce qui m’a coûté une petite opération pour réparer la paupière de mon œil droit. Et j’en ai pour quinze jours parce que je devrais retourner à l’hôpital pour me faire enlever les fils. Je ne dirai pas de mal de l’hôpital : il y avait plus de cent personnes qui étaient arrivées plus ou moins avant moi.

Mais comment pourrais-je ne pas, pour finir, vous envoyer une photographie de deux papillons qui grignotent des fleurs, sans se blesser l’œil et tout en battant des ailes au même rythme que les fleurs ou inversement.



(*) Ruth Schuster, Plants are not silent, Tel Aviv University team discovers, Researchers, Haaretz, March 30, 2023.

jeudi 18 mai 2023

Surenchère statistique

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Pierre Pestieau

On ne peut pas ouvrir un journal ou un magazine sans y retrouver des statistiques dont le seul but est de frapper les consciences. Malheureusement, à force de nous sortir ces chiffres alarmants on ne réussit qu’à nous rendre insensibles aux problèmes qu’ils sont censés dramatiser. C’est ici que le bon sens peut jouer un certain rôle.

Tirés au hasard : Depuis le covid, 4 jeunes sur 10 souffrent de dépression. Le burnout touche plus d’un tiers des enseignants. Un enfant sur trois est pauvre. Alors que l’on vit de plus en plus longtemps, l’espérance de vie en bonne santé stagne à 65 ans tant pour les femmes que les hommes. Les 100 personnes les plus riches sur la planète possèdent plus que la moitié de la population la plus pauvre.

A cet égard, il est intéressant de demander au camarade Google les phénomènes qui correspondent à une personne sur 2, 3, …. et dont raffolent nos journaux. Voici quelques exemples pris au hasard :
1 personne sur deux sera atteinte du cancer au cours de sa vie
1 personne sur 3 dans le monde n’a pas accès à de l’eau salubre
1 personne sur 4 âgées de 15 ans ou plus dans l'Union européenne est un fumeur
1 personne sur 5 est touchée chaque année par un trouble psychique
1 adulte sur 6 dans l’UE est considéré obèse

Je pourrais multiplier ces exemples à l’envi, mais à quoi bon ? En réalité, la plupart de ces assertions ne sont pas toujours incorrectes mais le plus souvent trompeuses parce que reposant sur des définitions très particulières des problème traités. Prenons l’exemple de la pauvreté des enfants. Il faut savoir qu’elle correspond au nombre d’enfants issus de familles pauvres, à savoir de familles dont le revenu est inférieur à deux tiers du revenu médian ajusté pour la taille de la famille. Pour une famille avec trois enfants, le seuil de pauvreté qui en Belgique est d’environ 1300 euros pour une personne isolée passerait à plus de 3000 euros. En outre, cette mesure de pauvreté ne tient pas compte de ce que reçoivent financièrement et affectivement les enfants. Certains enfants de familles pauvres sont sans nul doute mieux traités que des enfants de familles plus aisées. En conclusion, pour avoir une connaissance informée du taux de pauvreté chez les enfants , il faudrait des indicateurs plus intelligents.

Quand on parle de burnout ou de dépression, on a tendance à mettre dans le même panier des pathologies légères et temporaires et les pathologies lourdes et débilitantes. Même remarque pour l’après covid. Il est important de ne pas confondre les inconforts passagers et mineurs avec le covid long qui peut paralyser une vie. Ici aussi des données précises sont importantes pour forcer les pouvoir publics à prendre les mesures appropriées.

Enfin quand on parle d’espérance de vie en bonne santé, il faut raison garder. En France, elle serait de 65 ans pour les hommes et les femmes alors que leur longévité est respectivement de 81 et 86 ans. Il n’est pas crédible d’affirmer que les Français et les Françaises aient en moyenne une fin de vie en mauvaise santé pendant 16 et 21 ans respectivement. Comment alors expliquer que les enquêtes sur le bonheur indiquent que c’est à 65 ans que l’on est le plus heureux. Il est donc important de ne pas confondre les petits bobos et les dépendances lourdes.

Pour conclure, rappelons la blague légèrement éculée : Vous êtes 5 dans une pièce. On sait qu’un homme sur 5 est chinois. Qui est le Chinois parmi vous ?

jeudi 11 mai 2023

Paradoxes (*)

5 commentaires:

Victor Ginsburgh

Il y a un livre qui m’a été offert il y a douze ans, cinq cent pages (un cadeau ou une punition ?). Je suis paresseux et l’ai mis en vue dans ma bibliothèque, mais donne toujours ma préférence à des livres légers (en poids) plutôt que des livres qu’il est impossible de lire au lit. Le livre, que j’ai enfin retrouvé, porte sur les paradoxes et me rajeunit. Le paradoxe est multidisciplinaire, comme le disent les deux auteurs de l’ouvrage. On en trouve partout, en histoire, mathématique, philosophie, sociologie, et bien d’autres disciplines, depuis quelque 3.000 ans, souvent avant l’écriture. On pense à Epiménide le Crétois qui affirme que tous les Crétois sont des menteurs. « Je mens » dit-il. S’il ment en affirmant qu’il ment, c’est qu’il dit la vérité et donc qu’il ment…  Je vous laisse la suite, comme je l’ai fait et n’ai pas toujours tout à fait compris. Certains paradoxes naissent par hasard et font le bonheur de ceux qui les écoutent ; d’autres sont précieusement perdus (moi, par exemple). Voici quelques paradoxes épinglés par les deux auteurs scientifiques de l’ouvrage, Alain Cohen, psychiatre et Antoine Boulanger, proche de la physique.

« Le bonheur est chose bizarre : ceux qui ne l’ont jamais connu ne peuvent être malheureux » (Louis Bromfield).

 

« Nous sommes dans un âge où les raseurs sont pris au sérieux, aussi je tremble de ne pas être incompris » (Oscar Wilde).

 

« Il se peut que le monde arrive à résoudre ses problèmes, mais l’homme sensé doit agir comme s’il en était sûr. Si, en fin de compte, son optimisme se révélait faux, au moins il aura été optimiste » (H. G. Wells).

 

« La plupart des couples ne sont séparés que par le mariage. Dans le couple, les deux ne doivent faire qu’un, mais lequel ? » (Oscar Wilde).

 

« Parmi tous les hommes que je n’aime pas, mon mari est celui que je préfère » (Mme de Staël). 

 

« Il y a des hommes qui n’ont que ce qu’ils méritent ; les autres sont célibataires » (Sacha Guitry).

 

« Où est-on mieux que dans sa famille ? Partout ailleurs » (André Gide).

 

« J’aime beaucoup les originaux, ils se ressemblent tellement » (Lewis Carroll).

 

« Dieu a fait l’homme avant la femme pour lui permettre de placer quelques mots » (Jean Rigaux).

 

« Une femme qui s’en va avec son amant n’abandonne pas son mari, elle le débarrasse d’une femme infidèle » (Sacha Guitry).

 

« C’est en se dirigeant vers la mer que les fleuves restent les plus fidèles à leur source » (Jean Jaurès).

 

« Je fais un nœud à mon mouchoir pour me rappeler que j’existe » (Alexandre Arnoux). 

« Les motivations que vous avez sont toujours les mêmes, à savoir que vous n’en avez pas » (José Giovanni).

 

« Il y a des fous partout, même dans les asiles » (G. B. Shaw).

 

« Elle me dit qu’elle aime se promener seule, moi aussi. Nous pouvons donc sortir ensemble » (Jorge Luis Borges). 

 

« On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres » (Voltaire).

 

 

 

(*) Philippe Boulanger et Alain Cohen, Le trésor des paradoxes, Paris : Belin, 2007.

jeudi 4 mai 2023

Les droits acquis du grand père

1 commentaire:

Pierre Pestieau

Au cours du débat sur la réforme des retraites, il est beaucoup question de la clause du grand-père. Cette clause revient à ne faire subir les effets d’une réforme qu’aux nouveaux venus, en l’occurrence les nouveaux cotisants. Cela devrait en principe éviter d’avoir contre soi la majorité des électeurs qui grâce à cette clause sont épargnés des conséquences négatives de la réforme, augmentation des cotisations ou réduction des prestations. Dans le cas de la France, cela n’a visiblement pas marché pour des raisons diverses : altruisme, méfiance, incompréhension, ras le bol généralisé. Les quatre sans doute.

Plus généralement, la clause du grand-père signifie que l’on décide de ne pas toucher aux droits et aux acquis des personnes bénéficiaires de certains dispositifs, mais de les modifier et de les appliquer aux nouveaux entrants dans le système concerné par ces modifications.

À l'origine , la clause du grand-père (grandfathering) trouve ses racines dans l'histoire raciale de l'Amérique. En 1870, pour contourner l’interdiction de discrimination raciale en matière de vote qui venait d’être ratifiée, plusieurs États du Sud ont créé des conditions - tests d'alphabétisation, taxes de vote et quiz constitutionnels - destinées à empêcher les Noirs de s'inscrire sur les listes électorales. Mais de nombreux Blancs pauvres du Sud risquaient également de perdre leurs droits parce qu'ils n'auraient pas pu répondre à ces exigences. En exemptant de ces tests les citoyens dont les ancêtres (les grands-parents) avaient eu le droit de vote avant 1867, ces États ont permis aux Blancs pauvres et analphabètes de continuer à voter.

Mais revenons à l’histoire contemporaine. Je suis étonné que la majorité des gens estiment que cette clause est légitime et qu’il est du devoir de l’État de garantir les droits acquis, particulièrement dans le domaine des retraites. Prenons l’exemple d’une famille de la classe moyenne. Elle a choisi de verser à la mère veuve du mari une mensualité qui correspond à 10% du son revenu net. Subitement, ce fils modèle perd son emploi et les revenus de la famille sont réduits de moitié. Il semblerait logique de diminuer la mensualité dont il vient d’être question, peut-être pas de la moitié mais d’un certain montant.

Le système par répartition sur lequel repose nos retraites peut être perçu comme un contrat social par lequel les travailleurs s’engagent de verser une certaine fraction de leurs salaires à leurs contemporains retraités avec la promesse qu’une fois qu’ils sont eux-mêmes retraités, la génération suivante s’acquittera de cette obligation. Supposons par exemple que le rapport entre le nombre de travailleurs et celui des retraités soit de 2. Supposons en outre que la durée de la vie active soit le double de la durée de la retraite. Si les travailleurs versent un cinquième de leurs revenus comme contribution au système de retraite, les retraités toucheront un somme équivalente à 80% des revenus de la population active. Il va sans dire que ce sont là des moyennes et que les effets redistributifs jouent un rôle important mais que j’ignore pour les besoin de la démonstration.

Nous faisons maintenant l’hypothèse que soudainement se produise un double choc démographique équivalent au passage du baby-boom au baby-bust et à une rapide augmentation de la longévité. Ce choc a pour conséquence que le rapport actifs/retraités tombe à 1,5 et que le rapport entre durée de vie active/durée de la retraite passe aussi à 1,5. On suppose que les revenus des actifs ne changent pas. Avec cette nouvelle donne, pour assurer aux retraites des pensions inchangées (dans le jargon, on parle de prestations définies), il faudrait quasiment doubler le taux de cotisation des travailleurs. (1) C’est ce à quoi conduirait la clause du grand père. Est-ce juste ? Poser la question revient à y répondre.

Notons pour terminer qu’aujourd’hui du fait de son origine honteuse, le terme « grandfathering » est de moins en moins utilise aux États Unis, correction politique oblige. Nous pourrions faire de même et revenir aux bons droits acquis.




(1). Initialement on comptait 4 travailleurs pour un retraité (2x2) ; on compte maintenant 2,25 travailleurs pour un retraité. Dans le jargon on parle de ratio de dépendance. Si l’on a un système par répartition à prestations définies, cela veut dire que si l’État s’engage à donner aux retraités 80% du revenu des actifs (taux de remplacement), il faut nécessairement augmenter le taux de cotisation des actifs. Avant le choc démographique, chaque actif versait 20% de son revenu et comme il y avait 4 actifs pour un retraite, cela donnait 80%. Si on veut maintenir ce taux de remplacement avec 2,25 actifs par pensionné, le taux de cotisation doit passer à 35%.