jeudi 19 juin 2025

Les milliards de la couvée XIV de cigales émergeront bientôt après avoir « vécu » durant 17 ans sous terre. Surveillez-les

Aucun commentaire:
Sara Hashemi, journaliste du Smithsonian Magazine, 8 mai 2025 (*)

Les cigales de ce groupe nommé XIV ont été vues pour la dernière fois en 2008 et viennent d’apparaître dans tout l'est des États-Unis pour une brève et dramatique frénésie d'accouplement et de mort.


Certaines cigales émergent chaque année, tandis que d'autres émergent à des intervalles de 13 ou 17 ans. La couvée XIV existe depuis longtemps et toutes les autres couvées de 17 ans en sont issues.

La couvée XIV est la même qui a été enregistrée pour la première fois en 1634 par les pèlerins de la colonie de Plymouth. Et la voilà, toujours en train d'émerger à Plymouth. 

Une fois au-dessus du sol, les cigales dites périodiques deviennent rapidement turbulentes. Les nymphes muent hors de leur exosquelette, deviennent des adultes et commencent leur cri d'accouplement gazouillant et bruyant. Ces cigales s'accouplent, pondent leurs œufs et disparaissent rapidement pendant 17 ans.

C'est le sexe, la drogue et les zombies, explique Scientific American. La nature est plus étrange que toute autre science-fiction qui ait jamais été écrite. Après l'éclosion de la progéniture, celle-ci retournera sous terre pendant les 17 prochaines années et le cycle se poursuivra.

L'émergence n'est pas que sexe et mort. Les cigales périodiques jouent en fait un rôle important dans l’écosystème local. Les tunnels d'émergence aèrent le sol et servent des nourritures à de nombreuses espèces.

Les insectes indigènes ne sont pas des parasites, disent les scientifiques. Ils n'essaiment pas. C'est un abus du mot. Les essaims sont généralement des mouvements dirigés et coordonnés d'individus dans une zone particulière. Ils volent partout, mais ne font pas grand-chose, ils vont juste d'arbre en arbre. Ils ne sont pas porteurs de maladies. Ils ne mordent pas, mais ce ne sont quand même pas vraiment des animaux de compagnie.

Même si vous ne repérez pas quelque chose d'aussi horrible qu'une cigale zombie infectée par des champignons, la taille de l'émergence à elle seule est impressionnante.

« Tout le monde aime les spectacles », aurait déclaré un scientifique dans Scientific American. Et, ajoute-t-il, « si ce n'est pas un spectacle, je ne sais pas ce que c'est. »

(*) Traduit pas Victor Ginsburgh

jeudi 12 juin 2025

Pourquoi la rente viagère reste-t-elle si impopulaire, malgré ses vertus ?

1 commentaire:

Pierre Pestieau


Avec la transition silencieuse mais profonde des systèmes de retraite, passant progressivement de régimes à prestations définies à des régimes à cotisations définies, les individus sont désormais confrontés à un choix décisif au moment de quitter la vie active : doivent-ils percevoir leur épargne retraite sous forme de capital, librement disponible, ou sous forme de rente viagère, c’est-à-dire d’un revenu régulier versé jusqu’à la fin de leur vie ?

Dans la grande majorité des pays, on constate une nette préférence pour la sortie en capital. Ce comportement peut sembler paradoxal, voire irrationnel, car la rente présente objectivement des avantages essentiels. Elle permet de se prémunir contre le risque de longévité, c’est-à-dire la possibilité de vivre plus longtemps que prévu et de se retrouver à court de ressources. Elle constitue aussi un rempart contre la tentation — parfois inconsciente — de consommer trop vite l’épargne accumulée. En somme, la rente protège contre la pauvreté à un âge avancé et offre une sécurité fondamentale que le capital seul ne garantit pas.


Pourquoi, dès lors, cette solution est-elle si peu choisie ? Pourquoi tant de retraités, pourtant rationnels dans d’autres domaines de leur vie, privilégient-ils une option financièrement risquée, parfois au mépris de leur propre intérêt à long terme ?

Plusieurs explications convergentes éclairent ce paradoxe. D’abord, une méfiance persistante envers les institutions, et notamment envers les assureurs. En outre, beaucoup redoutent de "perdre" leur capital en cas de décès prématuré : s’ils meurent quelques années après leur départ en retraite, l’argent versé semble alors "perdu", sans retour vers les héritiers. Ce sentiment d’injustice nourrit un rejet viscéral de la rente, perçue comme une forme de dépossession.

Autre explication, une préférence marquée pour la liquidité. Disposer d’un capital immédiatement mobilisable procure une impression de liberté : on peut financer des projets, aider ses proches, ou tout simplement garder "la main" sur son argent. La rente, en revanche, impose un cadre rigide. Or, dans nos sociétés valorisant l’autonomie et le contrôle, cette contrainte apparaît comme une perte de pouvoir sur sa propre vie.

Une autre explication, plus insidieuse, tient à la perception que les individus ont de leur propre longévité. Nombreux sont ceux qui se sous-estiment : ils pensent ne pas vivre assez longtemps pour "rentabiliser" une rente. Ce biais cognitif, bien connu, les conduit à écarter une solution pourtant conçue pour les protéger. À cela s’ajoute une illusion de compétence : gérer son capital soi-même semble plus valorisant que de déléguer à un organisme extérieur, même si cette gestion personnelle s’avère souvent hasardeuse.

Enfin, le cadre institutionnel n’encourage pas toujours la rente. Dans de nombreux pays, elle n’est ni fiscalement avantagée, ni proposée par défaut. Le design même des systèmes pousse, implicitement, à choisir le capital, par facilité ou par habitude.

Faut-il s’en résigner ? Non, car des pistes existent pour réconcilier les individus avec la rente. Il est possible, par exemple, d’introduire des rentes hybrides, intégrant un capital garanti en cas de décès prématuré ou des options d’héritage partiel. Des incitations fiscales ciblées peuvent rendre la rente plus attractive. On peut aussi s’inspirer des travaux en économie comportementale, en recourant à des "nudges" : faire de la rente l’option par défaut, sans l’imposer, peut suffire à inverser la tendance. Enfin, un effort d’éducation financière, dès l’entrée dans la vie active, permettrait de mieux faire comprendre les enjeux du vieillissement et les risques réels liés à la longévité.

En définitive, le rejet de la rente ne relève pas de l’irrationalité pure, mais d’une rationalité limitée, influencée par des biais psychologiques et un environnement institutionnel souvent mal calibré. Dans un monde où chacun est de plus en plus responsable de sa propre retraite, il devient crucial de mieux accompagner les décisions individuelles. Car au-delà du choix technique entre capital et rente, c’est d’un choix de société qu’il s’agit : celui d’une vieillesse digne, autonome et à l’abri du besoin.