jeudi 26 mai 2022

Les robots au secours des Ephad

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Pierre Pestieau

Il n’y a pas que les hôtels que les robots peuvent envahir. Ils pourraient prochainement s’imposer dans les maisons de retraite. Suite au scandale de la maltraitance dans les Ehpad, d’aucuns ont trouvé la solution miracle dans un recours généralisé aux robots. L'expérience du Japon peut être particulièrement instructive, étant donné le déclin de sa population, la proportion croissante de personnes âgées et son aversion pour l'immigration à grande échelle, ainsi que ses prouesses technologiques dans de nombreux aspects de la robotique et de l'automatisation. Bien qu'il soit reconnu que les robots peuvent être un piètre substitut pour de nombreuses tâches exigeant de l'empathie et de la dextérité dans les professions de soins, le Japon a été l'un des premiers à adopter les robots pour répondre à la pénurie de personnel soignant par rapport à la demande croissante de services de soins de longue durée, y compris l'aide aux activités de base de la vie quotidienne telles que l'alimentation, la toilette et le bain.

Au Japon comme ailleurs, les projections prévoient une forte pénurie de travailleurs de soins dans les années à venir, en partie parce que ces travailleurs souffrent de divers maux, tels que des douleurs lombaires, tout en recevant des salaires dépassant à peine le salaire minimum.  En réaction, le Japon a activement encouragé le développement et l'utilisation de robots dans les soins de longue durée. 

Il existe peu d’études empiriques sur cette question. L’une d’entre elles aboutit à des résultats surprenants et instructifs. Dans un article récent (1), des chercheurs ont étudiés la relation entre l'adoption des robots et la dotation en personnel des maisons de retraite au Japon. Ils ont constaté que les maisons de retraite ayant adopté les robots avaient entre 3 et 8 % de personnel en plus que les autres. Les maisons de retraite équipées de robots semblaient également avoir une meilleure qualité de gestion et étaient mieux à même de réduire la charge de travail des soignants. Il apparait ainsi que les robots ne se substituent pas aux aidants mais leur facilitent la tâche et ce faisant, la rendent plus attractive.


(1). Karen Eggleston, Yong Suk Lee, Toshiaki Iizuka, Robots and labour in the service sector, Vox EU 2021. https://voxeu.org/article/robots-and-labour-service-sector.


jeudi 19 mai 2022

Les robots envahissent les hôtels, garez-vous, ils mordent de temps à autre…

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Victor Ginsburgh

La crise du covid qui avait rendu quasi inactive l’industrie hôtelière israélienne a, semble-t-il, créé une façon particulière de servir les quelques clients : les robots (1).

Un robot sur roues se promène dans les corridors de l’hôtel, appelle l’ascenseur et attend. Il attend poliment quoi et pourquoi ? Que l’ascenseur descende et que ceux qui l’utilisent en sortent. Le robot se retire poliment de l’entrée, et lorsque le dernier client en sort, il entre, ferme la porte monte jusqu’au neuvième étage où un client a demandé un essuie mains, ou une tasse de café. Il s’arrête devant le numéro de chambre qui l’a appelé, téléphone au client pour lui dire qu’il attend devant la porte, et lui avance un plateau avec son café ou son essuie mains. Et surtout, il ne rentre pas dans la chambre pour voir ce qui s’y passe.

Le robot réveille beaucoup l’intérêt des hôtes, qui seront soit impressionnés soit choqués par l’un ou l’autre robot qui porte une cravate, tout en les laissant entrer dans l’ascenseur avant lui, parce qu’on leur a expliqué qu’en Belgique, par exemple, les gens se bousculent quand les portes de l’ascenseur s’ouvrent. 

D’autres inventions technologiques naissantes vont remplacer les employés du comptoir de réception, et le robot va vérifier les réservations, enregistrer les paiements, mettre en route l’air conditionné dans leur chambre, et leur proposer des choix de déjeuners ou des dîners commandés par des robots et qui lui seront apportés par un autre robot à l’heure voulue des restaurants voisins, dont le client aura fait par téléphone ses choix. Il suffira de penser au steak pas trop cuit et qui sait, le cuisinier tout aussi robotisé aura préparé le plat par téléphone robotisé. 

Non seulement les robots feront tout ce qu’il faut, mais en outre ils pourront amuser les clients, qui n’auront plus à s’énerver parce que quelque chose n’a pas tourné comme il l’aurait voulu. En effet, si le client parle un peu trop haut, le robot éteindra ses oreilles.

Qui est le client et qui est le robot ?

Post scriptum. Une autre propriété du robot est à l’étude. Lorsque le client fêtera son anniversaire, il est prévu que le robot entrera brutalement dans sa chambre et lui fera un « happy birthday »…


(1). Hadar Kane, Robots invade Israeli hotels. Next target : The world, Haaretz, April 27, 2022.

jeudi 12 mai 2022

Kinder, Buitoni, Mediator, … Les fausses petites économies

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Pierre Pestieau

Le retour à l’équilibre budgétaire qui hante la plupart des gouvernements depuis plusieurs décennies a pour conséquence de réduire les investissement publics, dans la mesure où les dépenses de personnel sont incompressibles. C’est ainsi que l’on assiste à la détérioration progressive de nos infrastructures. Routes, gares, hôpitaux, bâtiments scolaires sont les sacrifiés traditionnels sur l’autel de l’austérité budgétaire. Il existe d’autres victimes, sans doute moins visibles, mais avec des conséquences tout aussi désastreuses.

Les scandales récents des Ehpad en France accusés de maltraiter leurs résidents et de la multinationale Ferrero responsable de plusieurs cas d'infections aux salmonelloses en Europe nous rappellent l’importance de contrôles réguliers et transparents dans les domaines où notre et vie et notre santé sont en jeu et où l’objectif des entreprises concernées est la seule recherche du profit. Or ces contrôles n’ont visiblement pas été faits ou s’ils l’ont été, ils n’ont pas été bien faits.  La raison invoquée dans ces deux cas est le manque de moyens des agences de contrôle, moyens qui ont été réduits progressivement au cours de ces dernières années par souci d’économie. 


En France, le nombre d’inspecteurs chargés de contrôler la qualité des Ehpad n’a cessé de diminuer. La sous-ministre en charge de l’autonomie vient de décider d’engager 150 nouveaux inspecteurs de l’action sanitaire et sociale. Mais cela est nettement insuffisant pour pouvoir inspecter régulièrement et efficacement tous les Ehpad. Dans le domaine de l’alimentation, même constat. Toutes les agences, dont la mission est de veiller à la sécurité et à la qualité de notre alimentation et de protéger la santé de la population, ne parviennent pas a mener des contrôles suffisants sur l'ensemble de la chaine alimentaire.

La tendance de long terme, elle, est à la baisse des moyens d’inspection. En France, le nombre de contrôles alimentaires réalisés par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a diminué de 33 % entre 2012 et 2019. Et de 2007 à 2020, les services de la répression des fraudes sont passés de 3 600 à 2 600 agents. La Cour des comptes a souligné ces difficultés et la tendance est la même en Belgique. Le Bureau européen des unions de consommateurs a constaté une baisse générale, dans douze pays étudiés, des contrôles officiels sur l’alimentation.

Cette réduction des dépenses invisibles ne se limite pas aux secteurs de l’alimentation et des maisons de retraite. On se rappelle l'affaire du Mediator qui concernait les personnes victimes de la prise de Benflorex, commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier de 1976 à 2009. Le Mediator est accusé d’avoir causé la mort de 1 500 à 2 100 personnes, sans compter celles qui souffrent des conséquences des effets secondaires.

Il y aussi le scandale du radon qui concerne de nombreux pays. Le radon est un gaz radioactif qui serait à l'origine de 10% des cancers du poumon et de 500 décès par an en Belgique. 

Dans un tout autre secteur, celui des impôts, la réduction du personnel a eu des conséquences certes moins dramatiques mais sérieuses pour le Trésor public. Tout particulièrement, la diminution du nombre d’inspecteurs chargés de la fraude financière a pour conséquence que celle-ci augmente et que l’État se prive de recettes dont il a grand besoin.

On pourrait multiplier à l’envi ces situations choquantes qui auraient pu être évitées si l’État procédait au plus élémentaire calcul coût avantage qui montrerait qu’une augmentation des contrôles auraient des avantages bien supérieurs à ce qu’ils coûteraient. Il est temps d’en finir avec ces fausses économies. 

jeudi 5 mai 2022

Nous sommes sur le point de gommer la violence des colons en Palestine occupée

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Victor Ginsburgh

Ce qui se passe en Ukraine est monstrueux et nous fait oublier ce qui se passe dans les territoires occupés par les Israéliens. On aurait tant aimé que le départ de Netanyahou change les choses. Il n’en est rien, hélas. 

Il y a des dizaines d’années que la violence israélienne contre les Palestiniens en Cisjordanie a été faite de « carnages », dont le but était d’expulser les Palestiniens de leurs espaces publics et privés, en volant un dunam (environ 1 000 mètres carrés) après l’autre, gagnant ainsi une source d’eau par-ci ou une citerne par-là.

Un rapport de B’Tselem (1) qui suit de près les violences et les vols israéliens a calculé l’espace que cinq colonies illégales prises au hasard en Cisjordanie ont pu s’approprier. Cet espace est de 28 000 mètres carrés. D’après un vieux colon, l’estimation que les 150 colonies et fermes individuelles ont réussi à voler aux Palestiniens s’élève à près de dix fois plus. 

Cette « mission » israélienne est basée sur le fait que les Palestiniens « violent » les fêtes juives et le Shabbat (samedi) en particulier. Elle consiste à couper et à brûler les oliviers, incendier les mosquées, vandaliser les véhicules, voler des récoltes, utiliser des drones qui espionnent les Palestiniens, lâcher des chiens pour attaquer les fermiers et les bergers, jeter des pierres et allumer des feux qui peuvent se transformer en incendies.

Palestiniens inspectant un olivier après une attaque de colons en Cisjordanie occupée

L’impuissance des forces de loi et d’ordre israéliennes face à la violence des colons n’est en aucun cas un échec bureaucratique. Si l’establishment politique et légal le voulait, il pourrait trouver des moyens de mettre un terme à cette terreur juive. La raison de cette « impuissance » est simple et le rapport qu’en fait B’Tselem l’explique : le gouvernement et les colons partagent le but commun d’annexer le plus possible du territoire palestinien en Cisjordanie et de pousser les Palestiniens à s’installer dans les aires densément peuplées et non contigües, de les empêcher de construire, de se connecter à l’électricité et à l’eau.

Un grand nombre de communautés palestiniennes continuent à vivre sur leurs terres, malgré les conditions difficiles que les israéliens leur imposent. Des attaques armées par les colons, protégés par l’armée dont les soldats ne seront pas rendus responsables, ont réussi là où les actions officielles ne l’ont pas : les Palestiniens sont empêchés d’arriver à leurs terres et abandonnent souvent leur logement, envahi par les colons. 

L’indifférence de la société civile israélienne est manifeste. Israël paiera un jour où l’autre.


(1). The Israeli Information Center for Human Rights in Occupied Territories. Allez voir https://www.btselem.org et vous aurez des exemples récents de brutalités que font subir les Israéliens aux Palestiniens.
(2). Ce texte est largement basé sur un éditorial de Haaretz, Israel must deal with settler violence sooner rather than later, Haaretz, 15 novembre 2021.