jeudi 14 décembre 2023

Zones bleues ou zones floues

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Pierre Pestieau

J'ai récemment essayé de regarder la série télévisée « 100 ans de plénitude : les secrets des zones bleues » sur Netflix. La plateforme la présente comme un tour du monde de ces endroits où l’on vit vieux. L'animateur enthousiaste semble sincèrement désireux de nous aider à vivre jusqu'à 100 ans. Il ne faut pas plus de dix minutes pour se rendre compte du caractère risible et trompeur de cette initiative.

Le terme « zones bleues » date de vingt ans. Il fut introduit par le démographe belge Michel Poulain et deux collègues (1) qui ont identifié une zone montagneuse dans le centre de la Sardaigne, caractérisée par une longévité masculine exceptionnelle. Ils ont qualifié ce point chaud de la longévité de "zone bleue" (2) tout en restant prudent quant aux facteurs pouvant expliquer ce phénomène. Netflix a manifestement reconnu l'attrait commercial des zones bleues et a identifié quatre autres points chauds en matière de longévité : Okinawa (Japon), Nicoya (Costa Rica), Loma Linda (Californie) et Ikaria (Grèce).

Les Américains ont un appétit apparemment insatiable pour l'amélioration de soi: comment perdre du poids, comment devenir riche, comment se faire des amis, comment avoir un mariage heureux. Dans le cas de la longévité, pourquoi pas ? La série propose des conseils somme toute raisonnables : pratiquer une activité physique régulière, avoir une alimentation saine, ne pas stresser. Qui pourrait ne pas être d'accord ?

Ce qui m’a semblé irritant dans cette présentation, c’est le ton pseudo-scientifique qu’elle adopte. Cela apparaît dans le choix des zones bleues et dans la pratique consistant à émettre des hypothèses après que les résultats soient connus.

La sélection des zones bleues paraît fantaisiste. Elle ne s’appuie sur aucune étude démographique sérieuse. On trouve dans la littérature bien d’autres régions propices aux centenaires. Le plus souvent, on s’aperçoit que les fondements sont tenus. Ce fut longtemps le cas de Géorgie ou de l’Altiplano. La sélection de Netflix reflète un partis pris surprenant sur l’art de devenir centenaire en oubliant la France qui compte le plus grand nombre de centenaires et de supercentenaires (plus de 110 ans). 

La deuxième raison pour laquelle la démarche de Netflix est discutable réside dans la manière dont les données sont utilisées, à savoir repérer des modes de vie et d’alimentation communs à ces zones et en inférer que leur adoption conduit à s’assurer une longue vie. Cette erreur est connue sous le nom de HARKing (Hypothèses après connaissance des résultats). Dans toute base de données raisonnablement importante, il y a forcément des corrélations fortuites. Imaginez que vous visitez une région où le cancer est fréquent et où les habitants mangent du quinoa, jouent à la pétanque et cultivent des choux. Cela ne signifie pas que l'une ou l'autre de ces activités soit à l'origine du cancer.

Le lauréat du prix Nobel Richard Feynman a déclaré un jour à un auditoire « Vous savez, la chose la plus étonnante qui me soit arrivée ce soir? Je venais ici, en route pour la conférence, et je suis entré dans le parking. Et vous n'allez pas croire ce qui s'est passé. J'ai vu une voiture immatriculée ARW 357 ! Vous vous rendez compte ? Sur les millions de plaques d'immatriculation que compte ce pays, quelle était la probabilité que je voie celle-là ce soir ? Incroyable ! ». Pour revenir à notre sujet, le fait qu'un homme de 100 ans mange des haricots ne prouve pas que c'est parce qu'il mange des haricots qu'il a 100 ans. Cette pratique de recherche est pour le moins discutable et malheureusement trop fréquente.




(1). Poulain, Michel, Anne Herm et Gianni Pes, (2016) Blue Zones : aires de longévité exceptionnelle de par le monde, Gérontologie et société , vol 38. 55-70.
(2). Poulain et ses collègues dessinèrent sur une carte à l'encre bleue la zone regroupant ces villages où se concentraient les hommes centenaires. D’où le nom de zone bleue.

jeudi 22 juin 2023

La perfection n’est pas de ce monde. Heureusement

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Pierre Pestieau

En économie comme ailleurs, il existe des indicateurs qui peuvent prendre des valeurs comprises entre 0 et 1 ou entre 0 et 100%. 1 ou 100% correspond à la perfection. Est-elle atteignable ou souhaitable ? Je me souviens d’un collègue, disparu depuis, qui, quand il avait un étudiant qui avait remis une copie sans fautes, lui attribuait la note 18/20 avec le commentaire : 20 c’est pour Dieu et 19 c’est pour moi. En fait pour beaucoup de grandeurs, la perfection serait plutôt représentée par le chiffre 0. C’est le cas de la pauvreté, du chômage, des inégalités et de la maladie.

On peut faire mieux que 100%. Il y a 50 ans, le candidat à la présidence américaine, Georges McGovern assurait le sénateur Eagleton, son choix pour la vice-présidence, de son soutien à 1000% avant de s’en séparer quelques jours après.

Quelle que soit la manière dont on la mesure, la perfection n’est pas toujours souhaitable. Elle frise l’excès. En témoignent les expressions avec ‘trop’. On ne tient pas à être trop bon, trop honnête, trop gentil . Pour paraphraser Raymond Devos, il vaut mieux être aimable que trop aimable. Ou la chanson de Lomepal que mon petit-fils vient de me faire découvrir : « Trop beau pour être vrai. »

Il semblerait que l’eau absolument pure serait imbuvable et que l’air absolument pur serait irrespirable. Même remarque lorsque 0 et non 100% représente la perfection. Il y a quelques jours je voyais une affiche avec en grandes lettres « Tolérance zéro au harcèlement sexuel ». Objectif hautement louable mais impossible dans le meilleur des mondes, Même remarque pour la politique dite de « la tolérance zéro » du tristement célèbre Rudolph Giuliani alors maire de New York.

Pour revenir à l’économie, on sait qu’une société a besoin d’une certaine inégalité des revenus afin de stimuler tout un chacun à faire mieux que la moyenne. On peut le regretter et espérer qu’un jour on trouve une société où l’égalité selon les besoins soit la norme, un peu comme dans la famille idéale. Quant à l’emploi, on sait qu’un marché de l’emploi fonctionnel implique un certain taux de chômage, que l’on qualifie de frictionnel et qui correspond à des périodes d’attente entre deux emplois. Ici aussi, on peut rêver d’un monde où tout le monde aurait un travail et où le passage d’un job à l’autre se ferait sans friction. Il n’est pas interdit de rêver.

Le Paradis qui devrait évoquer la perfection paraît fort ennuyeux. A tel point que certains optent pour l’enfer.

jeudi 15 juin 2023

Le mérite ou le patrimoine

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Pierre Pestieau

Dans son livre La tyrannie du mérite (1), Michael Sandel explique avec éloquence le paradoxe de nos sociétés démocratiques qui utilisent les meilleures universités comme vecteur de reproduction sociale. Aux Etats-Unis, on a ainsi vu émerger une nouvelle aristocratie héréditaire du bon diplôme, obtenu dans la bonne université.

Comment ces nouveaux aristocrates, dont les rejetons ne sont pas toujours doués, réussissent à les faire admettre dans ces institutions qui comme Harvard ou Yale se veulent rigoureuses et intègres. Sandel commence son ouvrage en rappelant toutes les voies indirectes qui permettent de contourner des critères d’admission infranchissables pour la majorité des étudiants. Il y a d’abord l’argent. Les alumni fortunés qui font de généreuses donations à leur alma mater peuvent faire admettre leurs enfants, même s’ils ne sont pas à la hauteur. Il y a ensuite la tricherie dont la plus connue est celle des faux sportifs.

A titre d’exemple, on citera les poursuites dont fait l’objet un certain William Singer, le fondateur du Edge College & Career Network, une école qui préparait les jeunes à l'entrée à l'université, aussi connue sous le nom de "The Key". Il aurait aidé les étudiants à tricher à leurs examens et à payer des coaches sportifs pour que ceux-ci leur fournissent de faux certificats de sport. Aux Etats-Unis, les bons athlètes peuvent être admis en jouant dans les équipes universitaires.

Les faux allaient parfois très loin. Ce William Singer aurait ainsi réalisé des montages, collant la tête des étudiants sur des photos de sportifs. Certains parents auraient activement participé à ces faux. Dans l'un des exemples cités par la plainte, des parents auraient versé la somme de 1,2 million de dollars pour que leur fille soit prise à l'université de Yale. La jeune fille était présentée comme la capitaine d'une équipe de football de Californie, pour qu'elle soit recrutée par l'équipe universitaire. L'entraîneur de cette équipe aurait perçu 400.000 dollars pour l'aider.

Certes ce sont là des exceptions. La plupart de étudiants de ces universités prestigieuses sont passés par le canal traditionnel qui requiert des bons scores au sortir du lycée et des parents fortunés dans la mesure où les droits d’inscription ne sont pas à la portée de l’américain moyen. Les scores sont aussi liés au patrimoine familial dans la mesure où les bons lycées se trouvent dans les districts scolaires huppés et qu’en outre, ces scores nécessitent de plus en plus de tutorat privé et donc coûteux (2).

J’ai eu récemment l’occasion de parler à un étudiant de première année dans une de ces prestigieuses institutions. Il me disait à quel point le milieu ambiant, les condisciples, les enseignants, les fraternités insistaient sur l’importance de se créer des réseaux qui s’avéreront utiles à l’avenir dans la carrière professionnelle. Il avait ainsi été fortement invité à participer à une conférence donnée par un alumnus qui dirigeait une grosse boite. Cela lui garantissait d’y être engagé à la sortie de ses études.

Les temps changent. Je me souviens du film The Graduate et de la chanson fétiche de Simon et Garfunkel « Mrs Robinson ». Une scène mythique de ce fim : Au bord de la piscine de ses parents (symbolisant alors le confort de la haute bourgeoisie), un voisin d'âge moyen aborde le jeune diplômé et lui parle de son avenir avec cette injonction devenue culte "Un seul mot : plastique. Le plastique a un grand avenir". A l’époque, cela paraissait risible (3). Ce ne l’est sans doute plus aujourd’hui.

Ce que montre Sandel c’est que ces étudiants, quel que soit le moyen d’admission auquel ils ont eu recours, quand ils auront obtenus un job bien rémunéré, seront convaincus qu’ils le doivent à leur mérite et non pas à la fortune de leurs parents. On s’offre la bonne conscience que l’on peut.


(1). Albin Michel, 2022.
https://www.albin-michel.fr/ouvrages/la-tyrannie-du-merite-9782226445599
(2). Une étude récente montre que le tutorat joue un rôle essentiel dans les admissions et les réussites des jeunes américains. Voir sur ce sujet Kraft, Matthew A. and Bolves, Alex and Hurd, Noelle, How Informal Mentoring by Teachers, Counselors, and Coaches Supports Students’ Long-Run Academic Success (May 1, 2023). NBER Working Paper No. w31257.
(3). D’autant que le jeune lauréat pensait beaucoup plus à la pastique de Mrs Robinson qu’à son avenir dans le plastique ou ailleurs.

jeudi 8 juin 2023

Henri Michaux écrit... (*)

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(Victor Ginsburgh)

Faute d’aura, au moins éparpillons nos effluves.

Il lui tranche la tête avec un sabre d’eau, puis plaide non coupable et le crime disparaît avec l’arme qui s’écoule.

Comme on détesterait moins les hommes s’ils ne portaient pas tous figure.

Celui qui parle de lion à un passereau s’entend répondre : tchipp.

On ne voit pas les virgules entre les maisons, ce qui en rend la lecture si difficile et les rues si lassantes à parcourir.

Fille indécise ne doit pas se voir avec son rabat-jupe.

Faites pondre le coq, la poule parlera.

Les oreilles dans l’homme sont mal défendues. On dirait que les voisins n’ont pas été prévus.

Les pieds, n’approuvent pas le visage, ils approuvent la plage.

Les pins, tous les résineux, sont des arbres sociaux. C’est un fait. Le pommier, lui, vit toujours seul. Le pommier sauvage, s’entend. Mais tout pommier guette le moment de redevenir sauvage, de vivre seul à nouveau, avec de tous petits fruits, acides et jolis (pas enflés du tout). Vrai, on n’aurait pas cru ça du pommier.

Il devait retenir son oeil avec du mastic. Quand on en est là...

Un veau voulait naître à nouveau. C’était pour quelques observations à faire, prétendait-il, qu’il n’avait pu faire. Ce veau, on le devine, était un garçon. Seul, un jeune homme peut ainsi se tromper sur soi.

Les jeunes consciences ont le plumage raide et le vol bruyant.

Muet, gardé par deux sourds, attend un signe.

Qui s’est abaissé devant une fourmi, n’a plus à s’abaisser devant un lion.

Jugé indigne de barreaux d’honneur, je fus mis en prison.

Il n’y a pas de preuve que la puce, qui vit sur la souris, craigne le chat.

Après deux cents heures d’interrogatoire ininterrompu, Bossuet aurait avoué qu’il ne croyait pas en Dieu.

(*) Henri Michaux, Face aux verrous, NRF, Poésie/Gallimard.

jeudi 1 juin 2023

Bonheur, santé et autonomie

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Pierre Pestieau

Les politiques sociales s’adressent aux personnes âgées sous trois angles : santé, autonomie et revenus. Dans le meilleur des monde, on pourrait imaginer que ces politiques puissent aboutir à ce que chacun jouisse d’une bonne santé et d’une pleine autonomie et dispose de ressources suffisantes. Et pourtant même dans ce « meilleur » des mondes, subsisterait un problème : tout le monde ne serait pas également heureux. Ces différences de bonheur, alors qu’autonomie, revenu et santé seraient les mêmes pour tous, peuvent s’expliquer par différents facteurs. J’en retiendrai deux qui me semblent les plus importants : la capacite innée a être heureux et l’environnement social, à savoir la famille et les amis.

Dans une étude récente (1) portant sur les personnes âgées dans une vingtaine de pays européens, il apparaît que contrôlant pour les différences de revenus, le bonheur d’une part et la santé/autonomie d’autre part n’étaient pas fortement corrélés. En d’autres termes, on trouvait dans chacun des pays étudiés, des personnes en bonne santé et parfaitement autonomes qui se disaient malheureuses et des personnes fortement dépendantes qui se disaient heureuses.

Une objection bien naturelle pourrait être émise à propos de la capacité à mesurer ces différentes variables. Par ordre de difficulté, on aurait le revenu, la santé, l’autonomie, l’environnement social, le bonheur et enfin la capacité à être heureux. On passera sur cette objection pour les besoins de l’argumentation et on supposera que l’on peut quantifier ces différentes dimensions. Se posent alors deux questions. Est-ce bien le rôle de l’État providence de viser aux plus grand bonheur des individus et plus précisément de compenser les individus qui ont un environnement social défavorable et une faible capacité à être heureux ? Ensuite, si la réponse a cette première question est positive, quels instruments peuvent amener cette compensation ?

En améliorant l’habitat des personnes âgées, on pense aux habitation intergénérationnelles ou à des EHPAD davantage conviviaux, on peut améliorer la qualité de leur environnement social. Mais ce sera limité. Quant à la capacité à être heureux, la seule solution pourrait être des compensations monétaires qui permettrait d’augmenter le bien-être des tristounets de ce monde.

Dans la pratique, l’État providence tend a mettre l’accent sur les dimensions de revenu, de santé et d’autonomie, négligeant les autre facteurs expliquant le bonheur. Comment expliquer ce positionnement ? Est-ce pour des raisons d’information ? On n’agirait que sur les dimensions qui sont observables. Ou est-ce pour des raisons éthiques ? Ce ne serait pas à l’État providence de s’occuper du bonheur des gens. Il existe cependant une troisième explication qui repose sur le concept de dissonance cognitive : si quelqu'un désire quelque chose, mais qu'il le trouve inatteignable, il réduit sa dissonance en le critiquant. Jon Elster (2) qualifie ce type de comportement de « formation d’une préférence adaptée ». En d’autres termes, les individus auraient tendance à trouver leur bonheur dans l’adversité, que ce soit la maladie, le handicap ou la pauvreté.

Si cette hypothèse devait être vérifiée, baser une politique publique sur un indicateur de bonheur pose problème. Cela validerait la politique observée qui consiste à assurer aux personnes âgées la meilleure santé possible et la plus grande autonomie.


(1). Flawinne, X., S. Perelman et J. Schoenmakers (2023), Indicateurs de dépendance sur base de l’enquête SHARE : réflexions sur l’espérance de vie sans capacité, ronéo.

(2). Jon Elster Rationality and the Emotions, The Economic Journal, Volume 106, 1996, Pages 1386–1397.

jeudi 25 mai 2023

Les plantes parlent-elles ?

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Victor Ginsburgh

Nous ne sommes plus le premier avril mais je viens de redécouvrir un message dans les emails du quotidien Haaretz (*) dont l’introduction explique que “lorsque les plantes sont en difficulté, elles font des sons qui peuvent s’entendre à plusieurs mètres”..., mais personne ne les écoute...

A l'écoute des plantes

Lorsqu’une plante fait face à un problème, elle peut émettre des ultra-sons à plusieurs mètres. Pour les percevoir, on a besoin du matériel adéquat, comme dans la photographie qui précède. Que la plante soit consciente ou non est pour le moment impossible à savoir, mais il est clair, qu’elle possède un agenda biologique.

Est-ce que la plante veut nous “parler” ? Il est un peu tôt de se risquer à répondre à cette question. Ce que l’on sait c’est que certaines plantes changent de couleur lorsqu’elles sont “stressées”, comme les caméléons de ma jeunesse en Afrique. Mais on sait depuis longtemps que les plantes se portent mieux lorsqu’elles entendent de la musique. Et il semble aussi que certaines plantes soient sensibles au sucre. Elles sont également sensibles aux visites de certains papillons, sans les voir ni les entendre, mais quand même, les vibrations des papillons incitent certaines plantes à vibrer à leur rythme.

De la fenêtre où je vous écris, je viens de voir des roses jaunes en train de s’ouvrir. Celles-là même qui ont abîmé un de mes yeux il y a quelques jours (pas par les roses qui n’étaient pas encore écloses—encore que leurs épines étaient déjà présentes). Ce qui m’a coûté une petite opération pour réparer la paupière de mon œil droit. Et j’en ai pour quinze jours parce que je devrais retourner à l’hôpital pour me faire enlever les fils. Je ne dirai pas de mal de l’hôpital : il y avait plus de cent personnes qui étaient arrivées plus ou moins avant moi.

Mais comment pourrais-je ne pas, pour finir, vous envoyer une photographie de deux papillons qui grignotent des fleurs, sans se blesser l’œil et tout en battant des ailes au même rythme que les fleurs ou inversement.



(*) Ruth Schuster, Plants are not silent, Tel Aviv University team discovers, Researchers, Haaretz, March 30, 2023.

jeudi 18 mai 2023

Surenchère statistique

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Pierre Pestieau

On ne peut pas ouvrir un journal ou un magazine sans y retrouver des statistiques dont le seul but est de frapper les consciences. Malheureusement, à force de nous sortir ces chiffres alarmants on ne réussit qu’à nous rendre insensibles aux problèmes qu’ils sont censés dramatiser. C’est ici que le bon sens peut jouer un certain rôle.

Tirés au hasard : Depuis le covid, 4 jeunes sur 10 souffrent de dépression. Le burnout touche plus d’un tiers des enseignants. Un enfant sur trois est pauvre. Alors que l’on vit de plus en plus longtemps, l’espérance de vie en bonne santé stagne à 65 ans tant pour les femmes que les hommes. Les 100 personnes les plus riches sur la planète possèdent plus que la moitié de la population la plus pauvre.

A cet égard, il est intéressant de demander au camarade Google les phénomènes qui correspondent à une personne sur 2, 3, …. et dont raffolent nos journaux. Voici quelques exemples pris au hasard :
1 personne sur deux sera atteinte du cancer au cours de sa vie
1 personne sur 3 dans le monde n’a pas accès à de l’eau salubre
1 personne sur 4 âgées de 15 ans ou plus dans l'Union européenne est un fumeur
1 personne sur 5 est touchée chaque année par un trouble psychique
1 adulte sur 6 dans l’UE est considéré obèse

Je pourrais multiplier ces exemples à l’envi, mais à quoi bon ? En réalité, la plupart de ces assertions ne sont pas toujours incorrectes mais le plus souvent trompeuses parce que reposant sur des définitions très particulières des problème traités. Prenons l’exemple de la pauvreté des enfants. Il faut savoir qu’elle correspond au nombre d’enfants issus de familles pauvres, à savoir de familles dont le revenu est inférieur à deux tiers du revenu médian ajusté pour la taille de la famille. Pour une famille avec trois enfants, le seuil de pauvreté qui en Belgique est d’environ 1300 euros pour une personne isolée passerait à plus de 3000 euros. En outre, cette mesure de pauvreté ne tient pas compte de ce que reçoivent financièrement et affectivement les enfants. Certains enfants de familles pauvres sont sans nul doute mieux traités que des enfants de familles plus aisées. En conclusion, pour avoir une connaissance informée du taux de pauvreté chez les enfants , il faudrait des indicateurs plus intelligents.

Quand on parle de burnout ou de dépression, on a tendance à mettre dans le même panier des pathologies légères et temporaires et les pathologies lourdes et débilitantes. Même remarque pour l’après covid. Il est important de ne pas confondre les inconforts passagers et mineurs avec le covid long qui peut paralyser une vie. Ici aussi des données précises sont importantes pour forcer les pouvoir publics à prendre les mesures appropriées.

Enfin quand on parle d’espérance de vie en bonne santé, il faut raison garder. En France, elle serait de 65 ans pour les hommes et les femmes alors que leur longévité est respectivement de 81 et 86 ans. Il n’est pas crédible d’affirmer que les Français et les Françaises aient en moyenne une fin de vie en mauvaise santé pendant 16 et 21 ans respectivement. Comment alors expliquer que les enquêtes sur le bonheur indiquent que c’est à 65 ans que l’on est le plus heureux. Il est donc important de ne pas confondre les petits bobos et les dépendances lourdes.

Pour conclure, rappelons la blague légèrement éculée : Vous êtes 5 dans une pièce. On sait qu’un homme sur 5 est chinois. Qui est le Chinois parmi vous ?

jeudi 11 mai 2023

Paradoxes (*)

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Victor Ginsburgh

Il y a un livre qui m’a été offert il y a douze ans, cinq cent pages (un cadeau ou une punition ?). Je suis paresseux et l’ai mis en vue dans ma bibliothèque, mais donne toujours ma préférence à des livres légers (en poids) plutôt que des livres qu’il est impossible de lire au lit. Le livre, que j’ai enfin retrouvé, porte sur les paradoxes et me rajeunit. Le paradoxe est multidisciplinaire, comme le disent les deux auteurs de l’ouvrage. On en trouve partout, en histoire, mathématique, philosophie, sociologie, et bien d’autres disciplines, depuis quelque 3.000 ans, souvent avant l’écriture. On pense à Epiménide le Crétois qui affirme que tous les Crétois sont des menteurs. « Je mens » dit-il. S’il ment en affirmant qu’il ment, c’est qu’il dit la vérité et donc qu’il ment…  Je vous laisse la suite, comme je l’ai fait et n’ai pas toujours tout à fait compris. Certains paradoxes naissent par hasard et font le bonheur de ceux qui les écoutent ; d’autres sont précieusement perdus (moi, par exemple). Voici quelques paradoxes épinglés par les deux auteurs scientifiques de l’ouvrage, Alain Cohen, psychiatre et Antoine Boulanger, proche de la physique.

« Le bonheur est chose bizarre : ceux qui ne l’ont jamais connu ne peuvent être malheureux » (Louis Bromfield).

 

« Nous sommes dans un âge où les raseurs sont pris au sérieux, aussi je tremble de ne pas être incompris » (Oscar Wilde).

 

« Il se peut que le monde arrive à résoudre ses problèmes, mais l’homme sensé doit agir comme s’il en était sûr. Si, en fin de compte, son optimisme se révélait faux, au moins il aura été optimiste » (H. G. Wells).

 

« La plupart des couples ne sont séparés que par le mariage. Dans le couple, les deux ne doivent faire qu’un, mais lequel ? » (Oscar Wilde).

 

« Parmi tous les hommes que je n’aime pas, mon mari est celui que je préfère » (Mme de Staël). 

 

« Il y a des hommes qui n’ont que ce qu’ils méritent ; les autres sont célibataires » (Sacha Guitry).

 

« Où est-on mieux que dans sa famille ? Partout ailleurs » (André Gide).

 

« J’aime beaucoup les originaux, ils se ressemblent tellement » (Lewis Carroll).

 

« Dieu a fait l’homme avant la femme pour lui permettre de placer quelques mots » (Jean Rigaux).

 

« Une femme qui s’en va avec son amant n’abandonne pas son mari, elle le débarrasse d’une femme infidèle » (Sacha Guitry).

 

« C’est en se dirigeant vers la mer que les fleuves restent les plus fidèles à leur source » (Jean Jaurès).

 

« Je fais un nœud à mon mouchoir pour me rappeler que j’existe » (Alexandre Arnoux). 

« Les motivations que vous avez sont toujours les mêmes, à savoir que vous n’en avez pas » (José Giovanni).

 

« Il y a des fous partout, même dans les asiles » (G. B. Shaw).

 

« Elle me dit qu’elle aime se promener seule, moi aussi. Nous pouvons donc sortir ensemble » (Jorge Luis Borges). 

 

« On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres » (Voltaire).

 

 

 

(*) Philippe Boulanger et Alain Cohen, Le trésor des paradoxes, Paris : Belin, 2007.

jeudi 4 mai 2023

Les droits acquis du grand père

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Pierre Pestieau

Au cours du débat sur la réforme des retraites, il est beaucoup question de la clause du grand-père. Cette clause revient à ne faire subir les effets d’une réforme qu’aux nouveaux venus, en l’occurrence les nouveaux cotisants. Cela devrait en principe éviter d’avoir contre soi la majorité des électeurs qui grâce à cette clause sont épargnés des conséquences négatives de la réforme, augmentation des cotisations ou réduction des prestations. Dans le cas de la France, cela n’a visiblement pas marché pour des raisons diverses : altruisme, méfiance, incompréhension, ras le bol généralisé. Les quatre sans doute.

Plus généralement, la clause du grand-père signifie que l’on décide de ne pas toucher aux droits et aux acquis des personnes bénéficiaires de certains dispositifs, mais de les modifier et de les appliquer aux nouveaux entrants dans le système concerné par ces modifications.

À l'origine , la clause du grand-père (grandfathering) trouve ses racines dans l'histoire raciale de l'Amérique. En 1870, pour contourner l’interdiction de discrimination raciale en matière de vote qui venait d’être ratifiée, plusieurs États du Sud ont créé des conditions - tests d'alphabétisation, taxes de vote et quiz constitutionnels - destinées à empêcher les Noirs de s'inscrire sur les listes électorales. Mais de nombreux Blancs pauvres du Sud risquaient également de perdre leurs droits parce qu'ils n'auraient pas pu répondre à ces exigences. En exemptant de ces tests les citoyens dont les ancêtres (les grands-parents) avaient eu le droit de vote avant 1867, ces États ont permis aux Blancs pauvres et analphabètes de continuer à voter.

Mais revenons à l’histoire contemporaine. Je suis étonné que la majorité des gens estiment que cette clause est légitime et qu’il est du devoir de l’État de garantir les droits acquis, particulièrement dans le domaine des retraites. Prenons l’exemple d’une famille de la classe moyenne. Elle a choisi de verser à la mère veuve du mari une mensualité qui correspond à 10% du son revenu net. Subitement, ce fils modèle perd son emploi et les revenus de la famille sont réduits de moitié. Il semblerait logique de diminuer la mensualité dont il vient d’être question, peut-être pas de la moitié mais d’un certain montant.

Le système par répartition sur lequel repose nos retraites peut être perçu comme un contrat social par lequel les travailleurs s’engagent de verser une certaine fraction de leurs salaires à leurs contemporains retraités avec la promesse qu’une fois qu’ils sont eux-mêmes retraités, la génération suivante s’acquittera de cette obligation. Supposons par exemple que le rapport entre le nombre de travailleurs et celui des retraités soit de 2. Supposons en outre que la durée de la vie active soit le double de la durée de la retraite. Si les travailleurs versent un cinquième de leurs revenus comme contribution au système de retraite, les retraités toucheront un somme équivalente à 80% des revenus de la population active. Il va sans dire que ce sont là des moyennes et que les effets redistributifs jouent un rôle important mais que j’ignore pour les besoin de la démonstration.

Nous faisons maintenant l’hypothèse que soudainement se produise un double choc démographique équivalent au passage du baby-boom au baby-bust et à une rapide augmentation de la longévité. Ce choc a pour conséquence que le rapport actifs/retraités tombe à 1,5 et que le rapport entre durée de vie active/durée de la retraite passe aussi à 1,5. On suppose que les revenus des actifs ne changent pas. Avec cette nouvelle donne, pour assurer aux retraites des pensions inchangées (dans le jargon, on parle de prestations définies), il faudrait quasiment doubler le taux de cotisation des travailleurs. (1) C’est ce à quoi conduirait la clause du grand père. Est-ce juste ? Poser la question revient à y répondre.

Notons pour terminer qu’aujourd’hui du fait de son origine honteuse, le terme « grandfathering » est de moins en moins utilise aux États Unis, correction politique oblige. Nous pourrions faire de même et revenir aux bons droits acquis.




(1). Initialement on comptait 4 travailleurs pour un retraité (2x2) ; on compte maintenant 2,25 travailleurs pour un retraité. Dans le jargon on parle de ratio de dépendance. Si l’on a un système par répartition à prestations définies, cela veut dire que si l’État s’engage à donner aux retraités 80% du revenu des actifs (taux de remplacement), il faut nécessairement augmenter le taux de cotisation des actifs. Avant le choc démographique, chaque actif versait 20% de son revenu et comme il y avait 4 actifs pour un retraite, cela donnait 80%. Si on veut maintenir ce taux de remplacement avec 2,25 actifs par pensionné, le taux de cotisation doit passer à 35%.

jeudi 27 avril 2023

Les vieux « malades » et le soutien qui leur est donné par les gériatres

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Victor Ginsburgh

En Belgique, comme dans d’autres pays, des « gériatres » sont sensés s’occuper des plus de 65 ans. J’en ai presque 84. Je suis donc l’animal que je suis et l’on me dit souvent qu’il y beaucoup de vieux malades psychiques, dont certains se promènent de temps à autre dans les rues.

J’ai récemment vécu un cas à la Clinique CHU Saint-Pierre. Je me suis donc trouvé devant une psycho-gériatre. Elle venait sans doute faire son heure ou sa demi-heure à Saint Pierre, puisqu’on peut vérifier qu’elle est psychiatre dans d’autres hôpitaux, voire dans tous ceux qu’on peut trouver à Bruxelles, où sa renommée doit largement dépasser celle de Freud.

J’ai trouvé correct de l’introduire aux deux membres de ma famille qui faisaient partie de la fête qui s’annonçait.

Et par politesse, je me suis introduit : les médicaments dont je me régale, mes études et ma carrière de professeur à l’Université Libre de Bruxelles. J’y ai toujours un bureau depuis mon « départ » à 65 ans. Il faut croire que mes collègues ne me trouvaient pas tout-à-fait crétin. Mais la crétinerie s’engage très vite avec les premiers mots de la psycho-gériatre. D’abord, elle a voulu que j’achève mes trois minutes de droit à la parole. Elle devait sans aucun doute commencer son laïus puisqu’elle m’a dit que c’est elle qui devait parler et pas moi. Donc silence du bureau, j’arrête mon charabia. C’est elle qui doit parler en ce lieu et pas moi. C’est elle l’experte, et moi l’imbécile.

La séance a duré à peu près 90 minutes. Inutile de dire que je n’ai plus osé ouvrir mon klaxon, puisque ce n’était que du verbiage et que c’était elle la « grand-maître » de la cérémonie

Non, ce n’était pas elle mon psycho-gériatre

Mais ce qui est plus grave est que je m’endormais. Et de fait, je me suis complètement renfermé et mes oreilles n’écoutaient plus que moi. Sauf que, à un certain moment, elle a fait le tour de son bureau, a levé ma chemise pour montrer à mes deux accompagnatrices, combien ma poitrine musclée valait le coup d’œil.

Freud ne parlait pas, chère Madame, et n’ouvrait pas les chemises de ses patients. C’est manifestement elle qui s’écoutait et devrait aller voir le Freud local, pas moi !

jeudi 6 avril 2023

La vieillesse est-elle un risque ?

2 commentaires:

Pierre Pestieau

La sécurité sociale est censée couvrir les grands risques de la vie : la maladie, le chômage, les accidents de travail, la famille et la retraite. Dans cette liste, on trouve deux anomalies, la famille et la retraite. Il est en effet difficile de considérer la famille et la retraite comme des risques majeurs. On choisit la taille de sa famille et la retraite concerne tout le monde.

En fait, on ne parle jamais d’assurance famille. La politique familiale a eu longtemps pour but de stimuler la natalité. Aujourd’hui, sa mission essentielle est de venir en aide aux familles défavorisées. En revanche on parle d’assurance retraite ou d’assurance vieillesse.
En France, sa contribution au bien-être collectif peut facilement être évaluée. Après-guerre, l’âge légal de départ à la retraite était de 65 ans. En 1950, la pension moyenne du régime général s’élevait à 50% du smig. L’espérance de vie était de 63 ans et demi pour les hommes, 69 ans pour les femmes. De ce fait, nombre de personnes âgées ne connaissaient pas la retraite et certains de ceux qui arrivaient à 65 ans n’échappaient pas au risque de l’extrême dénuement.

Aujourd’hui, la configuration a changé. Départ à 62 ans avec une pension moyenne égale à 117% du smic. La pension minimum est à 85% du smic. L’espérance de vie est de plus de 80 ans pour les hommes, plus de 85 ans pour les femmes. Le niveau de vie moyen des « seniors » est supérieur à celui des actifs. Le taux de pauvreté le plus élevé se trouve désormais chez les moins de 30 ans, et le plus bas chez les plus de 60 ans.

Pour revenir à mon propos, en quoi consiste le risque vieillesse ? Il est double. Il y a celui de mourir trop tôt et celui de mourir trop tard. C’est ce dernier que l’on a à l’esprit quand on parle de risque vieillesse. Dans la plupart des pays, faute de prestations de retraite, les personnes qui vivaient longtemps et ne pouvaient compter sur leurs enfants étaient réduites à la misère et parfois mettaient fin à leurs jours. L’assurance retraite mutualise le risque de longévité, en transférant des ressources des personnes qui meurent prématurément vers celles qui vivent très longtemps.

Le second risque vieillesse, celui d’une vie trop courte, n’est en revanche pas couvert par le système de retraites. Bien au contraire. Ceux qui meurent avant l’âge de la retraite subissent la double peine : avoir cotisé pour des prunes et ne pas connaître ses enfants et petits-enfants. L’égalitarisme ex post qui s’oppose à l’utilitarisme recommande de se focaliser sur ceux qui ne sont pas responsables de leur vie courte. Ce point de vue qui est complètement oublié dans le débat sur la réforme des retraites a pour implication moins d’épargne et des pensions plus faibles, ce qui permettrait à ces personnes mourant prématurément de jouir de davantage de consommation de leur vivant. (1)



(1). https://www.cirano.qc.ca/files/publications/2015s-06.pdf


jeudi 30 mars 2023

Pour autant qu’ils soient authentiques, voici quelques « mots » du Général de Gaulle

1 commentaire:

Jacques X (1).

Président de la France de 1958 à 1990, Charles de Gaulle prononce cette petite phrase lors d’une visite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), à une époque où l’on déplorait le manque d’inventivité des chercheurs : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche… ».

En septembre 1959, lors d’un voyage officiel dans le Pas-de-Calais, de Gaulle devenu Président de la République est présenté à l’Abbé Baheux, très ému, qui lui dit en tremblant : « Mon … mon Général… C’est moi qui vous ai marié en 1921 », ce à quoi de Gaulle répond : « Rassurez-vous, M. l’Abbé, je ne vous en veux pas ».

Lors du même voyage, de Gaulle retrouve Jules Cousin, qui fut son compagnon de chambrée au 33ème régiment d’infanterie à Arras, près d’un demi-siècle plus tôt. Le même Jules Cousin qui l’avait surnommé ‘la grande asperge’ est si impressionné qu’il reste muet. Peu après, de Gaulle glisse à l’oreille de son beau-frère : « Le brave Jules a pu constater que la ‘grande asperge’ est devenue ‘une grosse légume’ ».

En Conseil de Ministres du 13 novembre 1961, on vient d’apprendre que l’ambassade de France à Rabat a été mise à sac. Voici le commentaire de M. Couve de Murville ministre des Affaires étrangères : « Bien sûr, si nous étions encore en régime de protectorat, cela ne se serait pas produit ». Et si les Français de Napoléon étaient restés à Moscou, il n’y aurait pas eu de Staline », répond de Gaulle.

Le 10 mai 1962, dans un petit village du Jura, de Gaulle demande au maire : « Alors, Monsieur le Maire, pour l’eau, ça va ? ». « Oui, mon Général, ce que nous aimerions maintenant, c’est avoir le téléphone ». « Ah, vous en êtes déjà là », réagit de Gaulle, « Je prends bonne note, je vous téléphonerai ».

Le 20 mai de la même année, Grand-messe à la cathédrale de Limoges. De Gaulle est de retour à la préfecture : « J’aime bien ces messes. C’est le seul endroit où je n’ai pas à répondre au discours qu’on m’adresse ».

Henri Tisot, imitateur du Général, avait, entre 1961 et 1962, vendu plus d’un million d’exemplaires de son disque parodique ‘L’autocirculation’. Il avait récidivé, en 1962, avec ‘la dépigeonnisation’, mais les ventes annuelles étaient tombées à 300.000 exemplaires. De Gaule réagit : « Tiens, Tisot est en baisse. Je vais encore me retrouver seul ». De Gaulle était en effet sensible à l’humour du personnage, d’où vient cette réflexion caustique : « Au fond, Tisot fait le même métier que moi : il répète tout le temps la même chose, mais lui, au moins, ça lui rapporte ! ».

A la femme de ministre qui s’indignait bruyamment des imitations de Tisot, de Gaulle avait répondu : « Mais Madame, il fait cela très bien, et d’ailleurs, je l’imite parfois aussi, mais à mes mauvais moments ».

Après l’attentat du Petit-Clamart (2), de Gaulle était insatisfait de l’attitude des ministres qui ne lui avaient pas écrit, car il considérait avoir été mitraillé en tant que chef de l’Etat, dans sa fonction officielle. En revanche, lorsqu’en avril 1964, il avait été opéré de la prostate, c’est uniquement l’homme privé qui est concerné, et il s’indigne de recevoir à l’Hôpital Cochin, des lettres de ses ministres : « Enfin, ce n’est tout de même pas la prostate de l’Etat ».

De Gaulle visite la Bibliothèque Nationale, qui, à cette occasion, avait exposé un brouillon de sa main, très raturé comme à l’ordinaire, à côté d’un manuscrit de Corneille, sans ratures, ni surcharges. Réflexion du Général : « Tiens, Corneille ne se relisait pas ».

A Colombey, Malraux qui s’entretient avec le Général, s’interrompt pour lui désigner un chat qui se promène : « Regardez, mon Général, ses oreilles qui bougent, le chat nous écoute ». A quoi de Gaulle sourit et dit : « Pensez-vous, je le connais… Il fait semblant ».

Lors d’une chasse à Rambouillet, un de ses invités lui dit : « Ah, mon Général, la chasse ! Que d’émotions ! C’est vraiment comme à la guerre ! », à quoi de Gaulle répond : « Oui, à une différence près cependant : à la guerre, c’est le lapin qui tire ».

Printemps 1968. La révolution culturelle fait rage en Chine. A Pékin, un cortège de gardes rouges défile avec les banderoles « Non, à la tête de chien de de Gaulle », ce à quoi de Gaulle répond : « C’est quand même un comble de se faire traiter de chien par des Pékinois ».


(1) Merci à Jacques X. qui me les a envoyées. On n’est jamais sûr de Jacques, parce qu’il aurait tout aussi bien pu les inventer, comme par exemple : « De Gaulle et Pompidou sont côte à côte dans les urinaux lors d’une pièce de théâtre. « Belle pièce, mon Général » dit Pompidou et de Gaulle de répondre : « Pompidou, regardez donc devant vous ».
(2) Il s’agit d’un attentat organisé par le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, visant à assassiner le général de Gaulle, le 22 août 1962 à Clamart dans le département de la Seine.

jeudi 23 mars 2023

Mobilité sociale et populisme

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Pierre Pestieau

Les mouvements populistes qui sont apparus durant ces dernières années dans de nombreux pays se sont traduits par des manifestations telles que celles de gilets jaunes. Ils ont des causes multiples. Il y a d’abord le sentiment de déclassement et de destitution, la défiance à l’égard des élites et le rejet des institutions et de l’autorité publiques et l’absence de perspectives d’avenir. Il y a aussi la colère contre la disparité des richesses et les pertes d’emplois valorisants. Quelles qu’en soient les causes, il est frappant de voir ces mouvements apparaître dans des sociétés où une part importante, plus de 30%, de la richesse nationale est consacrée à la protection sociale.

Il semblerait que cette générosité de l’État providence se soit focalisée sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales mais pas assez sur le fonctionnement de l’ascenseur social, dont l’OECD (1) nous dit qu’il est en panne. A propos de la France, Luc Rouban écrit : « la majorité de Français estiment qu’il y a au sommet de l’ordre social des personnes qui ne le méritent pas vraiment. (Ils) sont convaincus que l’héritage d’un patrimoine joue un rôle trop important dans la réussite sociale. Ils considèrent donc que la méritocratie ne fonctionne pas (2) ». A la suite de l’élection présidentielle de 2017, il est apparu que le vote populiste, en faveur de Marine Le Pen, et dans une moindre mesure de Jean-Luc Mélenchon, se retrouvait parmi ceux qui avaient perdu espoir dans leur avenir et dans celui de leurs enfants, et ce, quel que soit leur niveau de revenu. (3)

Dans une étude récente (4), nous avons testé l’hypothèse selon laquelle l’absence de mobilité sociale pouvait expliquer l’émergence de mouvements populistes. Dans cette étude, nous avons mis l’accent sur les attitudes populistes plus que sur les votes. Ces attitudes portent sur trois thématiques : le rejet de l’immigration, un penchant pour la loi et l’ordre et la défiance dans les institutions. Comme facteur explicatif clef nous avons adopté un indicateur de mobilité intergénérationnelle ascendante, à savoir la mesure dans laquelle un individu fait mieux que ses parents. Nous disposions de données couvrant 25 pays européens et la mobilité était exprimée en termes de niveaux d’études et non pas en termes d’occupation ou de revenu, pour des raisons de disponibilité des données. Outre la mobilité, nous avons utilisé plusieurs autres variables explicatives comme l’éducation des parents, la localisation ville-campagne, le niveau de vie et naturellement le pays.

Il apparaît clairement que les attitudes populistes sont étroitement associées à la mobilité. Plus précisément les trois indicateurs de populisme utilisés sont d’autant plus élevés qu’il n’y pas de mobilité ascendante.


On pourrait légitimement s’interroger sur la raison pour laquelle nos États providence semblent avoir négligé de relancer l’ascenseur social et se sont focalisés sur la lutte contre les inégalités sociales et la pauvreté. Une explication est que nos gouvernants intérioriseraient l’idée véhiculée par la courbe de Gatsby, qui montre que, d'un pays à l'autre, il y a une relation positive entre le niveau des inégalités de revenu dans une génération et le degré de transmission intergénérationnelle. Les évolutions récentes de ces deux variables, à savoir les inégalités et la mobilité, semblent indiquer que la courbe de Gatsby n’est pas une loi robuste.

Si la mobilité sociale est en effet en déclin et que cela conduit à une montée des attitudes et des votes populistes, on peut espérer que nos États providence prennent la mesure du problème et agissent de manière à redémarrer l’ascenseur social. Comment ? D’après de nombreux auteurs (5), cette panne de l’ascenseur social se manifesterait à deux niveaux, celui de l’éducation et celui du marché du travail. Nos systèmes éducatifs, particulièrement en France et en Belgique, sont extrêmement polarisés dans la mesure où la qualité des écoles croit avec le revenu des parents. En d’autres termes, l’école n’est plus un vecteur d’égalité des chances. (6) De surcroit, même si un enfant de milieu défavorisé réussit à franchir l’obstacle de l’école, il se trouve confronté à un marché du travail où le capital social (7) joue un rôle prépondérant. L’accès à certaines professions dépend de ce facteur en étant fermées à ceux qui ne disposent pas des bons réseaux. Les promotions sont souvent liées aux relations sociales de l’individu qui elles-mêmes viennent de la famille. Ce sont ces réseaux qui assurent la reproduction sociale, ce phénomène sociologique dans lequel les individus restent à une même position sociale d'une génération à l'autre.

On le constate, les racines du mal sont profondes et complexes. Il est bien plus facile de lutter contre les inégalités que contre la reproduction sociale. En dépit de réformes successives, nos gouvernements n’ont pas été capables de réorganiser efficacement le système éducatif pour le rendre plus égalitaire. Ils n’ont pas non plus réussi à modifier le marché du travail où les blocages sont nombreux. Ici aussi en dépit de reformes multiples et variées, les discriminations persistent qu’elles concernent les hommes et les femmes ou les étrangers et nationaux. Certaines professions sont des chasses gardées auxquelles n’ont accès que ceux qui ont le bon pedigree. Ils bénéficient de ce fait de rentes injustifiées et inefficaces.

En conclusion, pour relancer l’ascenseur social et rendre ainsi de l’espoir à de nombreux individus aujourd’hui marginalisés, il importe de reformer radicalement notre système éducatif et notre marché du travail.


_______________________

(1). OECD (2017), A Broken Social Elevator? How to Promote Social Mobility,
OECD publishing, Paris OECD (2018),
(2).  https://www.nouvelobs.com/social/20230126.OBS68777/luc-rouban-la-mobilisation-sur-les-retraites-manifeste-une-defiance-a-l-egard-de-la-hierarchie-sociale.html
(3). Algan, Yann, Elizabeth Beasley et Claudia Senik (2018), Les Français, le Bonheur et l’Argent, Opuscule du
Cepremap, #46
(4). Perelman Sergio et Pierre Pestieau (2023), Social mobility and populism, ronéo.
(5). Markovits, Daniel (2019), The Meritocracy Trap: How America’s Foundational Myth Feeds Inequality, Dismantles the Middle Class, and Devours the Elite, Penguins, 2019; Sandel, Michael (2019) The Tyranny of Merit, Can we find the common good? MacMillan.
(6). Arenas Jal, Andreu and Jean Hindricks (2021), Intergenerational mobility and unequal school opportunity Economic Journal, Vol. 131, no. 635, p. 1027–1050.
(7). Bourdieu, Pierre (1980), Le capital social: notes provisoires, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 31.

jeudi 16 mars 2023

Des facéties des artistes et/ou de leurs œuvres d’art

1 commentaire:

Victor Ginsburgh

On nous avait déjà dit beaucoup sur l’évolution de l’art, mais ce qui nous intéresse ici ce n’est pas vraiment l’œuvre mais sa présentation, son encadrement (ou pas) et autres fantaisies. Quelques exemples suivent.

(1). L’œuvre ci-dessous est un NFT qui ne peut être vu que sur un écran, ou même sur une télévision qui peut être très banale. Ce qui compte ici, c’est le prix de l’œuvre quelque $69.3 millions par l’artiste Michael Joseph Winkelman, aujourd’hui appelé Beeple. N’allez jamais le voir ! Ce que vous voyez ici est amplement suffisant. Comme sont tous les NFT d’ailleurs. D’autant plus que s’il est resté le même, il est sans doute devenu plus cher encore.

Michael Joseph Winkelman : Beetle

(2). L’œuvre peut être invisible mais les acheteurs s’intéressent beaucoup à cette invisibilité qu’ils vont regarder (sans voir quoi que ce soit, pas même un encadrement), l’acheter et l’accrocher au mur de leur grand salon pour épater les visiteurs, riches évidemment.




Peinture vide et non encadrée

(3 et 4). Certains artistes ont montré des œuvres dites « absurdes » et bizarres. L’artiste italien Cattelan a créé un « water closet » en or qui pèse 103 kilos. Cette pièce rarissime a été exposée au Musée Guggenheim de New York. Hélas, il n’a pas été encadré, et personne ne sait si oui ou non il a été utilisé.

Cattelan : 18 carats Water-closet

La banane collée sur un mur avec du papier collant est aussi une pièce de Cattelan. Lorsque la banane devient un peu trop noire, le spécialiste en bananes du musée doit en acheter une autre chez l’épicier du coin. Malheureusement, il n’y a pas de papier collant chez l’épicier. Je me demande comment il peut se débrouiller.

Cattelan : Banana

(5). On trouve aussi des historiettes de l’art, comme par exemple la presque disparition d’un tableau de Banksy. Exposé dans un encadrement lors de la vente (£1.04 millions), l’œuvre échappe à l’encadrement lorsque le commissaire-priseur indique que la vente est terminée. Comme on le voit sous le tableau lui-même, l’œuvre de l’original, sort en lambeaux dans le bas de la peinture. Peu de temps après, l’œuvre été vendue chez Sotheby’s à £18.6 millions.

Banksy : Love in the Bin

L’œuvre qui s’intitulait « Girl with Balloon » (Jeune fille au ballon) lors de la première vente, s’appelle maintenant « Love is in the Bin » (L’amour est dans la poubelle).

(6). La dernière facétie a trait à une peinture de Piet Mondrian (1872-1944). « Je suis certaine » explique la curatrice d’une exposition récente des œuvres de Mondrian, « que le tableau peint en 1941-42 était visible sur un mur, comme il se doit, mais pendu dans le mauvais sens…, depuis qu’il est arrivé dans un musée de Düsseldorf ». Une longue discussion s’ensuit : après avoir été pendu à l’envers pendant 75 ans faut-il le remonter à l’envers (c’est-à dire à l’endroit) de ce qu’il était en octobre 2022 ? Il a été décidé qu’il sera laissé pendu tel quel, c’est-à-dire à l’envers. 

Mondrian : Sans titre

jeudi 9 mars 2023

Le Japon et ses vieux

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 Pierre Pestieau

Quand il s’agit du grand âge, le Japon est un pays de records : une fécondité extrêmement basse et une longévité des plus élevées. De ce fait, la population japonaise, qui est de 128 millions aujourd’hui devrait fondre à 87 millions en 2060 et à 51 en 2100. En 2100, la proportion des plus de 65 ans dans la population sera près de 40%. En outre, on y observe une dette publique abyssale et un âge effectif de départ à la retraite proche de 70 ans. En dépit de cet âge avancé, le pays connait de grosses difficultés à financer son système de retraite fondé sur la répartition. Les jeunes générations ont l’impression d’être les victimes d’un véritable holdup. Si elles pouvaient s’exprimer, les générations à venir vitupèreraient encore davantage. Cela suscite des réactions parfois surprenantes. C’est ainsi qu’un jeune économiste, professeur d’économie à l’université de Yale, Yusuke Narita, s'est attaqué à la question de savoir comment faire face aux fardeaux du vieillissement rapide de la société japonaise. Lors d'apparitions publiques récentes (1), il a déclaré: "J'ai l'impression que la seule solution est assez claireEn fin de compte, n'est-ce pas le suicide de masse et le 'seppuku' (2) de masse des personnes âgées ?". 

En réaction à ce mouvement d’opinion qui heureusement reste minoritaire, la cinéaste japonaise Chie Hayakawa a récemment tourné "Plan 75", un film dystopique qui représentait  de joyeux vendeurs courtisant les retraités pour qu'ils se soumettent à une euthanasie financée par le gouvernement. Elle espérait ainsi montrer jusqu’où pouvait aller cette gérontophobie. A cet égard, il convient de distinguer le problème du financement des retraites qui peut être résolu sans passer par de telles extrémités et le problème des sociétés primitives où les ressources étaient limitées et où une vie trop longue empêchait toute nouvelle naissance. Ces situations qui appartiennent à un passé lointain se retrouvent dans le folklore japonais selon lequel les familles transportent leurs parents âgés au sommet des montagnes ou dans des coins reculés des forêts et les laissent mourir. C’est ce folklore qui a donné lieu au film  ‘La ballade de Narayama’  de 1958 et se son remake éponyme de 1983 (3). Ce dernier comme d’ailleurs ‘Plan 75‘ furent primés à Cannes.

Ce n’est pas parce que l’on rejette une solution extrême comme l’euthanasie de masse, qu’il ne faut pas agir. L’effet du vieillissement continuera d’impacter les finances publiques japonaises et le pays ne pourra pas faire l’économie d’une réforme radicale de son système de protection sociale. 


Le Japon semble avoir fermé la porte à deux solutions traditionnelles : la hausse  de la fécondité et l’immigration. Par ailleurs, il est difficile d’agir sur l’âge de la retraite qui est déjà très élevé. Restent les deux paramètres que sont le niveau des cotisations et celui des prestations. Une hausse des premières et une réduction des secondes sont inévitables. 
A choisir, je serais plutôt en faveur d’une réduction des prestations. Il faut en effet garder à l’esprit ceux qui ne peuvent bénéficier de leur retraite parce qu’ils meurent prématurément et cotisent en vain.



(2). Le seppuku est un acte d'éviscération rituelle qui était un code chez les samouraïs déshonorés au 19e siècle.

(3).Voir Blog du 27 janvier 2022. Narayama, un vaisseau spatial.

jeudi 2 mars 2023

Il est temps de se débarrasser de la Mona Lisa

3 commentaires:

Victor Ginsburgh

Pourquoi ? Parce que quand vous voulez la voir lors d’une visite au Louvre, vous ne la voyez pas : 80 pour cent des quelque 10 millions de visiteurs annuels voudraient la voir. 

Le calcul est vite fait. Huit millions de fans par an, c’est 27.000 visiteurs par jour ouvrable, alors que 5.000 seulement sont admis à voir le tableau de Leonardo. Il faudrait dès lors augmenter de plus de cinq fois la salle, mais plus personne à l’exception des deux ou trois premiers rangs pourront la voir à peu près correctement, les autres ne voient plus que les appareils photos tendus par les mains de ces trois rangs. 

Une meilleure solution serait de pendre le tableau dans cinq salles. Il faudrait alors cinq Mona Lisa. C’est facile aujourd’hui, y qu’à faire quatre copies, en fabricant des NFTs. Voilà la bonne solution, puisqu’il est impossible, disent les fabricants de NFT de voir si c’est l’œuvre originale ou une copie. Et si les quatre copies ne sont pas assez bonnes, il suffit de faire des distributions au hasard dans les cinq salles avec la vraie et les fausses de façon à tromper les visiteurs.

Mieux encore : fabriquer un NFT pour tout musée qui en veut. Et détruire à l’acide sulfurique la « vraie », une fois pour toutes.

Mais elle ne suscite aucun émoi en moi, et je ne suis pas seul. Une enquête faite en 2009 au Louvre, montre que la plupart des visiteurs la trouvent, finalement, assez moche. Et moi aussi.

De plus, elle est dangereuse, puisqu’en mai 2022 elle a été vandalisée par un entarteur qui lui a envoyé une tarte à la crème fraîche. Son but était de « penser à notre Terre. Il y a des gens qui la détruisent. Tous les artistes doivent penser à la Terre. » Vous pouvez voir le lanceur à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=waICHgFEhqQ (et attendre un peu que la publicité soit passée).

Ce qui me rappelle la vingtaine de tartes qu’un belge, Noël Godin, a osé jeter sur le grand héros et savant philosophe français Bernard-Henri Lévy (1), dont il faudrait quelques copies NFT. On pourrait bien s’amuser avec les tartes…, qui pourraient, elles aussi, aussi être des NFTs.

S’il était un peu plus jeune, Noël Godin serait sans doute ravi d’entartrer BHL une huitième fois.




(1). Voir Jan Bucquoy, Crème et châtiment : Mémoires d’un entarteur, Albin Michel, 1995.