jeudi 30 mars 2023

Pour autant qu’ils soient authentiques, voici quelques « mots » du Général de Gaulle

1 commentaire:

Jacques X (1).

Président de la France de 1958 à 1990, Charles de Gaulle prononce cette petite phrase lors d’une visite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), à une époque où l’on déplorait le manque d’inventivité des chercheurs : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche… ».

En septembre 1959, lors d’un voyage officiel dans le Pas-de-Calais, de Gaulle devenu Président de la République est présenté à l’Abbé Baheux, très ému, qui lui dit en tremblant : « Mon … mon Général… C’est moi qui vous ai marié en 1921 », ce à quoi de Gaulle répond : « Rassurez-vous, M. l’Abbé, je ne vous en veux pas ».

Lors du même voyage, de Gaulle retrouve Jules Cousin, qui fut son compagnon de chambrée au 33ème régiment d’infanterie à Arras, près d’un demi-siècle plus tôt. Le même Jules Cousin qui l’avait surnommé ‘la grande asperge’ est si impressionné qu’il reste muet. Peu après, de Gaulle glisse à l’oreille de son beau-frère : « Le brave Jules a pu constater que la ‘grande asperge’ est devenue ‘une grosse légume’ ».

En Conseil de Ministres du 13 novembre 1961, on vient d’apprendre que l’ambassade de France à Rabat a été mise à sac. Voici le commentaire de M. Couve de Murville ministre des Affaires étrangères : « Bien sûr, si nous étions encore en régime de protectorat, cela ne se serait pas produit ». Et si les Français de Napoléon étaient restés à Moscou, il n’y aurait pas eu de Staline », répond de Gaulle.

Le 10 mai 1962, dans un petit village du Jura, de Gaulle demande au maire : « Alors, Monsieur le Maire, pour l’eau, ça va ? ». « Oui, mon Général, ce que nous aimerions maintenant, c’est avoir le téléphone ». « Ah, vous en êtes déjà là », réagit de Gaulle, « Je prends bonne note, je vous téléphonerai ».

Le 20 mai de la même année, Grand-messe à la cathédrale de Limoges. De Gaulle est de retour à la préfecture : « J’aime bien ces messes. C’est le seul endroit où je n’ai pas à répondre au discours qu’on m’adresse ».

Henri Tisot, imitateur du Général, avait, entre 1961 et 1962, vendu plus d’un million d’exemplaires de son disque parodique ‘L’autocirculation’. Il avait récidivé, en 1962, avec ‘la dépigeonnisation’, mais les ventes annuelles étaient tombées à 300.000 exemplaires. De Gaule réagit : « Tiens, Tisot est en baisse. Je vais encore me retrouver seul ». De Gaulle était en effet sensible à l’humour du personnage, d’où vient cette réflexion caustique : « Au fond, Tisot fait le même métier que moi : il répète tout le temps la même chose, mais lui, au moins, ça lui rapporte ! ».

A la femme de ministre qui s’indignait bruyamment des imitations de Tisot, de Gaulle avait répondu : « Mais Madame, il fait cela très bien, et d’ailleurs, je l’imite parfois aussi, mais à mes mauvais moments ».

Après l’attentat du Petit-Clamart (2), de Gaulle était insatisfait de l’attitude des ministres qui ne lui avaient pas écrit, car il considérait avoir été mitraillé en tant que chef de l’Etat, dans sa fonction officielle. En revanche, lorsqu’en avril 1964, il avait été opéré de la prostate, c’est uniquement l’homme privé qui est concerné, et il s’indigne de recevoir à l’Hôpital Cochin, des lettres de ses ministres : « Enfin, ce n’est tout de même pas la prostate de l’Etat ».

De Gaulle visite la Bibliothèque Nationale, qui, à cette occasion, avait exposé un brouillon de sa main, très raturé comme à l’ordinaire, à côté d’un manuscrit de Corneille, sans ratures, ni surcharges. Réflexion du Général : « Tiens, Corneille ne se relisait pas ».

A Colombey, Malraux qui s’entretient avec le Général, s’interrompt pour lui désigner un chat qui se promène : « Regardez, mon Général, ses oreilles qui bougent, le chat nous écoute ». A quoi de Gaulle sourit et dit : « Pensez-vous, je le connais… Il fait semblant ».

Lors d’une chasse à Rambouillet, un de ses invités lui dit : « Ah, mon Général, la chasse ! Que d’émotions ! C’est vraiment comme à la guerre ! », à quoi de Gaulle répond : « Oui, à une différence près cependant : à la guerre, c’est le lapin qui tire ».

Printemps 1968. La révolution culturelle fait rage en Chine. A Pékin, un cortège de gardes rouges défile avec les banderoles « Non, à la tête de chien de de Gaulle », ce à quoi de Gaulle répond : « C’est quand même un comble de se faire traiter de chien par des Pékinois ».


(1) Merci à Jacques X. qui me les a envoyées. On n’est jamais sûr de Jacques, parce qu’il aurait tout aussi bien pu les inventer, comme par exemple : « De Gaulle et Pompidou sont côte à côte dans les urinaux lors d’une pièce de théâtre. « Belle pièce, mon Général » dit Pompidou et de Gaulle de répondre : « Pompidou, regardez donc devant vous ».
(2) Il s’agit d’un attentat organisé par le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, visant à assassiner le général de Gaulle, le 22 août 1962 à Clamart dans le département de la Seine.

jeudi 23 mars 2023

Mobilité sociale et populisme

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Pierre Pestieau

Les mouvements populistes qui sont apparus durant ces dernières années dans de nombreux pays se sont traduits par des manifestations telles que celles de gilets jaunes. Ils ont des causes multiples. Il y a d’abord le sentiment de déclassement et de destitution, la défiance à l’égard des élites et le rejet des institutions et de l’autorité publiques et l’absence de perspectives d’avenir. Il y a aussi la colère contre la disparité des richesses et les pertes d’emplois valorisants. Quelles qu’en soient les causes, il est frappant de voir ces mouvements apparaître dans des sociétés où une part importante, plus de 30%, de la richesse nationale est consacrée à la protection sociale.

Il semblerait que cette générosité de l’État providence se soit focalisée sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales mais pas assez sur le fonctionnement de l’ascenseur social, dont l’OECD (1) nous dit qu’il est en panne. A propos de la France, Luc Rouban écrit : « la majorité de Français estiment qu’il y a au sommet de l’ordre social des personnes qui ne le méritent pas vraiment. (Ils) sont convaincus que l’héritage d’un patrimoine joue un rôle trop important dans la réussite sociale. Ils considèrent donc que la méritocratie ne fonctionne pas (2) ». A la suite de l’élection présidentielle de 2017, il est apparu que le vote populiste, en faveur de Marine Le Pen, et dans une moindre mesure de Jean-Luc Mélenchon, se retrouvait parmi ceux qui avaient perdu espoir dans leur avenir et dans celui de leurs enfants, et ce, quel que soit leur niveau de revenu. (3)

Dans une étude récente (4), nous avons testé l’hypothèse selon laquelle l’absence de mobilité sociale pouvait expliquer l’émergence de mouvements populistes. Dans cette étude, nous avons mis l’accent sur les attitudes populistes plus que sur les votes. Ces attitudes portent sur trois thématiques : le rejet de l’immigration, un penchant pour la loi et l’ordre et la défiance dans les institutions. Comme facteur explicatif clef nous avons adopté un indicateur de mobilité intergénérationnelle ascendante, à savoir la mesure dans laquelle un individu fait mieux que ses parents. Nous disposions de données couvrant 25 pays européens et la mobilité était exprimée en termes de niveaux d’études et non pas en termes d’occupation ou de revenu, pour des raisons de disponibilité des données. Outre la mobilité, nous avons utilisé plusieurs autres variables explicatives comme l’éducation des parents, la localisation ville-campagne, le niveau de vie et naturellement le pays.

Il apparaît clairement que les attitudes populistes sont étroitement associées à la mobilité. Plus précisément les trois indicateurs de populisme utilisés sont d’autant plus élevés qu’il n’y pas de mobilité ascendante.


On pourrait légitimement s’interroger sur la raison pour laquelle nos États providence semblent avoir négligé de relancer l’ascenseur social et se sont focalisés sur la lutte contre les inégalités sociales et la pauvreté. Une explication est que nos gouvernants intérioriseraient l’idée véhiculée par la courbe de Gatsby, qui montre que, d'un pays à l'autre, il y a une relation positive entre le niveau des inégalités de revenu dans une génération et le degré de transmission intergénérationnelle. Les évolutions récentes de ces deux variables, à savoir les inégalités et la mobilité, semblent indiquer que la courbe de Gatsby n’est pas une loi robuste.

Si la mobilité sociale est en effet en déclin et que cela conduit à une montée des attitudes et des votes populistes, on peut espérer que nos États providence prennent la mesure du problème et agissent de manière à redémarrer l’ascenseur social. Comment ? D’après de nombreux auteurs (5), cette panne de l’ascenseur social se manifesterait à deux niveaux, celui de l’éducation et celui du marché du travail. Nos systèmes éducatifs, particulièrement en France et en Belgique, sont extrêmement polarisés dans la mesure où la qualité des écoles croit avec le revenu des parents. En d’autres termes, l’école n’est plus un vecteur d’égalité des chances. (6) De surcroit, même si un enfant de milieu défavorisé réussit à franchir l’obstacle de l’école, il se trouve confronté à un marché du travail où le capital social (7) joue un rôle prépondérant. L’accès à certaines professions dépend de ce facteur en étant fermées à ceux qui ne disposent pas des bons réseaux. Les promotions sont souvent liées aux relations sociales de l’individu qui elles-mêmes viennent de la famille. Ce sont ces réseaux qui assurent la reproduction sociale, ce phénomène sociologique dans lequel les individus restent à une même position sociale d'une génération à l'autre.

On le constate, les racines du mal sont profondes et complexes. Il est bien plus facile de lutter contre les inégalités que contre la reproduction sociale. En dépit de réformes successives, nos gouvernements n’ont pas été capables de réorganiser efficacement le système éducatif pour le rendre plus égalitaire. Ils n’ont pas non plus réussi à modifier le marché du travail où les blocages sont nombreux. Ici aussi en dépit de reformes multiples et variées, les discriminations persistent qu’elles concernent les hommes et les femmes ou les étrangers et nationaux. Certaines professions sont des chasses gardées auxquelles n’ont accès que ceux qui ont le bon pedigree. Ils bénéficient de ce fait de rentes injustifiées et inefficaces.

En conclusion, pour relancer l’ascenseur social et rendre ainsi de l’espoir à de nombreux individus aujourd’hui marginalisés, il importe de reformer radicalement notre système éducatif et notre marché du travail.


_______________________

(1). OECD (2017), A Broken Social Elevator? How to Promote Social Mobility,
OECD publishing, Paris OECD (2018),
(2).  https://www.nouvelobs.com/social/20230126.OBS68777/luc-rouban-la-mobilisation-sur-les-retraites-manifeste-une-defiance-a-l-egard-de-la-hierarchie-sociale.html
(3). Algan, Yann, Elizabeth Beasley et Claudia Senik (2018), Les Français, le Bonheur et l’Argent, Opuscule du
Cepremap, #46
(4). Perelman Sergio et Pierre Pestieau (2023), Social mobility and populism, ronéo.
(5). Markovits, Daniel (2019), The Meritocracy Trap: How America’s Foundational Myth Feeds Inequality, Dismantles the Middle Class, and Devours the Elite, Penguins, 2019; Sandel, Michael (2019) The Tyranny of Merit, Can we find the common good? MacMillan.
(6). Arenas Jal, Andreu and Jean Hindricks (2021), Intergenerational mobility and unequal school opportunity Economic Journal, Vol. 131, no. 635, p. 1027–1050.
(7). Bourdieu, Pierre (1980), Le capital social: notes provisoires, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 31.

jeudi 16 mars 2023

Des facéties des artistes et/ou de leurs œuvres d’art

1 commentaire:

Victor Ginsburgh

On nous avait déjà dit beaucoup sur l’évolution de l’art, mais ce qui nous intéresse ici ce n’est pas vraiment l’œuvre mais sa présentation, son encadrement (ou pas) et autres fantaisies. Quelques exemples suivent.

(1). L’œuvre ci-dessous est un NFT qui ne peut être vu que sur un écran, ou même sur une télévision qui peut être très banale. Ce qui compte ici, c’est le prix de l’œuvre quelque $69.3 millions par l’artiste Michael Joseph Winkelman, aujourd’hui appelé Beeple. N’allez jamais le voir ! Ce que vous voyez ici est amplement suffisant. Comme sont tous les NFT d’ailleurs. D’autant plus que s’il est resté le même, il est sans doute devenu plus cher encore.

Michael Joseph Winkelman : Beetle

(2). L’œuvre peut être invisible mais les acheteurs s’intéressent beaucoup à cette invisibilité qu’ils vont regarder (sans voir quoi que ce soit, pas même un encadrement), l’acheter et l’accrocher au mur de leur grand salon pour épater les visiteurs, riches évidemment.




Peinture vide et non encadrée

(3 et 4). Certains artistes ont montré des œuvres dites « absurdes » et bizarres. L’artiste italien Cattelan a créé un « water closet » en or qui pèse 103 kilos. Cette pièce rarissime a été exposée au Musée Guggenheim de New York. Hélas, il n’a pas été encadré, et personne ne sait si oui ou non il a été utilisé.

Cattelan : 18 carats Water-closet

La banane collée sur un mur avec du papier collant est aussi une pièce de Cattelan. Lorsque la banane devient un peu trop noire, le spécialiste en bananes du musée doit en acheter une autre chez l’épicier du coin. Malheureusement, il n’y a pas de papier collant chez l’épicier. Je me demande comment il peut se débrouiller.

Cattelan : Banana

(5). On trouve aussi des historiettes de l’art, comme par exemple la presque disparition d’un tableau de Banksy. Exposé dans un encadrement lors de la vente (£1.04 millions), l’œuvre échappe à l’encadrement lorsque le commissaire-priseur indique que la vente est terminée. Comme on le voit sous le tableau lui-même, l’œuvre de l’original, sort en lambeaux dans le bas de la peinture. Peu de temps après, l’œuvre été vendue chez Sotheby’s à £18.6 millions.

Banksy : Love in the Bin

L’œuvre qui s’intitulait « Girl with Balloon » (Jeune fille au ballon) lors de la première vente, s’appelle maintenant « Love is in the Bin » (L’amour est dans la poubelle).

(6). La dernière facétie a trait à une peinture de Piet Mondrian (1872-1944). « Je suis certaine » explique la curatrice d’une exposition récente des œuvres de Mondrian, « que le tableau peint en 1941-42 était visible sur un mur, comme il se doit, mais pendu dans le mauvais sens…, depuis qu’il est arrivé dans un musée de Düsseldorf ». Une longue discussion s’ensuit : après avoir été pendu à l’envers pendant 75 ans faut-il le remonter à l’envers (c’est-à dire à l’endroit) de ce qu’il était en octobre 2022 ? Il a été décidé qu’il sera laissé pendu tel quel, c’est-à-dire à l’envers. 

Mondrian : Sans titre

jeudi 9 mars 2023

Le Japon et ses vieux

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 Pierre Pestieau

Quand il s’agit du grand âge, le Japon est un pays de records : une fécondité extrêmement basse et une longévité des plus élevées. De ce fait, la population japonaise, qui est de 128 millions aujourd’hui devrait fondre à 87 millions en 2060 et à 51 en 2100. En 2100, la proportion des plus de 65 ans dans la population sera près de 40%. En outre, on y observe une dette publique abyssale et un âge effectif de départ à la retraite proche de 70 ans. En dépit de cet âge avancé, le pays connait de grosses difficultés à financer son système de retraite fondé sur la répartition. Les jeunes générations ont l’impression d’être les victimes d’un véritable holdup. Si elles pouvaient s’exprimer, les générations à venir vitupèreraient encore davantage. Cela suscite des réactions parfois surprenantes. C’est ainsi qu’un jeune économiste, professeur d’économie à l’université de Yale, Yusuke Narita, s'est attaqué à la question de savoir comment faire face aux fardeaux du vieillissement rapide de la société japonaise. Lors d'apparitions publiques récentes (1), il a déclaré: "J'ai l'impression que la seule solution est assez claireEn fin de compte, n'est-ce pas le suicide de masse et le 'seppuku' (2) de masse des personnes âgées ?". 

En réaction à ce mouvement d’opinion qui heureusement reste minoritaire, la cinéaste japonaise Chie Hayakawa a récemment tourné "Plan 75", un film dystopique qui représentait  de joyeux vendeurs courtisant les retraités pour qu'ils se soumettent à une euthanasie financée par le gouvernement. Elle espérait ainsi montrer jusqu’où pouvait aller cette gérontophobie. A cet égard, il convient de distinguer le problème du financement des retraites qui peut être résolu sans passer par de telles extrémités et le problème des sociétés primitives où les ressources étaient limitées et où une vie trop longue empêchait toute nouvelle naissance. Ces situations qui appartiennent à un passé lointain se retrouvent dans le folklore japonais selon lequel les familles transportent leurs parents âgés au sommet des montagnes ou dans des coins reculés des forêts et les laissent mourir. C’est ce folklore qui a donné lieu au film  ‘La ballade de Narayama’  de 1958 et se son remake éponyme de 1983 (3). Ce dernier comme d’ailleurs ‘Plan 75‘ furent primés à Cannes.

Ce n’est pas parce que l’on rejette une solution extrême comme l’euthanasie de masse, qu’il ne faut pas agir. L’effet du vieillissement continuera d’impacter les finances publiques japonaises et le pays ne pourra pas faire l’économie d’une réforme radicale de son système de protection sociale. 


Le Japon semble avoir fermé la porte à deux solutions traditionnelles : la hausse  de la fécondité et l’immigration. Par ailleurs, il est difficile d’agir sur l’âge de la retraite qui est déjà très élevé. Restent les deux paramètres que sont le niveau des cotisations et celui des prestations. Une hausse des premières et une réduction des secondes sont inévitables. 
A choisir, je serais plutôt en faveur d’une réduction des prestations. Il faut en effet garder à l’esprit ceux qui ne peuvent bénéficier de leur retraite parce qu’ils meurent prématurément et cotisent en vain.



(2). Le seppuku est un acte d'éviscération rituelle qui était un code chez les samouraïs déshonorés au 19e siècle.

(3).Voir Blog du 27 janvier 2022. Narayama, un vaisseau spatial.

jeudi 2 mars 2023

Il est temps de se débarrasser de la Mona Lisa

3 commentaires:

Victor Ginsburgh

Pourquoi ? Parce que quand vous voulez la voir lors d’une visite au Louvre, vous ne la voyez pas : 80 pour cent des quelque 10 millions de visiteurs annuels voudraient la voir. 

Le calcul est vite fait. Huit millions de fans par an, c’est 27.000 visiteurs par jour ouvrable, alors que 5.000 seulement sont admis à voir le tableau de Leonardo. Il faudrait dès lors augmenter de plus de cinq fois la salle, mais plus personne à l’exception des deux ou trois premiers rangs pourront la voir à peu près correctement, les autres ne voient plus que les appareils photos tendus par les mains de ces trois rangs. 

Une meilleure solution serait de pendre le tableau dans cinq salles. Il faudrait alors cinq Mona Lisa. C’est facile aujourd’hui, y qu’à faire quatre copies, en fabricant des NFTs. Voilà la bonne solution, puisqu’il est impossible, disent les fabricants de NFT de voir si c’est l’œuvre originale ou une copie. Et si les quatre copies ne sont pas assez bonnes, il suffit de faire des distributions au hasard dans les cinq salles avec la vraie et les fausses de façon à tromper les visiteurs.

Mieux encore : fabriquer un NFT pour tout musée qui en veut. Et détruire à l’acide sulfurique la « vraie », une fois pour toutes.

Mais elle ne suscite aucun émoi en moi, et je ne suis pas seul. Une enquête faite en 2009 au Louvre, montre que la plupart des visiteurs la trouvent, finalement, assez moche. Et moi aussi.

De plus, elle est dangereuse, puisqu’en mai 2022 elle a été vandalisée par un entarteur qui lui a envoyé une tarte à la crème fraîche. Son but était de « penser à notre Terre. Il y a des gens qui la détruisent. Tous les artistes doivent penser à la Terre. » Vous pouvez voir le lanceur à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=waICHgFEhqQ (et attendre un peu que la publicité soit passée).

Ce qui me rappelle la vingtaine de tartes qu’un belge, Noël Godin, a osé jeter sur le grand héros et savant philosophe français Bernard-Henri Lévy (1), dont il faudrait quelques copies NFT. On pourrait bien s’amuser avec les tartes…, qui pourraient, elles aussi, aussi être des NFTs.

S’il était un peu plus jeune, Noël Godin serait sans doute ravi d’entartrer BHL une huitième fois.




(1). Voir Jan Bucquoy, Crème et châtiment : Mémoires d’un entarteur, Albin Michel, 1995.