jeudi 16 septembre 2021

La vieillesse, 50 ans après

Pierre Pestieau

 

En 1970, Simone de Beauvoir publie un ouvrage qui attire l’attention parce qu’il aborde un sujet jusqu’alors négligé : La vieillesse (1). Elle reconnaît d’ailleurs: « Quand je dis que je travaille à un essai sur la vieillesse, le plus souvent on s’exclame “ Quelle idée […] Quel sujet triste ” ». 

Pas seulement triste, c’est une sorte de secret honteux dont il est indécent de parler, et on lui a reproché d’avoir enfreint ce tabou dans le récit des dernières années de Sartre, La cérémonie des adieux, publié en 1981 (2). En 1970, Simone de Beauvoir a 62 ans, un âge où la femme se considère déjà comme âgée. L’espérance de vie des femmes est alors de 75,9 ans et celle des hommes de 68,4. Un demi-siècle plus tard, elle est de dix ans plus élevée pour les deux. 

Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre

La vieillesse est sans conteste un livre qui date à plusieurs égards. En 50 ans, la réalité a changé. Les connaissances scientifiques ont aussi changé. Aujourd’hui on peut parler de deux vieillesses : le troisième âge où l’on reste actif, en relative bonne santé, et le quatrième âge où apparaissent les problèmes de dépendance. Elle écrit : « L’immense majorité des hommes accueillent la vieillesse dans la tristesse ou la révolte. Elle inspire plus de répugnance que la mort même ». Cette affirmation fait sourire quand on sait que cette période est celle où la majorité des gens se disent heureux. 

C’est surtout le point de vue particulier de l’auteure qui frappe, celui d’une intellectuelle bourgeoise qui propose, comme clés d’une vieillesse réussie, la santé et la culture. Il demeure que ce livre a l’immense qualité de souligner les différences entre hommes et femmes qui prévalent dans la vieillesse et de rappeler que la qualité de vieillesse résulte souvent de celle de la vie active.


Pour Simone de Beauvoir, la vieillesse est un temps où la femme prend une revanche partielle sur l’homme qui l’a infériorisée tout au long de sa vie. Pour l’homme coupé du travail, il y a cassure à la retraite, surtout quand il a eu du pouvoir et des responsabilités. Il devient plus radicalement que la femme un pur objet, voire une charge. Affectée aux tâches domestiques, la femme, elle, continue ses activités à la maison, tandis que le vieil homme se sent mis au rebut et souffre de son changement de situation. A l’occasion de la vieillesse, les femmes peuvent utiliser à bon escient leur nouvelle liberté : « Toute leur vie soumises à leur mari, dévouées à leurs enfants, elles peuvent enfin se soucier d’elles-mêmes ». Si les femmes peuvent éventuellement trouver une compensation tardive à leur situation infériorisée, et même une forme de revanche, c’est encore dans un périmètre restreint et le plus souvent au sein de la maison dans des besognes traditionnelles, ce qui ne constitue pas pour Simone de Beauvoir un idéal.

A propos de la classe laborieuse,  Simone de Beauvoir observe que la société essaie bien imparfaitement et maladroitement de compenser, aux travers des retraites à peine décentes, une vie active ingrate. « Des individus exploités, aliénés, quand leur force les quittent deviennent finalement des rebuts, des déchets ». Elle ajoute « Tous les remèdes qu’on propose pour pallier la détresse des vieillards sont si dérisoires : aucun d’eux ne saurait réparer la systématique destruction dont ils ont été victimes pendant toute leur existence. »


(1). Simone de Beauvoir,  La vieillesse  Gallimard, 1970.
(2). Simone de Beauvoir,  La cérémonie des adieux  Gallimard, 1981.

4 commentaires:

  1. Jusqu'aux années 60 la jeunesse comme la vieillesse étaient considérées comme des phases transitoires accessoirement associées à la maladie et à l'impuissance voire l'impotence (faire ses maladies de jeunesse, piquer sa crise d'adolescence puis la litanie du vieillard grabataire) et les "jeunes" comme les "vieux" étaient résolument marginalisés. En gros les jeunes étaient des adultes en devenir et les vieux comme des adultes diminués. Mais depuis que le capitalisme a saisi l'opportunité de constituer les "jeunes" en segment de marché dans les années 50 et 60 (comme consommateurs de mode, de musique, de cinéma, etc.) et le "troisième âge" dans les années 80 et 90 avec, il est vrai, l'allongement de l'espérance de vie (comme consommateurs de médicaments, de soins et de loisirs), on ne peut que constater les effets nos représentations collectives de ces âges ingrats. Il est vrai aussi que l'économie n'est pas le seul facteur de ce changement de mentalité qui doit aussi beaucoup à la révision politique et symbolique de nos catégories mentales et des rapports de pouvoir (hommes-femmes, parents-enfants, adultes-vieux,…) qui conduisent à voir les adultes frappés du syndrome de Peter Pan, même si les jeunes comme les vieux restent nos populations les plus fragilisées, comme on l'a vu avec la stigmatisation des jeunes et la misère des hepad durant le Covid. Je m'arrête là mais bravo pour votre réflexion.

    RépondreSupprimer
  2. Stainless Steel vs Titanium Apple Watch 4.4.4 for Home - iTanium
    The Apple Watch 4.4.4 lets you watch a movie on your TV solo titanium razor with the titanium tubing same high titanium dental quality as keith titanium an iPhone or Samsung titanium sheet Gear 2 and enjoy a great app experience on your go.

    RépondreSupprimer