jeudi 20 mars 2014

Des Gracques aux cracks


Pierre Pestieau

Il y a peu, je regardais sur France 2 le débat de « Ce soir (ou jamais !) » consacré au chômage (1). Je ne pensais pas apprendre grand-chose sur une question aussi complexe, mais je me réjouissais de voir le style des bretteurs que Frédéric Taddeï avait conviés sur son ring hebdomadaire.

A ma droite, Nicolas Baverez, économiste et historien, Natacha Valla, ancienne chef économiste chez Goldman Sachs, et Philippe Manière, économiste libéral ; à ma gauche, Christophe Ramaux, membre des « Economistes atterrés », Jacques Sapir, économiste et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes , et Philippe Askenazy, économiste à l’Ecole d’Economie de Paris. Un combat de coqs, doublé d’un vrai dialogue de sourds sans surprise. La droite était en faveur de la rigueur budgétaire et de la nécessité de baisser les coûts du travail avec certaines variantes : le déclinisme (2) chez Baverez et le libéralisme dogmatique chez Manière. A gauche, il y avait plus de variété. Pour Sapir, le coupable était l’euro et la solution était donc d’en sortir. Pour Ramaux, il fallait relancer la demande. J’ai la faiblesse de penser qu’Askenazy se montrait le plus sensé de tous en adoptant une ligne médiane. Il était certainement le plus modéré, mais on pourrait me taxer de corporatisme. 

En fin de soirée Taddeï a sorti ses deux jokers ; c’est ainsi qu’ont apparu, Pierre Larrouturou, président du mouvement « Nouvelle donne » qui voyait dans le partage du temps de travail la solution au chômage et Yves Zoberman, un historien qui expliquait que les problèmes d’aujourd’hui se retrouvaient déjà dans la Rome antique du temps des Gracques.

A la fin de ce débat pour insomniaques, je me suis interrogé sur  son utilité. Elle me paraît assez nulle tant pour quelqu’un qui est économiste de profession que pour le citoyen lambda qui s’interroge sur le drame du chômage. Il n’existe pas de remède miracle à ce problème qui ronge la société française et le sud de la Belgique. Il est presque certain qu’une partie de la solution passe par une combinaison de mesures qui touchent à l’offre (baisser les coûts des non qualifiés) et la demande (stimuler la consommation et l’investissement). Si pause il doit y avoir dans la rigueur budgétaire, elle doit se faire au bénéfice d’investissements d’infrastructure. Et de toutes façon, on ne fera pas l’économie d’une révolution des mentalités entraînant entre autre une meilleure appréhension des mécanismes et des contraintes économiques.

  
(1) Le thème de l’émission du 31/01/2014 était 
« Pourquoi y a-t-il autant de chômeurs en France ? ».

(2) Le déclinisme désigne un courant d’idées et d’analyses de penseurs français qui estiment que la France est en déclin, au niveau économique, culturel et géopolitique.

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