Victor Ginsburgh
La récente
« tentation » française d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme,
qui faisait suite à une attaque non pas antisémite mais plutôt antisioniste, a
heureusement fait naufrage. Mais elle m’a rappelé qu’il y a près de dix ans,
j’avais été invité à Gand à faire une conférence sur le sujet « Peut-on
être Juif sans être sioniste ? ». Dès la première phrase je « rassurais »
mon auditoire en répondant « oui », parce que l’Etat d’Israël existe
et que la notion de sionisme a perdu son sens. Comme l’écrit Ilan Greilsamer (1)
en 2005, si l’objectif politique des sionistes était « la création d’un
Etat juif souverain en terre d’Israël, cet objectif a été atteint avec la
proclamation d’indépendance [en 1947] ».
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Abraham Yehoshua |
Pourquoi devrais-je,
si cela n’a aucun sens, être sioniste ?
La notion avait d’ailleurs
perdu son sens bien avant, explique le philosophe juif Abraham Yehoshua
(2), puisque lors de la sortie (très probablement légendaire) d’Egypte sous la
conduite de Moïse « il avait été clairement expliqué au peuple juif, que
la possibilité d’une existence nationale lui est offerte sans la possession d’un territoire ». Le même Yehoshua suggère
que l’exil qui a suivi il y a deux mille ans n’a pas été imposé au peuple juif.
Il a été choisi par deux millions de Juifs qui ont quitté volontairement la
terre de Palestine et, curieusement, l’expulsion des Juifs d’Espagne et du
Portugal en 1492 les a dispersés dans tout le bassin méditerranéen, à
l’exception de la Palestine.