mercredi 27 mars 2019

Les malheurs des petites filles qui naissent jumelles d’un frère

Victor Ginsburgh

Décidément, le machisme commence déjà avant la naissance. Une étude basée sur 730.000 naissances en Norvège, dont 13.800 jumeaux compare les résultats à long terme jumeaux fille-garçon à ceux des jumeaux fille-fille. L’étude montre que les filles des « couples » fille-garçon sont défavorisées par rapport aux cas où les deux sont des filles.

Les chercheurs suspectent que c’est le jumeau mâle qui en est la cause, et plus précisément la testostérone ! En effet, quelque 8 ou 9 semaines après la fertilisation, le foetus mâle commence à produire des quantités importantes de testostérone, qui l’aident « à devenir un mâle » et de petites quantités de testostérone se « glissent » dans le foetus femelle à travers la ou les poches amniotiques. Mais l’inverse ne se produit pas, parce que le foetus femelle reçoit une quantité bien plus modeste d’hormones sexuelles féminines et en transfère beaucoup moins à son frère. Ceci est connu depuis longtemps, mais les effets à long terme n’avaient jamais été analysés.


Les voici, peu équitables et peu réjouissants. Ils ne sont pas favorables à la fille qui naît jumelle d’un garçon : celle-ci a 15% de chances en moins de terminer l’école moyenne, 4% de chances en moins de terminer l’université et 12% de chances en moins de se marier que les jumelles filles. Elle gagne aussi 9% de moins que si elle venait sur terre avec une soeur jumelle. Il vaut donc mieux pour la fille de ne pas naître avec un frère jumeau.

Mais il est possible que la raison soit due à l’éducation des parents des deux enfants de même âge mais de sexes différents. Il faut donc séparer les conséquences de la testostérone de celles d’une vie commune entre les jumeaux de sexes différents. Les chercheurs ont dès lors aussi analysé les 583 cas où le frère jumeau décède à la naissance ou peu de temps après. Ces petites filles dont le frère jumeau disparaît sont donc élevées comme si n’y avait pas eu de frère jumeau. Mais les résultats défavorables pour la fille subsistent et sont identiques à ceux décrits plus haut. Ce n’est donc pas le frère jumeau qui est responsable parce qu’il vit mais bien la testostérone qu’il a semée durant la gestation.

Les hommes seraient-ils des « male chauvinist pigs », bien avant leur naissance et même s’ils disparaissent ?

Il faut noter que des scientifiques mâles mettent les résultats en doute.

(1) Aline Bütikofer, David N. Figlio, Krzysztof Karbownik, Christopher W. Kuzawa, and Kjell G. Salvanes, Evidence that prenatal testosterone transfer from male twins reduces the fertility and socioeconomic success of their female co-twins, Proceedings of the national Academy of Sciences, March 18, 2019 https://doi.org/10.1073/pnas.1812786116


(2) Michael Price, Girls who share a womb with boys tend to make less money than those with twin sisters, Science, March 18, 2019 http://www.sciencemag.org/news/2019/03/girlswho-share-womb-boys-tend-make-less-money-those-twin-sisters

3 commentaires:

  1. Peut-on en déduire qu'en donnant des oestrogènes aux garçons, on améliorera leurs résultats scolaires ?

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    1. J'ai tenté de répondre à toi et à celui qui a fait

      un commentaire sur ton blog, mais ça passe pas. 
      Comme je ne suis que très très modérément informaticien,
      je te l'envoie pour info.

      Amitiés,
      M


      Pas besoin de donner des oestrogènes aux garçons :
      il suffirait peut-être de les castrer au stade foetal,
      et suffisamment tôt.  Cela a été fait avec un autre
      mammifère, le lapin.  Le mâle se développera avec
      une apparence femelle, tandis que la femelle gardera
      un aspect femelle.  Serait-ce elle le vrai sexe, et le
      mâle un accident de l'Histoire?  
      Ce que raconte Victor n'est qu'une maigre consolation.
       D'autant plus que certains ovules peuvent se passer
      du spermatozoïde, pour autant qu'on leur donne un
      coup de main (ou plutôt une piqûre).  Bon, ceci est
      possible chez un invertébré comme l'oursin. 
      Mais avec la pollution et le réchauffement, comment
      anticiper l'évolution?

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