jeudi 14 novembre 2024

Le Rubik’s Cube a 50 ans, et je n’ai jamais réussi à arriver à le « remettre en place » mais ne suis probablement pas le seul...

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Victor Ginsburgh (*)


Les mathématiciens comme les amateurs se sont amusés pendant un demi-siècle à explorer les 43 milliards de milliards de permutations (plus précisément 43 252 003 274 489 856 000 et sans doute du même ordre de grandeur que tous les grains de sable dans le monde) du fameux Rubik’s Cube, inventé en 1974 par un certain Erno Rubik, qui a donné son propre nom au cube. Il suffit de voir ce qu’est ce cube auquel beaucoup d’entre nous sommes probablement tous heurtés (un sur sept, dit-on) et n’avons que difficilement, voire jamais réussi à mettre les petits cubes de six couleurs (noir, blanc, vert, jaune rouge et bleu) de façon à obtenir une seule couleur sur chaque face du « grand » cube, comme celui qui n’apparaît pas dans l’image ci-dessous.

Le Rubik's cube

Une compétition du championnat du monde de la World Cube Association a eu lieu à Melbourne, Australie, en 2019. Pendant qu’un « connoisseur » parlait, plusieurs membres du public se sont précipités sur scène à son invitation et se sont mis au travail pour essayer de trouver l'une des 2 184 solutions du puzzle. Plus précisément, quel est le nombre minimum de mouvements nécessaires pour résoudre même les positions les plus brouillées ?

Un certain Dr Rokicki a entrepris de calculer cette quantité et a trouvé la réponse : vingt. Son obsession actuelle est d'identifier toutes les positions des nombres de Dieu qui sont extrêmement rares, et vraiment difficiles à trouver, a-t-il déclaré. Pendant qu'il parlait, trois ordinateurs de sa maison se sont mis à la tâche. Leurs 336 gigaoctets combinés creusent environ 100 000 positions de distance par jour (**). Jusqu'à présent, Rokicki dispose d'une base de données d'environ 100 million de personnes. Ce sont des joyaux mathématiques, dit-il.

Maria Mannone, physicienne théoricienne et compositrice italienne, a inventé le CubeHarmonic, qui est un Rubik's Cube où, sur chaque face, il y a des accords musicaux, une note sur chaque facette. En brouillant le cube, les accords musicaux sont aussi, devinez, … brouillés.

M. Rubik a ajouté qu'il n'aimait pas tellement les puzzles conçus simplement pour être des puzzles. Il dit qu’il « aime le contenu déroutant de la vie et de l'univers tel qu'il est. »





(*) Basé sur Siobhan Roberts, The Rubick’s Cube turns 50, The New York Times, July 1, 2024.
(**) A vrai dire, je ne comprends pas trop bien ce qui se passe là.


jeudi 7 novembre 2024

Alcool, drogues et armes à feu. Comment ne pas faire de vieux os chez l’oncle Sam ?

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Pierre Pestieau


Un tout nouveau rapport (1) examine comment les décès liés à l'alcool, aux drogues et aux armes à feu ont réduit l'espérance de vie aux États-Unis et ont contribué à creuser l'écart d'espérance de vie entre les États-Unis et d'autres pays à revenu élevé. Si ces décès évitables étaient éliminés (et que les autres causes de décès restaient inchangées), l'espérance de vie à la naissance aux États-Unis augmenterait de 1,6 an, réduisant de moitié l'écart actuel d'espérance de vie, selon le rapport. 

Malgré un investissement énorme dans les soins de santé, l'espérance de vie aux États-Unis en 2022 (77,6 ans) était nettement inférieure à celle des pays à revenu élevé comparables (en moyenne 80,6 ans). En 2022, les États-Unis ont connu plus de 48 000 décès liés aux armes à feu, près de 108 000 décès liés aux drogues et plus de 51 000 décès dus à l'alcool. Ces décès évitables ont touché de manière disproportionnée les enfants et les jeunes adultes, contribuant à une réduction de l'espérance de vie à la naissance. L'espérance de vie a été fortement corrélée avec les facteurs démographiques, géographiques, sociaux et économiques. Les États du Sud ont généralement des espérances de vie inférieures à celles des autres régions du pays. Les personnes à faibles revenus ont tendance à avoir une espérance de vie inférieure à celles aux revenus plus élevés ; d'autres facteurs tels que l'éducation, le mode de vie, la génétique et l'environnement peuvent également avoir un impact sur l'espérance de vie.


Ce rapport nous apprend que les décès liés aux drogues représentent le plus grand nombre d'années potentielles d'espérance de vie perdues. Si ces décès n'avaient pas eu lieu, l'Américain moyen pourrait s'attendre à vivre près d'un an de plus (0,9 an). Les États-Unis ajouteraient en moyenne 0,4 an et 0,3 an d'espérance de vie si les décès dus aux armes à feu et à l'alcool, respectivement, étaient éliminés. Dix États verraient une augmentation de plus de 2 ans d'espérance de vie si les décès dus à l'alcool, aux drogues et aux armes à feu n'avaient pas eu lieu, allant de 2,0 ans en Caroline du Sud à 3,0 ans au Nouveau-Mexique. Certains sous-groupes raciaux/ethniques connaîtraient des augmentations dramatiques de l'espérance de vie si les décès liés à l'alcool, aux drogues ou aux armes à feu n'avaient pas eu lieu.

Le rapport conclut qu’il est possible de s'attaquer aux causes de ces décès grâce à des interventions de santé publique ciblées, à des traitements des troubles mentaux et de la toxicomanie, ainsi qu'à des services sociaux renforcés. On peut trouver cette conclusion naïve. Il semble en effet que pour réduire ces trois types de décès, il faille réformer structurellement le fonctionnement de la société américaine. Dans leur ouvrage " Morts de désespoir. L’avenir du capital ", Anne Case et Angus Deaton (2) montrent bien que la surmortalité qui frappe les blancs « non hispaniques » peu diplômés est liée à la manière dont le capitalisme américain les traite.


Enfin pour finir avec plus de légèreté, on notera que nombre de séries et films américains perdraient de leur saveur si la drogue, le crime et l’alcool venaient à disparaître. Les gens de ma génération se souviennent d’Eddie Constantine et de sa chanson : Cigarette et whisky.




(2). Anne Case et Angus Deaton, Morts de désespoir. L’avenir du capitalisme, PUF, 2021