Pierre Pestieau
Il est parfois bon de laisser courir son imagination.
Supposons que l’on puisse sans coût financier et humain revenir au temps où les
hommes mesuraient 1,70 m et pesaient 65 kg, ce qui est loin des moyennes actuelles.
On vivrait sans doute mieux dans ce monde rapetissé. La plupart des activités
ne réclament plus de force brute mais le simple maniement de machines et la
production ne s’en trouverait pas affectée. En revanche, il faudrait moins de
ressources pour nourrir, loger et transporter cette société compactée. Il faut
s’arrêter à ces dimensions. Une trop forte réduction, celle qui par exemple nous
amènerait à la taille des Lilliputiens, aurait des avantages économiques certes
mais poserait des problèmes existentiels terribles. Il faudrait par exemple
changer le registre des animaux de compagnie. Adieu chats, chiens et furets
beaucoup trop monstrueux.
Sans aller aussi loin, il est certain que la
surpondération actuelle dont souffre une partie importante de l’humanité a un
coût pour la société. Mais comment le mesurer ? Ce n’et pas compliqué,
mais il faut y penser. Rompant avec
la mesure démographique habituelle, qui consiste à compter les humains, une
équipe de médecins et chercheurs britanniques a eu une l’idée singulière de les
peser. Tous ensemble, nation par nation, continent par continent. Le fruit de
leurs calculs, publié dans la dernière édition de BMC Public Health (1) offre une frappante image de la
surcharge pondérale de l'humanité, de sa répartition et, aussi, de la manière
dont elle affecte l'exploitation des ressources.
Selon ces chercheurs, en 2005, l'humanité adulte pesait
environ 287 millions de tonnes dont 3,5 millions seraient dues à l'obésité (2)
dont le « poids » est inégalement réparti. L'Amérique du Nord
rassemble 6% des habitants de la planète, mais concentre 34% de l’excès de biomasse
humaine due à l’obésité. En revanche, l'Asie représente 61% de la population,
mais seulement 13% de cet excès de biomasse.
Ces chiffres en main, les auteurs en viennent à se
demander combien coûte cette surcharge pondérale. Alors que cette question est
généralement abordée sous l'angle de la santé publique, ils ont choisi un autre
point de vue : cette biomasse humaine " excédentaire ", il faut bien
la transporter, la nourrir, l'entretenir en somme. Et tout cela se paie en
calories consommées. Le résultat est que le surpoids général de l'humanité correspond aux besoins caloriques de 111
millions d'adultes de corpulence moyenne. De quoi relâcher la pression
sur les ressources de notre planète.
Les auteurs montrent en outre que si l’humanité décidait
d’adopter le mode de vie des Américains et donc d’hériter de leur surpoids, la
masse humaine grimperait de 58 millions de tonnes. Supporter et entretenir
cette surcharge reviendrait à consommer la nourriture requise pour faire vivre
473 millions d'individus moyens.
Devant la finitude de notre environnement, il ne suffit pas
de contrôler la population ; il faut aussi en limiter le poids.
(1)
Sarah Walpole, David Prieto-Merino, Phil Edwards, John Cleland, Gretchen
Stevens and Ian Roberts, The weight of nations : an estimation of adult human biomass, BMC Public Health 2012, 12
(2) Les auteurs distinguent obésité et surpondération en utilisant l’IMC,
l’indice de masse corporelle qui est donné par le poids divisé par le carré de
la hauteur. L’obésité correspond à un IMC supérieur à 30 et la surpondération à
un IMC supérieur à 25.
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