jeudi 19 décembre 2013

Evaluer l’inévaluable : la performance de l’enseignement universitaire


Pierre Pestieau
MIT: le temple du sçavoir

Même si tout le monde s’accorde à critiquer la méthodologie qu’ils utilisent les classements universitaires internationaux de l’université Jiao Tong de Shanghai et de la revue Times Higher Education donnent une tête de peloton qui fait l’unanimité. Il est difficile de mettre en doute l’attribution des premières loges  à des institutions comme Harvard, MIT, Berkeley ou Oxford. Pour rappel, le tout dernier quinté gagnant de Shanghai était, dans l’ordre, Harvard, Stanford, Berkeley, MIT et Cambridge Angleterre et celui du Times, CALTECH, Harvard, Oxford, Stanford et MIT. La recherche qui y est menée est excellente; leur influence dans le débat des idées est incontestable et leurs étudiants n’ont aucune difficulté à trouver un emploi. Bref le rêve pour toute institution universitaire. Que la vieille Europe soit systématiquement absente des premières loges est incompréhensible pour certains et frustrant pour d’autres.


Immanquablement se pose la question de l’évaluation de l’enseignement, universitaire en l’occurrence. Est-ce possible et si oui comment? Dès l’abord, une première remarque. Les deux  classements précités sont utiles pour indiquer les grandes tendances mais dès que l’on entre dans le détail, ils ne sont guère informatifs. La manière dont les universités belges sont classées ne permet pas d’éclairer le décideur public. Le premier défaut de ces classements est leur niveau d’agrégation. Il vaudrait mieux procéder par disciplines, quitte à agréger en final les résultats des évaluations sectorielles.


Mon point de vue est qu’il est possible d’évaluer la performance des universités tout en se rendant compte que les mesures obtenues doivent être soumises à une critique continue et ne sont en aucun cas absolues. Elles sont en effet relatives, basées sur le concept de « meilleure pratique », entendant par là que l’on compare la performance d’une université dans une activité particulière avec celle d’autres universités dans les mêmes activités. Mais tout d’abord, il nous faut nous entendre sur ce qu’on attend d’une université, car sa performance dépendra de la manière dont elle réussit à atteindre les objectifs qui lui sont impartis au départ. On peut distinguer 4 objectifs majeurs : la qualité de la recherche, celle de l’enseignement, l’employabilité des étudiants diplômés et le service à la communauté. La qualité de la recherche est sans doute l’activité qu’il est le plus facile d’évaluer. Les critères varient d’une discipline à l’autre mais ils sont largement reconnus. L’employabilité des étudiants n’est pas égale d’une discipline à l’autre et d’une période à l’autre. Elle ne peut être négligée surtout lorsque les universités sont publiques et n’obéissent pas aux lois du marché en fixant la rémunération de leurs enseignants et le montant des droits d’inscription. La qualité de l’enseignement peut être évaluée par des enquêtes répétées auprès des étudiants. Cela reste néanmoins une variable extrêmement subjective. Enfin, il y a le concept fort vague de service à la communauté qui sans nul doute est le plus difficile à mesurer. Son acception variera selon les disciplines et selon les régions. En dépit des difficultés, il peut être évalué.

Une fois que l’on a obtenu un indicateur pour ces différentes missions de l’université et pour chacune des disciplines couvertes, il faut les agréger en un indicateur unique. Il existe plusieurs techniques d’agrégation qui n’échappent pas aux jugements de valeur. Il suffit d’être clair sur ces jugements pour qu’ils puissent être soumis à la critique. On peut ainsi arriver à une évaluation de la qualité des établissements universitaires, évaluation qui est indispensable parce qu’elle conduit à une saine émulation et nécessaire parce qu’il vaut mieux une évaluation reposant sur des règles claires que les classements sans fondement qui se colportent çà et là.

Avant de conclure deux remarques. Dans la mesure où la recherche est la mission universitaire qui est la plus facile à évaluer, il n’est pas surprenant que de nombreux classement tendent à lui accorder plus de poids qu’aux autres missions. C’est certainement regrettable mais inévitable. Dans ce qui précède l’accent a été mis sur l’enseignement universitaire. La même méthodologie pourrait s’appliquer aux autres formes d’enseignement supérieur avec cependant une moindre pondération pour l’objectif de recherche.

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