Pierre Pestieau
On sait que les besoins de dépendance ne
cesseront d’augmenter dans les décennies qui viennent. L’autre jour je m’adressais
à une assemblée de gérontologues/gériatres (distinction subtile) sur ce thème.
J’expliquais l’urgence qu’il y avait pour les pouvoirs publics de faire face à
ce que nos amis français appellent le cinquième risque, urgence d’autant plus aigüe
que le marché de l’assurance est défaillant et que les familles sont pour de
multiples raisons de moins en moins au rendez-vous.
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Après mon exposé empreint d’une bonne dose de
pessimisme, je me suis trouvé interpellé par deux personnes, un gérontologue et
un gériatre, j’imagine, qui m’ont reproché mon manque de confiance dans l’avenir.
Selon eux, la dépendance augmentera mais ses besoins ne poseront pas de problèmes
dans la mesure où les nouvelles technologies suppléeront au manque de personnes
aidantes. J’eus alors droit à une liste des nouvelles techniques allant de la
robotique à la domotique et des produits innovants qui allaient permettre aux
personnes dépendantes de ne plus dépendre des personnes aidantes. Devant leur
enthousiasme, j’ai préféré me taire plutôt que de leur objecter que ces techniques
étaient le plus souvent coûteuses et n’étaient souvent pas encore au point. Que
le petit robot, d’origine japonaise naturellement, puisse peut-être effectuer
certains travaux basiques, je n’en disconviens pas mais il pourrait
difficilement apporter le réconfort voulu à une personne anxieuse ou veiller à
ce qu’une personne dépendante s’habille de façon correcte.
Tout cela me rappelait les séries télé de
science fiction telles que Startek où
les problèmes de ressources rares sont résolus par l’exploration de nouvelles
planètes et la création d’énormes stations spatiales. Régulièrement les
amateurs de cette série, le Trekkies (1), se retrouvent dans des conventions dans
lesquelles l’imagination et le rêve ne connaissent pas de limites. Ils ont
maintenant l’âge où les problèmes de dépendance surgissent à moins qu’ils ne décident
de s’envoler pour une autre planète comme dans Cocoon.
En réalité, la montée des coûts que l’on
observe pour les soins de santé et pour l’aide à la dépendance provienne de causes différentes. Pour les soins de santé, l’arrivée
sur le marché de techniques à la fois plus performantes mais aussi plus onéreuses
crée de nouveaux besoins qu’il est difficile de juguler. En revanche pour l’aide
à la dépendance, le problème vient de ce qu’il faut autant d’aidants pour un
cas donné de démence aujourd’hui qu’hier et que demain. Or la main d’œuvre, même
si elle n’est guère qualifiée, coûte de plus en plus. Pour distinguer ces deux
problématiques, on recourt à une comparaison entre un téléviseur et une coupe
de cheveux. Un téléviseur est chaque année de plus en plus performant tout en se
vendant à un prix de plus en plus faible. Mais aujourd’hui on en compte
plusieurs par famille conjointement avec des tablettes, ordinateurs et Smartphones
alors que naguère un seul appareil suffisait pour une famille voire pour un
quartier. En fin de compte, cela coûte plus. En revanche, une coupe de cheveux
demande toujours 20 minutes d’un coiffeur et cela ne devrait pas changer à
moins que vous ne vouliez confier votre crâne à un robot coiffeur (2).
(1)
Un trekkie est un fan de la série
Star Trek. Ce mot a été introduit à
la fin des années
1960
par Gene
Roddenberry,
le scénariste de la série, et se trouve dans le Oxford English Dictionary. Le terme « trekkie »
peut évoquer une certaine obsession pour l'univers de Star Trek.
(2)
Ce phénomène porte le nom de « maladie des services » et a été développé
par l’économiste américain William Baumol. Pour l’illustrer, Baumol qui est
aussi un économiste de l’art prenait l’exemple d’un quatuor à cordes dont la
productivité n’a guère changé depuis trois siècles, si on veut bien admettre
que le spectacle vivant n’est pas réductible à sa reproduction sur écran.
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