jeudi 1 septembre 2016

Nager en burkini

Victor Ginsburgh

La semaine dernière, après les singuliers événements qui se sont passés en France, je suis allé nager en burkini dans une piscine à Molenbeque. Je veux dire : c’est moi qui m’étais mis en burkini, pour cacher mes fesses et mes seins qui tombent, ma calvitie, mes bourrelets et autres décorations que mon âge m’a accordées. Ce sont les seules que j’ai, après avoir refusé, par écrit, toute autre décoration. 

Après mes habituels trente allers-retours dans la piscine, je me suis senti bien mieux, parce que je ne devais plus m’assurer que mon maillot avait lâchement quitté mon corps, ce qui nuisait évidemment au record que j’avais établi quand j’avais vingt ans, en nageant en simple bikini, que, par pudeur, je n’osais plus mettre depuis bien longtemps.  

Et puis, j’ai eu la chance d’avoir une burkinie qui nageait, bien mieux que moi d’ailleurs, dans le couloir à ma gauche.


Avant de faire tout cela, je m’étais évidemment assuré que ma religion m’y autorisait et ai posé les trois questions suivantes à mon rabbin :

(a) la religion me permet-elle de nager dans une piscine non cachère ?
(b) la religion me permet-elle de nager habillé comme je voulais ?
(c) la religion me permet-elle de nager à côté d’une femme habillée en burkini, si par chance, j’en rencontrais une ?

Comme je me méfie des rabbins, j’ai quand même vérifié leur dire dans mon quotidien israélien Haaretz, un peu gauchiste.

Et aussi bien le rabbin que Haaretz m'ont répondu de façon positive aux trois questions. Je n’ai donc pas hésité et me suis jeté allo avec mon téléphone aussi portable qu’insubmersible. J’ai demandé en bonne et due forme à la belle en burkini de faire un selfie, que vous trouverez dans un recoin de cet article. Je me suis trouvé assez beau d’ailleurs.

Hélas, tout cela a très mal fini, parce qu’un gendarme déguisé en français m’a sorti de l’O de force et m’a dit d’enlever mon burkini, cet instrument, m’expliquait-il, qui est une trace de l’esclavage que la femme exerce sur l’homme. Ce que je n’ai évidemment pas osé faire devant ma belle.

Il m’a alors insulté en me disant que je pouvais retourner d’où je venais si je n’étais pas content des règles appliquées dans son pays. A quoi j’ai répondu que je n’avais plus « d’où je venais » et que j’avais sans doute la même nationalité que lui, mais rien n’y a fait et j’ai ramassé un procès-verbal, que j’ai aussitôt jeté dans la piscine. Na !

J’attends la suite avec une certaine confiance. Comparaison n’est pas raison, mais ma position ressemble à celle des étudiants de l’Université du Texas. Importunés que le port d’arme ait été permis sur le campus, ils se promènent maintenant sur ce même campus avec des phalli (qui vient du singulier, phallus) en caoutchouc, moins dangereux que les révolvers, même si ceux-ci, les révolvers bien entendu, sont cachés—con-cealed, comme le dit si bien l’anglais.



1 commentaire:

  1. Là, tu te surpasses! je me demande même si tu ne nous mène pas en bateau!
    J'aime bien la question a) au rabbin, elle vaudrait aussi pour un imam ou un prêtre chrétien.Aucun n'oserait répondre par la négative, comme pour les huitres dans les mois sans R, ou l'imam qui disait qu'on pouvait nager pendant le ramadhan à condition de ne pas ouvrir la bouche!

    RépondreSupprimer