mercredi 24 mai 2017

Les risques des nouveaux tests génétiques

Pierre Pestieau

Le New York Times (1) relatait récemment l’histoire d’une femme de 72 ans qui venait d’acheter une assurance dépendance coûteuse et généreuse après avoir appris grâce à un tout nouveau test génétique que la probabilité qu’elle souffre de la maladie d’Alzheimer était beaucoup plus élevée que pour la moyenne des Américaines ayant ses caractéristiques observables. Ce test encore largement méconnu coûterait moins de 200 euros; il permettrait de savoir si la personne testée est porteuse du gène ApoE4, auquel cas la probabilité de développer la maladie d’Alzheimer serait très élevée.


Inutile de dire que le secteur de l’assurance est préoccupé par cette nouvelle. A terme, si le test était généralisé, cela voudrait dire qu’il y aurait deux types de contrats. L’un pour ceux qui ne sont pas porteurs du gène ApoE4. Leur prime d’assurance serait faible. A la limite, il n’y aurait pas d’assurance pour ce type de risque.  L’autre pour les porteurs du gène. Leur prime serait beaucoup plus élevée et si la probabilité était proche de l’unité, il n’existerait pas d’assurance pour les couvrir.

En attendant, si le test se répand, les personnes n’ayant pas ce gène vont se garder d’acheter une assurance qu’ils jugeront trop coûteuse pour le risque qu’elles courent et les sociétés d’assurance se trouveront rapidement incapables de couvrir des risques beaucoup plus élevés que ceux qu’elles avaient anticipés.

En l’absence de test, l’assurance dépendance impliquait une redistribution de facto allant des non porteurs vers les porteurs du gène ApoE4. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas possible de distinguer ces deux groupes selon leur revenu ou leur niveau d’éducation. De ce fait, on peut affirmer que l’introduction de ce test et sa généralisation aura une incidence régressive  sur la distribution des revenus en pénalisation les porteurs du gène : ils devront en effet porter tout le poids de leur dépendance si le marché de l’assurance était segmenté ou s’il venait à disparaître. En d’autres termes, la coexistence d’une assurance dépendance et de la non observabilité du gène implique que les non porteurs subventionnaient les porteurs. Je reste ici dans le cadre des Etats Unis, où l’assurance dépendance est beaucoup plus répandue que chez nous.

La question posée dépasse le cas de la maladie d’Alzheimer. Elle concerne l’ensemble des tests génétiques qui ont pour effet de déchirer le voile d’ignorance qui amenait les sociétés d’assurance à effectuer une redistribution involontaire des revenus pour autant que la corrélation entre les revenus et les risques encourus ne soit pas positive. C’est le cas du chômage et de la maladie dont les risques sont plus élevés pour les pauvres que pour les riches ; ce ne l’est pas pour la longévité qui tend à croître avec le revenu.

Un autre problème pourrait apparaître dans le cas fort probable où ce sont surtout les personnes économiquement aisées qui procèdent à ces tests. Pour autant que le marché d’assurance continue d’être viable, il verra les porteurs négatifs pauvres subventionner les porteurs positifs aisés. Dans la mesure où il n’est pas possible d’interdire ce type de tests, la conclusion qui s’impose est de recourir à une prise en charge par l’Etat du risque de dépendance (parfois qualifié de cinquième risque).

Notons pour terminer que les tests portant sur l’ApoE4 ne donnent pas des résultats tranchés mais des probabilités de développer la maladie d’Alzheimer. Ainsi le fait d’avoir 1 ou 2 ApoE4 augmente le risque de développement de la maladie mais ne signifie pas que ces personnes vont nécessairement développer la maladie dont la prévalence passe de 1,2 % entre 65 et 69 ans à 28,5 % après 90 ans.



(1) https://www.nytimes.com/2017/05/12/health/new-gene-tests-pose-a-threat-to-insurers.html?rref=collection%2Fsectioncollection%2Fhealth&_r=0

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