lundi 10 décembre 2018

Montée des inégalités et gilets jaunes. Retour

Pierre Pestieau

Suite à mon blog de la semaine dernière où je montrais que les inégalités n’avaient pas augmenté en Belgique comme en France au cours de la dernière décennie, j’ai reçu quelques réactions. En substance, on m’objectait que les mouvements populistes et la révolte des gilets jaunes semblent indiquer au contraire qu’il y a bien une montée des inégalités. Je voudrais répondre à cette objection en trois points.



D’abord, je me rends compte de l’aspect technocratique de mes propos. Ce qui compte c’est la perception que chacun a de sa vie. S’il sent réellement que la société ne le traite pas bien, que ce soit par comparaison avec ses attentes ou avec ce que ses voisins vivent, on a beau l’écraser de chiffres,  cela ne changera rien, Que du contraire. Une telle approche chiffrée manque clairement d’empathie. C’est ce qu’on peut reprocher au gouvernement français. C’est ce qu’on peut me reprocher aussi quand dans un précédent blog, j’explique pourquoi tout est mieux maintenant alors qu’ils sont nombreux à ressentir le contraire. Il ne suffit pas Les statistiques, pas plus que les moyennes, ne peuvent convaincre.

Ensuite, il est important d’observer que ce ne sont pas les quelque 15% de pauvres que comptent nos pays qui manifestent. Ceux-là restent chez eux, quand ils ont un ‘chez eux’. On n’en parle guère alors que c’est eux qui méritent toute notre attention. C’est plutôt cette fraction de la classe moyenne qui se trouve du mauvais côté de l’une ou l’autre fracture sociale. Nos sociétés sont en effet déchirées par une multitude de fractures sociales, numériques, médicales, spatiales, énergétiques, … Sont-elles plus profondes que dans le passé ? Peut-être mais ce n’est pas certain. Ce qui a sans doute changé c’est que la population ne l’accepte plus. Elle se rebiffe. Cela c’est sans doute nouveau. A quoi est-ce dû ? En partie aux  réseaux sociaux qui permettent à diverses colères de se fédérer mais aussi à la distance arrogante de nos dirigeants.

Enfin, chassez le naturel, il revient au galop. Je reviens avec mes chiffres. Des les 36 Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est le pays où la pression fiscale est la plus forte. Avec 46,2 % de son produit intérieur brut (PIB) représenté par les prélèvements obligatoires en 2017, la France est passée devant le Danemark. La Belgique, qui affiche un taux de 44,6 %, est troisième. Face à cela, il y a ce que demandent les gilets junes : moins de taxes, plus de pouvoir d’achat et davantage de justice sociale. Trois revendications qui se recoupent largement. Par ailleurs rappelons que les postes sur lesquels la France et la Belgique dépensent le plus sont les retraites, la santé, l’éducation, le logement, les dépenses militaires, le service de la dette publique et le soutien à l’économie.

On le voit que la marge de manœuvre du gouvernement est limitée mais elle n’est pas nulle.




1 commentaire:

  1. Cher Pierre,

    Je suis d'accord avec toi pour dire que l'approche chiffrée manque d'empathie mais absolument pas qu'elle ne changera rien. Il y a dans notre société un malaise ; les causes sont diverses mais comme tu le dis, ce malaise ne
    touche objectivement qu'une minorité. Mais à force de proclamer les inégalités, le mouvement fait tâche d'huile. On en arrive pratiquement à réclamer un changement de société. Si les medias diffusent largement que le message n'est pas correct, une bonne partie des indécis ou des mal informés n'embrayera pas.
    Et même si l'impact de la désinformation reste peu significatif, il est du devoir des experts comme toi d'aller à l'encontre des idées fausses. Il faut que la vérité l'emporte et non pas les fake news.
    Amitiés

    L.R.

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