mardi 4 décembre 2018

Y’a qu’à

Pierre Pestieau

Une conversation de dimanche après midi comme ça se passe dans toutes les familles. En l’occurrence, c’était avec un neveu et cela avait commencé par les gilets jaunes. Je lui faisais remarquer que toute réduction de prélèvement fiscal devra se répercuter par une baisse des dépenses. Quelles dépenses peut-on raisonnablement diminuer ? A cela il me répond que de l’argent on peut en trouver en taxant davantage les riches, en contrôlant mieux les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et plus généralement en luttant sérieusement contre la fraude fiscale. Rien à redire, mais ce n’est malheureusement pas si simple.


Trois remarques dès l’abord. D’abord, il est intéressant de noter qu’au cours de ces dernières décennies les gouvernements les plus à gauche dont on peut se souvenir n’ont guère réussi à faire bouger la fiscalité dans un sens plus progressif. On m’objectera que ces gouvernements n’étaient pas vraiment de gauche. Mais alors quelle référence faut-il adopter ? Les rares expériences de gouvernements qui relèveraient de la gauche de la gauche sont rares et peu probantes. Ensuite, on peut remarquer que les solutions de gauche  sont souvent différentes de celles de  droite. A droite, on appellera à des réductions de dépenses tout en dénonçant les gaspillages et les inefficacités du secteur public. A gauche, on pointera plutôt l’injustice d’un système fiscal qui épargne les riches, les fraudeurs et les multinationales. Enfin selon le mot de Chamfort, « la plus jolie fille ne peut donner que ce qu’elle a ». En d’autres termes, il faut garder à l’esprit des données telles que le revenu moyen sachant que nos sociétés ne peuvent pas tout promettre, en tout cas pas plus que ce dont elles disposent.

Il est incontestable que la fiscalité peut être améliorée dans le sens d’une plus grande justice distributive et d’une plus grande efficacité. Mais il importe de tenir compte du contexte dans lequel nous évoluons, celui d’une mondialisation qui permet une libre circulation des capitaux et des personnes. Nombreux sont-ils ceux qui déclarent qu’y’a qu’à s’accorder avec nos partenaires européens pour mieux contrôler le flux des capitaux et adopter des règlementations sociales et environnementales identiques ou en tout cas plus proches qu’elles ne le sont. Il demeure qu’actuellement, cela ne se passe pas ainsi et rien ne nous dit qu’à l’avenir les choses vont changer. Il faut donc procéder avec les moyens du bord, à l’intérieur de nos frontières hexagonales pour les uns, triangulaires pour les autres. Sous de telles contraintes, il n’est pas possible de faire ce que l’on souhaiterait faire si elles n’existaient pas. Il faut se rendre compte qu’une fiscalité trop lourde peut entraîner des délocalisations ou des fuites de capitaux ; les mouvements de personnes peuvent aussi être influencés par la fiscalité et les politiques sociales.

Etant donné ces contraintes, que doit-on faire dans l’immédiat tout en continuant à pousser pour des accords de coopération internationale ?  Il y d’abord, un effort de pédagogie ; il est important de montrer qu’en moyenne le citoyen en a pour son argent. Dans de nombreux pays, on doit payer pour la santé, l’éducation et la retraite. Supprimez ces prestations et le taux de prélèvement obligatoire baissera nettement. Que certaines économies puissent êtes faites est incontestable mais dans l’ensemble on peut affirmer que par rapport au privé, le secteur public est performant dans ces trois domaines.

Du côté recettes, il est possible de faire mieux. Il importe de bien comprendre l’incidence  que les diverses formes d’imposition peuvent avoir sur le pouvoir d’achat de la population. Même si pour des raisons de santé ou d’environnement, la taxation du tabac et du gasoil est souhaitable, il faut garder à l’esprit qu’elle est fortement régressive. Un des pièges qu’il faut éviter est celui du saupoudrage de subventions ou d’exonérations fiscales. Ces mesures ont pour effet immédiat d’augmenter les dépenses publiques et partant d’obliger à une hausse des prélèvements obligatoires. Là où nos gouvernements peuvent agir, c’est dans la taxation de la richesse. Les droits de succession et la taxation des revenus du capital rapportent beaucoup moins qu’ils ne pourraient même si l’on tient compte de la menace de fuite des capitaux. En France, la suppression de l’ISF (impôt sur la fortune) reste incompréhensible. Il est aussi possible de taxer les GAFA ; tant qu’elles font des profits, elles n’ont aucune raison de se priver d’un marché.

Une des sources du mécontentement de la classe moyenne à l’égard de la fiscalité est la perception de profondes inégalité horizontales qui donnent l’impression que je paie plus de taxes que mon voisin alors que son revenu est le même que le mien. Pour eviter cela, il faudrait un système fiscal plus simple et plus transparent. La multiplicité des taxes et des niches fiscales crée dans chaque classe de revenu des disparités injustifiées. L’impopularité des droits de succession relève du même phénomène. Pour un même patrimoine, certaines familles payeront le taux plein alors que d’autres éviteront toute imposition.


Pour revenir aux questions d’environnement et de mobilité qui sont au cœur du mouvement des gilets jaunes, la solution théorique est simple : un habitat plus regroupé, une isolation thermique des immeubles, des transports en commun proches et rapides et pour ceux qui ne peuvent éviter la voiture, qu’elle la moins polluante possible. Mais cela ne se fera pas en un jour. Il faudra procéder progressivement en tenant compte de l’incidence des mesures prises sur le pouvoir d’achat des plus faibles. Ce que semble ne pas avoir fait le gouvernement français.

2 commentaires:

  1. Y’a qu’à.
    Oui, tout à fait. C'est la différence entre le quoi (que changer pour améliorer le monde) et le comment (comment y arrive-t-on ?).
    Pour le quoi, il y a certainement 10 mesures pour lesquelles 99% des citoyens du monde seraient d'accord dont:
    - réduire le gaspillage alimentaire
    - arreter la déforestation
    - taxation adéquate des multinationales
    - lois contre trading spéculatif à très court terme
    - obsolescence programmée


    Le problème c'est le comment ? Beaucoup de pistes existent. Personnellement, je crois en la démocratie participative des citoyens au niveau européen (voir mouvements Diem25 par ex).
    Et vous ?

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