mercredi 27 mai 2020

Brèves de confinement



Pierre Pestieau

Jusqu’à présent la stratégie de Trump fonctionne relativement bien. Ses insanités sur le covid-19 amusent ses soutiens les plus fidèles dans la mesure où ils ne sont pas touchés par la pandémie. Les États les plus atteints sont en effet des états qui votent démocrate. Témoins, New York, New Jersey, Maryland, Californie, … Dans la mesure où les États rouges (aux États Unis, ce sont les républicains qui sont rouges) commencent à être contaminés, cela pourrait changer (1).



Pour paraphraser Orwell, nous sommes tous égaux devant la pandémie mais certains le sont plus que d’autres.  Un ami m’écrivait récemment : « J’ai encore été payé €4800 en mars, en avril, et bientôt en mai tandis que mon frère et ma belle-sœur (qui sont tous les deux actifs dans le secteurs des événements musicaux comme indépendants) n’ont rien touché et ne prévoient aucune activité dans un futur proche. » Avec le covid-19, on observe l’émergence d’une série de fractures, qui nous feraient presqu’oublier celles que dénonçaient les gilets jaunes. On parle de fracture générationnelle : on compte une majorité de seniors parmi les victimes de la pandémie, les plus jeunes eux paient un lourd tribut au confinement avec de lourdes pertes de revenus. Autre fracture, la fracture numérique : dans le télétravail  et l’enseignement à distance, les classes les plus pauvres sont nettement défavorisées. Aux États Unis, on oppose les exposés (exposed) aux planqués (remote). Ceux-ci représenteraient  37% de la force de travail. Ils font du télétravail, et ils ont un niveau d’éducation et de revenu assez élevé (2). En revanche les exposés rassemblent tous ceux qui courent un double risque, l’un sanitaire et l’autre économique. Ils sont peu qualifiés et ont des jobs précaires. Enfin, il y a la distinction que l’on fait entre secteurs d’activités plus ou moins touchés par le covid-19. D’un côté, il y aurait les secteurs accablés : l’automobile, la restauration/hôtellerie, les commerces non alimentaires, l’intérim et la culture. De l’autre, il y aurait les secteurs préservés parmi lesquels on compte la chimie, la pharmacie et l’industrie agro-alimentaire (3).

Je lis tout et n’importe quoi à propos de l’après-covid. Souvent en forme de bye bye. Bye bye la mondialisation, bye bye la pollution, …Mon sentiment est que le scénario le plus vraisemblable est que l’on reviendra au monde d’hier et que le covid-19 sera vite oublié, comme le furent naguère les autres pandémies. Chassez le naturel, il revient au galop. Cela paraît évident quand on entend que l’État pourrait continuer à subventionner le Grand Prix de Francorchamps ou secourir Brussels Airlines, deux activités dont on ne peut pas dire qu’elles contribuent à sauver la planète.

Dans les opposants au confinement, coexistent des gens très différents. On a au premier plan ceux-là qui aux États Unis manifestent l’arme à la main leur opposition au confinement. Ils misent sur « l'immunité collective », sacrifiant sciemment leurs habitants les plus vulnérables. Au nom des lois de l'évolution, ils veulent une société compétitive où chacun lutte pour son existence, les moins aptes devant disparaître pour le bien de notre espèce.

Cette position soutenue par Bolsonaro, Trump et dans une moindre mesure par Johnson, s’inscrit nettement à droite. On compte aussi une mouvance que l’on pourrait qualifier de conspirationniste beaucoup moins marquée à droite. Le confinement serait une construction mentale qui permettrait d’empiéter sur les libertés individuelles, et d’enrichir notamment les firmes pharmaceutiques.

Une question qui commence à être débattue est celle de l’impact de la pandémie sur les inégalités. A première vue, on pense qu’elles pourraient croître. Ce sera certainement le cas dans le court terme. On entend cependant un autre son de cloche qui voudrait qu’à terme la pandémie réduise les inégalités comme ce fut le cas lors des guerres et des crises économiques. Rappelons l’analyse de Piketty qui montre que, de 1910 à 1970, la concentration de la richesse s’est fortement réduite en Europe. Il y a deux causes majeures à ce phénomène. Le retour en grâce de l’État providence et les pertes financières encourues par une partie des détenteurs de la richesse nationale (4).

Les économistes n’ont pas prévu la pandémie. On aurait tort de le leur reprocher. En revanche, depuis deux mois ils se sont déchainés pour disséquer l’incidence économique qu’elle pourra avoir. Dans la liste des documents de travail des centres de recherche les plus en vue (CEPR, NBER, IZA, CESIFO), on en dénombre plus de la moitié consacrés à la pandémie. Certaines de ces recherches peuvent paraître précipitées. Ne faudrait-il pas attendre le baisser de rideau qu’on espère aussi proche que possible ?







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