jeudi 20 octobre 2022

Pratiques nuisibles. Pourquoi aller si loin ?

Pierre Pestieau

L’Obs du 4 aout dernier consacrait sa une au traitement des filles en Afghanistan. Il titrait : « Être une fille sous les Talibans ». Depuis le départ précipité des Américains il y a près d’un an, le sort des femmes et particulièrement des jeunes filles s’est rapidement détérioré. Mariages forcés et interdiction d’école sont deux exemples parmi d’autres d’une régression radicale de la condition des femmes afghanes. Quand je lis ces articles dans l’Obs, je ne peux pas m’empêcher de penser que la critique des Talibans l’intéresse bien plus que le sort fait aux femmes (1). En effet, il est rare que la presse française, bien-pensante ou pas, ne se fasse l’écho de la condition de la femme africaine, particulièrement dans les anciennes colonies de l’Afrique du Sud-Ouest. Elle n’a pourtant rien à envier à celle des Afghanes.

Il existe pourtant de nombreux rapports portant  sur ce qu’on appelle pudiquement des pratiques nuisibles (2). Dans ces pratiques, il y en a  deux qui m’ont particulièrement surpris et choqué. Ce sont l’excision et le repassage des seins. Ces pratiques concernent dans certains pays plus de la moitié des femmes. On les retrouve même parfois dans l’hexagone.

La pratique la moins connue est sans nul doute le repassage des seins. Pratique traditionnelle que l’on retrouve  notamment au Cameroun, au Togo et en Guinée. Le but est de freiner le développement de la poitrine des jeunes filles par un “massage” réalisé avec des objets chauffés (pierre à écraser, pilon, spatule...) ou non (herbes, serre-seins...). Moins médiatisée que l'excision, cette pratique est cependant toute aussi traumatisante pour les victimes que ce soit sur le plan physique ou psychologique. Son but avoué est de protéger les filles des regards masculins mais au-delà même de ces regards, de les protéger d’une grossesse précoce ou d’un éventuel viol. Contrairement à une idée reçue, elle n’est pas propre aux communautés musulmanes.

Outre ces atteintes physiques à l’intégrité des filles, il y a de nombreuses atteintes morales qui laissent des séquelles psychologiques dont l’expression la plus ordinaire est le traumatisme et la peur. On citera les principales. Il y a tout d’abord le mariage forcé et précoce. Au Cameroun, 40% des femmes sont mariées avant 18 ans et le plus souvent, il s’agit de mariages forcés précoces et non désirés. Cela conduit à des maternités gâchées. Il y aussi la sous scolarisation des filles et leur éviction du cadre successoral. Toutes ces pratiques relèvent du droit coutumier. Sans nier l’importance d’un tel droit, il a un besoin urgent de toilettage pour éviter les conséquences dévastatrices que ces pratiques peuvent avoir sur les femmes africaines.

Quand j’écris ces lignes, je ne peux cacher une certaine gêne. Celle de celui qui fait la leçon à des populations qui ont une culture et une histoire différente de la mienne. Un peu comme les Américains qui au cours des dernières décennies sont intervenus violemment dans de nombreux pays pour y installer leur démocratie.



(1). Le traitement des femmes par les mollahs de Téhéran appelle le même commentaire.
(2). Monique Sakada, Les pratiques coutumières néfastes a l’égard des droits fondamentaux de l’enfant en droit Camerounais de la famille, International Multilingual Journal of Science and Technology, 6, 4070-4081, 2021.

3 commentaires:

  1. En effet je ne la connaissait pas !! C'et abominable ce que l'homme peut faire à son prochain y compris les "raisons" pour le justifier.

    RépondreSupprimer
  2. Culture ? C'est du machisme à l'état pur !

    RépondreSupprimer
  3. Merci Pierre pour cet article qui révèle un pratique peu connue et tout aussi barbare que l'excision, le mariage forcé, etc
    Et puis, cela fait du bien d'entendre les hommes rallier le combat des femmes sur ces sujets.

    RépondreSupprimer