jeudi 12 décembre 2024

208 millions d’Américains sont obèses ou en surpoids

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 The Conversation, décembre 2024 

 

Aux États-Unis, l’épidémie de surpoids et d’obésité est en forte progression. Les enfants et les adolescents sont particulièrement touchés. Si rien n’est fait, plus de 80 % des adultes et près de 60 % des adolescents américains seront concernés en 2050.

 

En 2021, aux États-Unis, près de la moitié des adolescents et les trois quarts des adultes étaient, d’un point de vue clinique, en surpoids ou obèses, ce qui représente 208 millions de personnes. Si aucune mesure n’est prise, la tendance ne peut que s’aggraver.

Ces chiffres, publiés dans la revue médicale The Lancet, sont issus d’une étude menée par plus de 300 experts et chercheurs spécialisés dans l’obésité.

 

Une situation qui se dégrade

L’objectif des travaux était de rendre compte de l’évolution de l’obésité et du surpoids aux États-Unis entre 1990 et 2021, et d’élaborer des projections pour en estimer la progression jusqu’en 2050.


Pour les mener à bien, les autorités ont synthétisé et analysé les données d’indice de masse corporelle provenant de 132 sources différentes. Des recherches antérieures ont notamment démontré que l’obésité était responsable de 335 000 décès en 2021. L’obésité augmente en particulier les risque de diabète, de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, de troubles psychiques, et de bien d’autres problèmes. 

Les implications économiques de l’obésité sont également conséquentes. Un rapportpublié en 2024 par les membres républicains du Joint Economic Committee du Congrès des États-Unis, a estimé que les soins atteindront 9,1 milliers de milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.

La progression de l’obésité chez les enfants et les adolescents est particulièrement préoccupante. Le taux d’obésité a plus que doublé parmi les adolescents de 15 à 24 ans depuis 1990. Les données d’une enquête nationale sur la santé et la nutrition révèlent qu’aux États-Unis, près de 20 % des enfants et adolescents âgés de 2 à 19 ans sont déjà obèses aujourd’hui.  

D’ici 2050, les résultats des prévisions suggèrent qu’un enfant sur cinq et un adolescent sur trois seront obèses. Or, on sait que dans ces deux catégories, l’obésité s’accompagne non seulement d’un développement précoce de maladies chroniques, mais aussi de troubles de santé mentale, ainsi que d’une dégradation des interactions sociales, et d’une dégradation des capacités physiques.

Ces recherches ont également mises en évidence d’importantes disparités géographiques dans la prévalence du surpoids d’un État à l’autre : les États du sud, par exemple, affichent les taux les plus élevés.

D’autres recherches menées sur l’obésité ont également souligné de grandes différences d’ordre socio-économique et ethnique. Ainsi les populations noires et hispaniques présentent des taux d’obésité plus élevés que les populations blanches.   

Quelles solutions ?

Parmi les interventions qui ont fait preuve de leur efficacité contre l’obésité, on peut notamment citer la taxation des boissons sucrées.

L’arrivée de nouveaux médicaments pourrait changer significativement la gestion de l’obésité. Mais il ne suffit pas de les mettre au point et de s’assurer que leurs effets seront d’une ampleur suffisante pour modifier les tendances des décennies à venir. 

 

jeudi 5 décembre 2024

Alzheimer heureux. Plus qu’un oxymore

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Pierre Pestieau

 

De temps à autre, au cinéma (1) autant que dans la réalité on est le témoin de personnes souffrant d’Alzheimer tout en restant, en tout cas paraissant, heureuses. Il existe de nombreuses études montrant que le fait d’avoir une vie épanouie réduisait le risque d’être affecté par cette forme de démence. Il en existe beaucoup moins visant à établir un lien entre Alzheimer et bonheur (2). On devine pourquoi.

 

Il semblerait qu’il soit possible de vivre avec la maladie d'Alzheimer et de connaître des moments de bonheur. Bien que cette maladie neurodégénérative entraîne une perte de mémoire et des altérations des fonctions cognitives, les personnes atteintes peuvent encore éprouver des émotions positives, ressentir de la joie, et vivre des moments heureuxLe lien émotionnel reste souvent intact. Même si la mémoire épisodique est affectée, la capacité à ressentir des émotions est souvent préservée. Les personnes atteintes d'Alzheimer peuvent éprouver de la satisfaction en présence de leurs proches, dans des environnements familiers, ou à travers des gestes de tendresse et de bienveillance.


 

Les personnes atteintes d’Alzheimer vivent souvent dans l’instant présent. Elles peuvent donc apprécier des activités simples, comme écouter de la musique, marcher dans un jardin ou interagir avec des animaux de compagnie, sans se soucier des aspects de la vie qui peuvent causer de l'anxiété. Un environnement sûr, apaisant et chaleureux, combiné à des soins adaptés, contribue considérablement à leur confort et à leur bonheur. Des professionnels formés ou des proches attentionnés peuvent aider à minimiser les sources de stress et à offrir des activités qui apportent du plaisir.

Des expériences sensorielles, telles qu’écouter des musiques familières, sentir des fleurs, ou toucher des textures agréables, peuvent susciter des émotions positives et favoriser des moments de bien-être, même si la mémoire consciente n'est pas active. À mesure que la maladie progresse, certaines pressions sociales ou responsabilités de la vie quotidienne sont souvent atténuées. Les personnes peuvent ne plus avoir conscience de certains problèmes qui préoccupent habituellement.



Parmi les quelques études sur le sujet, on citera celle de Person et Hansen (3) qui partent de l’hypothèse que les personnes atteintes de démence avancée peuvent encore profiter de la vie. Leur étude a adopté une approche indirecte : en raison du déclin de leur accès à la langue, il a été nécessaire de faire parler d'autres personnes en leur nom. L'analyse des résultats s'est appuyée sur une approche herméneutique inspirée de Ricœur (4). Les principales conclusions sont que toutes les personnes interrogées ont mis l'accent sur l'humour et l'interaction avec d'autres personnes comme source de bonheur. Il en ressort qu'il devrait être possible de créer des opportunités de bonheur et de plaisir dans les unités de soins spécialisées pour les résidents atteints de démence avancée grâce à des moments de convivialité et de partage d’humour et de joie. Le bonheur de ceux dont ils s’occupent doit être un objectif essentiel des soins infirmiers et, par conséquent, un défi majeur pour les infirmiers et autres soignants. 

Ces auteures ne sont assurément pas des économistes, car ma première réaction — dont j'ai honte — a été : Combien cela va-t-il coûter, surtout si l’on peine à trouver le personnel qualifié ? L’allongement de la durée de vie conduit à une augmentation du nombre de personnes nécessitant ce type de soins, tandis que le nombre de personnes actives capables de les fournir ou de les financer diminue suite à la baisse de la fécondité. Une perspective qui, malheureusement, invite au pessimisme.

Les prévisions de croissance pour la maladie d’Alzheimer sont en effet alarmantes, en raison du vieillissement démographique mondial. D'ici à 2050, le nombre de cas de démence, dont Alzheimer représente la majorité, pourrait tripler. En France, par exemple, les cas d’Alzheimer, qui concernent actuellement environ 1,2 million de personnes, pourraient dépasser 2 millions en 2050.

 



(1). Par exemple Le Fils de la mariée (El hijo de la novia) film argentin sorti en 2001 ou Floride, film français sorti en 2015. 

(2). Voir Lybb Shell (2015), The picture of happiness in Alzheimer's disease: Living a life congruent with personal values, Geriatric Nursing, 36, S26-S32.

(3). Person, M. et I, Hanssen, (2015), Joy, happiness, and humor in dementia care: a qualitative study,  Creat Nurs, 21(1):47-52.

(4). L’approche herméneutique  consiste en la recherche de la compréhension des phénomènes dans leur singularité.. Elle est l'art de retranscrire un discours afin d'en extraire les besoins des individus, une sorte de traduction des discours.