vendredi 24 février 2012

Châtions les mauvais Hellènes !

Pierre Pestieau

J’ai beaucoup aimé l’étude du grec pendant mes six années à l’école secondaire. De là à regretter qu’il ne soit plus enseigné aujourd’hui, il y a un Styx que je ne franchirais pas, si ce n’est que cela me permet de reprendre mes jeunes collègues lorsqu’ils écrivent sur le tableau un epsilon qu’ils appellent êta (1). Plus sérieusement le profil des étudiants actuels est totalement différent de celui qui régnait dans les années soixante. S’il fallait insister sur une matière, je privilégierais davantage l’histoire, l’histoire des civilisations bien plus que celles des guerres. Quant au concours de culture générale de Sciences Po, rappelons qu’il ne concerne qu’une infime minorité appelée à rejoindre la nomenklatura et que l’objectif est d’en rendre l’accès plus démocratique.

Victor soulève une autre question; nous aurions une obligation morale et partant financière à l’égard de ce pays. Je ne tomberai pas dans le travers de ces bourgeoises anglaises qui dans Tea with Mussolini s’interrogeaient sur le lien ténu qu’il pouvait y avoir entre les magnifiques fresques toscanes qu’elles tentaient de rafraîchir et les rustres ouvriers qu’elles employaient. Je pense simplement que son passé ne donne pas plus de droits à la Grèce qu’au Portugal, pour prendre l’exemple d’un pays en difficulté mais avec un patrimoine moins glorieux.

Venons en à la question économique. Je dois dès l’abord avouer que je n’appréhende qu’imparfaitement la complexité du problème grec et encore moins les remèdes qui s’imposent. Deux commentaires. D’abord, lançons nous dans un exercice de politique fiction et supposons que la Flandre vienne de larguer la Wallonie qui se trouve forcée à prendre son indépendance. La pauvre ne parvient pas à équilibrer son budget, d’autant qu’une partie de ses forces vives échappent à l’impôt : fraude fiscale, fuite des capitaux, délocalisations. Les agences de notation déclassent la Wallonie obligée de réduire le salaire de ses fonctionnaires et les allocations sociales et d’augmenter les impôts qui ne touchent que la classe moyenne. Plongés dans cette situation, nous pourrions difficilement éviter la frustration et la colère à l’égard de compatriotes plus soucieux de tirer leur épingle du jeu, voire de quitter le bateau que de contribuer à son sauvetage et nous trouverions intolérables l’arrogance des organisations internationales et autres pays « amis », plus conseilleurs que payeurs (2).

Deuxième commentaire, on peut légitimement critiquer le rôle joué par les agences de notation, la Commission Européenne, le Fond Monétaire International et la Banque Centrale Européenne. Il demeure qu’une partie des dysfonctionnements dénoncés sont avant tout imputables à la société grecque elle-même. Dans le désordre, je citerais les exonérations fiscales dont bénéficient les Eglises, l’évasion et la fraude fiscale des classes aisées, avec en première ligne les armateurs, les morts qui continuent de toucher des retraites et qui votent aussi sans doute, la corruption des élites. Comment remédier à ces défaillances de la démocratie ? En retournant à l’étymologie de ce mot, en rendant le pouvoir au peuple. Mais en écrivant cela, je donne un conseil aussi utile que celui que l’on me donnait enfant : Pour attraper un oiseau, il suffit de déposer une pincée de sel sur sa queue.

(1) Ou d’évoquer avec nostalgie cette blague de potache inspirée d’une citation de Xénophon: Ils ne prirent pas la ville, car ils n’avaient pas l’espoir de la prendre, qui phonétiquement donne Ouk élabon polin, alla gar elpis éphè kaka, soit : Où qu’est la bonne Pauline ? A la gare…

(2) Ajoutons que nos Arthur Masson et autre Maurice Carême ne font pas le poids à côté des Platon, Sophocle, Aristote, Euripide,…

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