jeudi 27 septembre 2012

De plus en plus de Belges travaillent au-delà de l’âge de 65 ans


Victor Ginsburgh

Le titre est une copie de celui de l’article publié par la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) ce 25 septembre 2012 (1).

Il y a quelque 12 ans, cinq professeurs faisant partie de cinq universités de toutes les obédiences philosophiques et linguistiques belges possibles et imaginables (2) publiaient un ouvrage collectif (3) sur l’avenir des retraites en Belgique. Certains des auteurs ont à l’époque osé suggérer de repousser l’âge de la retraite à 66 ans en 2005, 67 en 2012 et 68 ans en 2020, tout en accompagnant cette mesure par d’autres, permettant ainsi de réduire la dette publique qui à l’époque s’élevait à quelque 110% du PIB et, par conséquent, la charge fiscale sur les salaires. D’autres proposaient de passer lentement mais sûrement d’un système de répartition — les actifs paient la pension des retraités — à un système par capitalisation — dans lequel les actifs financent, en tout cas en partie, comme c’est le cas aux Pays-Bas, leur propre retraite le jour où, immanquablement, elle arrive.

La bonne nouvelle pour les auteurs de ces propositions est qu’ils ont été interviewés et cités maintes fois dans les journaux de toutes les obédiences philosophiques et linguistiques, à l’image des universités dans lesquelles ils travaillaient. Déjà à l’époque, certains journaux (dont Le Soir du 23.10.2000) parlaient de « révolution copernicienne ». Rien de neuf donc dans le terme utilisé plus récemment par nos politiciens.

Les mauvaises nouvelles ont été les réactions politiques de l’époque. Le Bureau du Plan estime que le coût du vieillissement peut être supporté  « en s’appuyant sur les marges dégagées par l’effet boule de neige inversé résultant du désendettement » (L’Echo du 25.8.2000) et considère que « l’étude est pessimiste ». Le Ministre du budget propose plutôt un fonds de vieillissement qui pourrait dépasser plus de 4700 milliards de FB (120 milliards d’euros) en 2030 (L’Echo)—ce fonds n’a évidemment jamais vu le jour. La FEB doute de l’efficacité de la révision de l’âge de la pension (L’Echo). Les organisations syndicales sont prudentes, pas vraiment opposées, mais suggèrent des mesures d’accompagnement (L’Echo). Un sondage effectué à l’époque en Flandre indique que 85% des salariés opteraient plutôt pour un abaissement de l’âge de la pension à 57-59 ans. Frank Vandenbroeke, Ministre des Pensions traite l’idée d’absurde et risible (Het Laatste Niews, 31.8.2000). Le Soir en ligne du 9.4.2000 (oui, il existait déjà en 2000) titre « Les bâtards du big bang. L’avenir des pensions ressuscite les chimères du capitalisme populaire » et écrit que « les hypothèses d’amorçage, toujours hautement conjecturelles conditionnent étroitement l’issue ». Il s’agit « du fruit d’un travail d’économistes dont la méthodologie réductrice passe sous silence d’immenses pans du réel. »

Et puis il y a aussi la lettre du 5 septembre 2000 que Monsieur et Madame C., deux retraités en colère (contre ceux qui proposaient une telle mesure) adressent au Ministre des Pensions. Avec copie au recteur d’une des universités dans laquelle les auteurs des propositions travaillent.

L’article de la RTBF du 25 septembre 2012 commence par la phrase suivante : « Travailler à l’âge de la retraite, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir le faire en Belgique, même si on a du mal à mettre un chiffre sur ce phénomène. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une demande aussi bien du côté des entreprises que du côté des 65 ans et plus ». Et conclut par l’exemple de Simone, 66 ans, qui explique que « quand j’ai reçu la lettre de l’Office des Pensions, je me suis dit que je vais encore un peu travailler ».

Serait-ce celle qui avait écrit en 2000 sa colère au ministre et au recteur et qui traitait les chercheurs d’« être inhumains ou inconscients » ?

(2) Il n’y a heureusement pas d’enseignement universitaire en allemand, sans quoi il aurait fallu rajouter deux universités à notre panoplie, une catholique et une non-catholique.
(3) Pierre Pestieau (Ulg), Louis Gevers (FUNDP), Victor Ginsburgh (ULB), Erik Schokkaert (KUL) et Bea Cantillon (UFSIA), Réflexions sur l'avenir de nos retraites, Leuven: Garant, 2000.

1 commentaire:

  1. Le débat répartition / capitalisation est un faux débat. En effet la richesse nationale est constituée principalement par le travail des actifs (et marginalement par les ressources minières comme le pétrole ou les ressources immatérielles comme la propriété intellectuelle). Que l'on paye les retraites à travers des cotisations sur les salaires ou à travers des dividendes et coupons d'intérêt payés par les entreprises à des fonds de pension ne change ni la taille totale du gateau ni le nombre de personnes à nourrir avec ce gâteau. Eventuellement ça peut changer les règles de répartition et donc les inégalités, mais ça ne peut en aucun cas résoudre des problèmes comme le vieillissement massif de la population.

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