Pierre
Pestieau
Un
fait divers comme on peut les aimer, en ce sens qu’il résume merveilleusement à
lui seul une partie de la problématique de la dépendance.
Le
lieu : la maison de retraite la Villa Beausoleil, à Chaville, dans les
Hauts-de-Seine.
Le tarif de base : 124 euros par jour, soit 3720
euros par mois.
La victime : une dame âgée de 94 ans
qui y vit depuis deux ans. Sa pension n’est pas anodine : 2 700 euros par
mois. Elle souffre de dépendance
lourde.
Sa
famille : deux fils, l’un est médecin, l’autre gestionnaire de biens.
L’incident : vendredi 4 janvier,
lassée d’accumuler des arriérés de factures non payés (plus de
40.000 euros), la direction du lieu a mis à la porte cette résidente,
pour finalement l’abandonner aux urgences de l’hôpital de Châteaudun
(Eure-et-Loir), après avoir trouvé porte close chez un de ses fils. Visiblement
les deux fils qui ne s’entendent pas faisaient la sourde oreille ;
plusieurs recommandés leur avaient été envoyés.
Comme
souvent suite à de tels incidents, pour lesquels nous ne disposons que d’une
information partielle, l’opinion prend parti dans une direction qui n’est pas
toujours prévisible. En l’occurrence, ma première lecture des réactions politiques
et médiatiques va dans le sens d’une condamnation de la maison de retraite et
pas des enfants. « C’est une violation du droit et de la dignité humaine»,
a réagi aussitôt la ministre chargée des Personnes âgées, obligeant ainsi la
maison de retraite à proposer de réintégrer la résidente.
Au
cours des semaines suivantes, on en apprendra plus sur les aspects financiers,
médicaux et légaux de cette affaire. Il est possible que l’opinion change et se
mette à charger les deux fils.
Les
sommes citées ne sont pas surprenantes. La pension de cette dame est
certainement supérieure à la moyenne ; le prix de la maison de retraite
est raisonnable ; si la solidarité familiale fonctionnait, la différence
entre ce prix et la pension aurait pu être couverte par les deux fils. Il est
normal que les mécanismes d’assistance publique ne jouent pas ici. Ils sont
censés s’adresser à des situations plus dramatiques.
Dans
la plupart des pays, les enfants ont l’obligation légale, sans parler d’obligation
morale, de venir en aide à leurs parents dans ce type de situation. Cette obligation
est d’autant plus légitime en l’espèce que leurs situations professionnelles le
leur permettent et que de surcroît il existe un patrimoine familial dont ils pourront
hériter à terme. Malheureusement, il est difficile pour des raisons légales
mais aussi politiques de mettre en application cette obligation. Il semblerait
qu’en France comme ailleurs la famille n’hésite pas à « jouer la
montre », c’est à dire à ne pas payer son dû si elle s’attend à une mort
proche de leur parent dépendant. Un peu comme ces locataires qui à la veille de
quitter le pays ne payent plus leur loyer sachant qu’ils agissent ainsi en
toute impunité.
On
voit ici l’urgence d’un mécanisme d’assurance dépendance qui permettrait d’éviter
ce genre de situation. A défaut, ou simultanément, il faudrait que les
tribunaux aient la possibilité de forcer les enfants qui le peuvent à aider
leurs parents dépendants surtout quand ils ont déjà bénéficié de donations et
qu’à terme ils hériteront du reste.
"Dans la plupart des pays, les enfants ont l’obligation légale, sans parler d’obligation morale, de venir en aide à leurs parents dans ce type de situation" Oui, mais dans tous les pays, la maltraitance des personnes âgées concerne 1 personne sur 8. Idem pour les enfants battus, les femmes battues, le harcèlement moral en entreprise et probablement une part des perversion sexuelles. La société couvre tant bien que mal, c'est-à-dire qu'il y a de bonnes âmes qui payent pour ceux dont la cervelle morale n'est pas plus développée qu'un petit pois. Cf. par exemple les stat. du Capam http://www.capam.be/statistiques.html
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