mercredi 6 mai 2015

Tiens, la société d’auteur Sabam est de retour

Victor Ginsburgh


Partie de scrabble

Ce 28 avril 2015, je déjeunais avec un vieil ami avocat qui me « reprochait » de ne plus rien écrire sur les sociétés d’auteur, par exemple la Sabam. Ou encore, la société française d’escroquerie, dont je n’ose pas citer le nom ni l’acronyme de peur que, comme il y a quelques années, une lettre de leur avocat — qui enseigne dans la même université que moi, donc un de mes chers collègues, qui n’est pas l’ami que je cite plus haut — demande au recteur de prendre des sanctions contre moi, ce que ce dernier n’a évidemment pas fait.


Ne voilà-t-il pas que le lendemain, 29 avril, et par le plus grand des hasards — ce qui veut dire que les hasards de la Sabam sont fréquents — je tombe en arrêt devant un article publié par L’Echo (1) sur un rebondissement d’une vieille histoire de la Sabam. En 2005, a tout simplement prélevé € 7 millions dans le jackpot de €12,7 millions de droits non attribuables pour alimenter le fonds de pension « de ceux parmi ses administrateurs qui ont droit à l’éméritat », comme le dit joliment L’Echo. Il faut savoir que les droits non attribuables sont ceux qui devraient être versés aux artistes dont on ne retrouve pas l’adresse. Ce qui peut évidemment arriver, et c’est en effet arrivé à une société d’auteur française qui ne trouvait plus les adresses de Charles Bronson et de Sean Connery (2). Je n’ose pas citer le nom de la société, on ne sait jamais, les avocats et parfois néanmoins collègues veillent jour et nuit sur les biens et les sous de leurs clients, comme sur les leurs d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, c’est quoi les artistes et leur poids comparé à celui des administrateurs émérites ?

La direction générale de l’Inspection économique (SPF Economie) a néanmoins contesté en 2009 la « manip » de la Sabam en y voyant « une forme de détournement de fonds » écrit L’Echo. Et publie un « manquement », évidemment contesté par la Sabam, qui estime que cette « sanction grave » pourrait porter atteinte à sa réputation. Quelle réputation ? La Sabam intente un procès à la SPF Economie. Elle gagne en première instance, mais perd en appel par un arrêt récent qui dit à peu près ce que je viens d’écrire, sans juger sur le fond.

Du coup, la même Inspection économique (SPF Economie) s’est sentie libre, il y a quelques jours, de publier un « manquement » adressé à la Sabam qui a fait dire à son directeur général que « la cour d’appel n’a pas dit qu’on ait fait quoi que ce soit d’illégal. Nous sommes droits dans nos bottes. Nous étudions les voies de recours possibles ». Un monsieur qui n’est pas vite gêné dans ses bottes, les artistes doivent se le tenir pour dit, une fois pour toutes, et devraient mettre des bottes pour lui botter le c… Comme les internautes d’ailleurs, puisque cette chère société part en guerre contre ceux qui renvoient par des liens vers des œuvres mises à disposition du public par You Tube par exemple. Ce qui a, par ailleurs, été autorisé par la Cour européenne de justice en 2014. Pas de chance.

La société vient en outre de perdre son procès contre les opérateurs d’internet (3) auxquels elle réclamait 3,4% (à partir d’un calcul sans doute aussi subtil que celui des €7 millions dont question plus haut) des recettes tirées de la vente des abonnements à l’internet.

Pauvres administrateurs émérites. Pauvre Sabam.

Cet article a également été publié sur les site de la RTBF Opinions le 4 mai 2015

(1) Michel Lauwers, Les pensions extra-légales des patrons de la Sabam en question, L’Echo, 29 avril 2015 http://www.lecho.be/entreprises/divertissement/Les_pensions_extra_legales_des_patrons_de_la_Sabam_en_question.9627516-3057.art

(2) Le Canard Enchaîné, 8 octobre 1997. Excusez-moi si vous m’avez déjà lu sur cette question, mais c’est tellement gros, que cela vaut d’être dit et redit.

1 commentaire:

  1. Bravo Victor,
    J'adore ce genre de commentaire et je confirme m'être trouvé en face de cette société (association) il y a plusieurs années.
    Ils réclamaient un montant à une amie Thailandaise qui avait eu la mauvaise idée d'ouvrir un restaurant dans lequel aucune musique n'était diffusée. Ils avaient simplement relevé le nombre de mètre carrés du restaurant, multiplié par un coefficient. Elle a mis un certain temps à s'en remettre. Heureusement, nous avons pu les arrêter mais je suis convaincu que d'autres ont payé pour éviter les ennuis. Amitiés. Pierre

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