mercredi 3 avril 2019

Un impôt sur la richesse. Est-ce une si bonne idée ?

Pierre Pestieau

Alors que la France vient d’abandonner son impôt sur la richesse, l’ISF, les démocrates américains, à commencer par la sénatrice Elizabeth Warren, osent prôner une fiscalité plus sévère pour les riches, et surtout les super-riches. Longtemps les démocrates à la Clinton, mari et femme, se sont montrés prudents en matière de hausses d’impôt pour ne pas choquer les foyers à double revenu des grandes métropoles, leurs électeurs traditionnels. Cela semble avoir changé. Une nouvelle génération d’élus du Congrès, dont certains briguent la Maison-Blanche, ont pris la mesure des criantes inégalités de richesse que connaissent les Etats Unis. Ils veulent de ce fait introduire un impôt annuel sur les grandes fortunes. Ce revirement s’explique aussi par un rejet de la réforme fiscale de Donald Trump qui, sans surprise, favorise les super-riches.


La question de la pertinence d’un impôt annuel sur la fortune s’impose donc. Commençons par les faits. Si l’on prend les pays industrialisés, il y en avait 12 il y a une quinzaine d’années qui avaient cet impôt, mais on n’en compte plus que trois aujourd’hui : la Suisse, la Norvège et l’Espagne. Et il faut noter que le rendement est extrêmement faible.

Par ailleurs, si l’on s’intéresse au grand public, on s’aperçoit qu’à choisir, il préfère un impôt annuel du patrimoine à une hausse des droits de succession. C’est ce que révèlent notamment des enquêtes d’opinion aux Etats Unis et en France.

Il existe trois façons d’imposer le patrimoine. On peut taxer les revenus du capital, on peut imposer le capital annuellement et on peut taxer les transferts entre générations, soit les donations entre vifs, soit les legs. Ces trois formes d’imposition ont leurs avantages et leurs défauts. Si l’objectif est d’assurer une meilleure répartition du patrimoine au moindre coût, il semble que l’idéal est de s’appuyer conjointement sur une imposition des revenus du capital et sur les droits de succession. C’est en tout cas ce que nous enseigne l’économie publique. Par moindre coût, on entend bien sur les coûts de recouvrement de l’impôt, mais surtout les effets désincitatifs qu’il peut avoir sur l’activité économique : baisse de l’investissement, fuite des capitaux, etc. Cette proposition appelle une réserve. Elle sous-entend que l’on élargisse la base de ces deux impôts afin d’éviter des iniquités horizontales, à savoir un traitement différent de contribuables également fortunés. Un impôt sur le patrimoine n’ajouterait rien et sa collecte serait inutilement coûteuse.

Tout cela veut-il dire qu’Emmanuel Macron a eu raison de supprimer l’ISF ? Certainement pas. Car une mesure peut ne pas être bonne à prendre mais une fois prise, il vaut mieux la maintenir.

Ce qui me rappelle une réflexion du regretté économiste Tony Atkinson. A la question « Crois-tu que l’entrée du Royaume Uni dans l’Union Européenne était une bonne décision ? » me répondit, il y 46 ans de cela : « Non, mais maintenant que nous y sommes, nous devons y rester. »

Dans le cas de l’ISF, il y a une symbolique pro-riche d’autant plus forte que sa suppression fut une des premières mesures prises par le nouveau président français.


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