jeudi 11 février 2021

Faut-il réformer la sécurité sociale à la lumière du covid-19 ?

Pierre Pestieau

La réponse à cette question est bien sûr affirmative mais l’important est le comment. Il faut dès l’abord distinguer deux type de réformes. Il y a celles dont il était déjà question avant mars 2020 et il y en a qui seraient motivées par la crainte de nouvelles pandémies. Avant mars 2020, il semble que la Belgique était dotée d’un bon système de santé par comparaison avec les pays voisins et étant donnée la part du revenu national qui lui était consacrée. Il y avait certainement des améliorations possibles : une meilleure rémunération du personnel soignant (à l’exception des médecins), davantage d’équité dans l’accessibilité aux soins, part trop importante des dépenses à charge du patient. Dans l’ensemble la capacité hospitalière paraissait suffisante. Survient la pandémie dont il est prématuré de faire le bilan. On peut cependant dire qu’elle a entrainé un surcroît de travail pour le personnel soignant, une menace constante d’engorgement des hôpitaux et surtout des services de soins intensifs, et un taux de mortalité insupportable dans les maisons de repos et de soins (plus de 60% des morts covid). Du point de vue de la décision politique, il y a eu une inévitable impréparation et beaucoup d’improvisation. On a assisté à certaines incohérences dues à notre mille-feuille institutionnel avec comme exemple frappant nos neuf ministres de la santé. Il demeure que dans l’ensemble, la politique de confinement a pleinement joué son rôle. A ce jour le covid est responsable de 20.700 morts. Sans le confinement et sans notre système de santé, ce nombre aurait été multiplié par plus de 10 (1).

A supposer que la pandémie disparaisse progressivement à partir de cet été, que faut-il faire pour se préparer à une autre pandémie dont l’intensité et la date sont incertaines ? L’analogie avec la guerre est tentante. La guerre est aussi une catastrophe qui peut se produire à un moment et une intensité imprévisibles. Pour la devancer, les pays peuvent en principe compter sur une armée de réserve, un stock de munitions et de carburant et sur les pays amis avec lesquels on partage des pactes de solidarité. Pour faire face à une éventuelle nouvelle pandémie, on devrait songer à créer une réserve de personnel soignant parmi les retraités et les étudiants, des réserves de médicaments et d’équipements et bien évidemment développer des accords internationaux. Certes on ne peut tout prévoir, mais qui sait ce que nous réserve la prochaine pandémie ?

La Belgique occupe la place peu enviable du pays où le taux de mortalité covid est le plus élevé. On notera en passant que certain états américains tel que le New Jersey font encore «  mieux ». Un autre système de santé aurait-il permis de réduire ce bilan désastreux ? C’est peu probable. Il est trop tôt pour trouver les raisons de cette surmortalité. On peut citer comme facteurs explicatifs la densité et l’habitat, un certain manque de civisme à l’égard des gestes barrières, l’impréparation des maisons de repos et de soins et, enfin, l’état de santé de la population âgée. En revanche ce qui a permis d’éviter un bilan plus lourd est sans nul doute le lockdown qui a sauvé des vies mais a coûté leur emploi à beaucoup d’actifs.

Jusqu’ici il n’a été question que de la branche maladie de la sécurité sociale. Dans la mesure où la pandémie oblige un pays à un décrochage de son activité économique, l’assurance chômage est mise à contribution. Il est important ici que soient prévues des interventions qui ne font pas nécessairement partie de ses habitudes. On pense ici à l’assistance apportée aux jeunes et aux indépendants. On le voit à l’occasion du covid ; l’État a déployé un sérieux arsenal d’aides qu’il faut améliorer mais qui reste temporaire, en d’autres termes qu’il ne soit utilisé que durant la pandémie. Si tel n’était pas le cas, la viabilité de notre protection sociale pourrait être compromise. Ici comme pour la santé, à situation de crise, solution de crise. Quand la crise est passée, il importe de retourner à la normale, tout en restant vigilant.

(1). Flaxman, S., Mishra, S., Gandy, A., Unwin, H. J. T., Mellan, T. A., Coupland, H., et al. (2020), A Commentary on estimating the effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in Europe, Nature 584, 257–261.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire