jeudi 13 janvier 2022

Le délire de l’immortalité

Pierre Pestieau

 

L'Obs a consacré récemment trois articles à une série de projets « scientifiques » visant à rendre l’homme immortel (1). Les trois titres sont éloquents : L’âge est-il une maladie à guérir ? L’ère des « cyborgs » a-t-elle commencé ? L’idée folle de résurrection grâce a la technologie ? Les trois articles vont crescendo dans le délire. Le premier, somme toute raisonnable, est consacré à l’idée de prolonger la vie au-delà de l’horizon de 120 ans qui est généralement accepté. Les sous-titres sont parlants : Trois ans gagnés en huit semaines. Des gènes de jouvence ? L’homme qui voulait guérir la vieillesse. Le second présente le corps humain comme une voiture, soit un assemblages de pièces qui peuvent être remplacées. Ici aussi les sous-titres illustrent bien le propos : Un avenir robotique ? Les technologies qui permettront de fabriquer des corps - et des cerveaux - artificiels ont déjà débuté ! Les humains vont avoir de nouveaux corps. Comme la main de Luke Skywalker. Enfin, le troisième s’attaque à la possibilité de l’immortalité avec comme sous-titres : Demain, tous congelés ? Et si votre double numérique vous survivait dans un monde virtuel ? Découper le cerveau en tranches. Premières résurrections en 2 600 ? Des ressuscités déracinés. La résurrection pour tous.


Quatre raisons derrière mon irritation face à ce type de littérature. D’abord, elle semble irréaliste quand on observe les difficultés de la médecine actuelle à soigner les maladies qui nous empêchent de vivre normalement. Ensuite, on voit bien qu’elle s’adresse aux super riches , ceux-là-mêmes qui s’offrent des voyagent dans l’espace et rêvent de jouir de leur richesse indéfiniment. Même dans Star Wars, je ne crois pas que le résistant lambda ait pu bénéficier de la prothèse de Luke. Et puis, elle semble incongrue alors mêmes que des rapports alarmants nous rappellent que la terre s’approche lentement mais surement de son terme et que sa fin sera douloureuse pour l’humanité. Enfin, une partie des recherches que recensent ces articles viennent de laboratoires universitaires, ce qui en accrédite le sérieux. Certes, mais il faut rappeler que les antivax et les climato-sceptiques (pardon on doit dire climato-réalistes) s’appuient sur les travaux d’universitaires. 


Il est bon de retourner aux classiques et notamment à deux dystopies (2) qui illustrent la tragédie que provoquerait l’immortalité, qu’elle concerne un individu ou la société. Saramago (3) nous montre les conséquences insoutenables d’une immortalité qui frapperait tout un pays. Borges (4) raconte l’errance d’un Romain qui a servi dans les armées de César et a trouvé un fleuve qui lui donne l'immortalité. Il passera des siècles à chercher le ruisseau qui pourra le rendre à nouveau mortel. 

 

(1). https://www.nouvelobs.com/sciences/20211220.OBS52369/l-age-est-il-une-maladie-a-guerir.html
https://www.nouvelobs.com/sciences/20211221.OBS52397/l-ere-des-cyborgs-a-t-elle-deja-commence.html
https://www.nouvelobs.com/sciences/20211222.OBS52429/l-idee-folle-de-la-resurrection-grace-a-la-technologie.html
(2). Voir blog du 3 juin 2021.
(3). José Saramago, Les intermittences de la mort, Paris : Le Seuil, 2008.
(4). Jorge Luis Borges, L’immortel dans Aleph, Paris : Gallimard, 1966.


1 commentaire:

  1. A titre d'exemple pour illustrer les affres de l'immortalité, on peut rajouter le quatrième voyage de Gulliver.

    Michel Lubrano

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