jeudi 14 avril 2022

La voiture électrique et le CO2. Un leurre ?

Pierre Pestieau

Il existe aujourd’hui un engouement inconsidéré pour la voiture électrique et la récente hausse des carburants consécutive à l’invasion de l’Ukraine n’a fait que renforcer le mouvement. Est-ce vraiment raisonnable ? En outre, est-il souhaitable que les pouvoirs publics encouragent cette orientation ?

Aidées un peu partout dans le monde, les ventes de voitures électriques ont plus que doublé en un an pour atteindre environ 4,4 millions d'unités. La Chine représente de loin le plus grand marché en volume, le pays ayant écoulé à lui seul 2,9 millions d'unités. En France et en Belgique aussi, le marché est actif, les ventes volant de record en record. L’objectif est clair : faire disparaître de nos paysages urbains et ruraux les voitures à moteur thermique. Pour arrêter de polluer, il suffirait donc de changer de voitures. Pas si simple. Pour évaluer l’impact environnemental de la voiture électrique, il importe de regarder l’ensemble du processus de production, de consommation et de recyclage.



La différence fondamentale entre les voitures thermiques classiques et les voitures électriques réside dans le processus de transformation de l'énergie potentielle (stockée) en énergie cinétique (mouvement). Dans les voitures thermiques, cette énergie est stockée sous une forme chimique et est libérée par une réaction chimique à l'intérieur du moteur. En revanche, bien que l'énergie soit également stockée sous forme chimique, les voitures électriques la libèrent par voie électrochimique sans aucune forme de combustion, grâce à des batteries lithium. Cela signifie qu'il n'y a pas de pollution atmosphérique par le CO2 pendant la conduite. Les voitures électriques seraient donc plus écologiques ?

Pas nécessairement. Si la source d'énergie pour alimenter ces voitures ne provient pas de panneaux solaires, d'éoliennes ou même de centrales nucléaires ou hydroélectriques, leurs émissions de CO2 seront beaucoup plus élevées. Par exemple, si l'électricité utilisée pour recharger les voitures provient de la combustion de combustibles fossiles, il importe peu que les voitures électriques ne polluent pas pendant qu'elles roulent, car cette pollution a déjà été libérée dans une centrale électrique éloignée. Cela signifie que si vous conduisez une voiture électrique aux Etats-Unis ou en Pologne, où les combustibles fossiles représentent près des 2/3 de la production énergétique du pays, vous rejetterez probablement plus de CO2 dans l'atmosphère que si vous la conduisez en Islande ou en Norvège, qui fonctionnent presque entièrement grâce à l'énergie hydraulique, géothermique et solaire.

Et même si les voitures électriques étaient alimentées à 100 % par des énergies renouvelables ou propres, elles ne seraient pas nécessairement écologiquement irréprochables du fait de la manière dont elles sont fabriquées et dont leurs batteries sont recyclées.


Il semblerait qu’à la fin du processus de fabrication, les voitures électriques génèrent plus d'émissions de carbone que les voitures traditionnelles. En effet les voitures électriques stockent l'énergie dans de grandes batteries (plus elles sont grandes, plus leur autonomie est importante) qui ont un coût environnemental élevé. Ces batteries sont fabriquées à partir d'éléments de terres rares comme le lithium qui n'existent que sous la surface de la Terre et dépendent donc d'activités minières aux processus très polluants. C'est pourquoi la question de savoir si les voitures électriques sont plus écologiques ou non n'a pas de réponse facile.

Par exemple, pour produire une tonne d'éléments de terres rares, 75 tonnes de déchets acides (qui ne sont pas toujours traités de la bonne manière) et une tonne de résidus radioactifs sont également produits. Outre le poids des terres rares, l'énergie utilisée pour produire les batteries elles-mêmes est également responsable de près de la moitié de leur impact environnemental, car la plupart de cette énergie ne provient pas de sources à faible teneur en carbone.

Dans l'industrie automobile conventionnelle, les batteries au plomb sont recyclées. Ce n'est pas le cas des batteries de lithium qui ont un mélange très spécifique de composants chimiques et de faibles quantités de lithium, ce qui n'en fait pas un marché attractif. La plupart des batteries sont soit incinérées, soit mises en décharge. Il faut cependant parier que dans les prochaines années, une industrie solide de recyclage de ces batteries se développe, permettant aux voitures électriques de devenir plus écologiques.

En conclusion, il faut bien admettre que s’engouffrer dans l’électrique c’est mettre en quelque sorte la charrue avant les bœufs. Sans le préalable d’un mix électrique 100% décarboné, cela ne sert à l’utilisateur qu’à s’acheter de la bonne conscience en trompe-l’œil, sur le dos d’une planète toujours plus carbonée.

2 commentaires:

  1. Bien dit. ceci dit le frottement des roues et engendrés par les freins produit aussi des particules, pollution locale. Ne pas oublier la demande induite et la VA.

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  2. Pour un bref complement d'information et un regard un peu plus postif sur l'electrique: https://climate.mit.edu/ask-mit/how-much-co2-emitted-manufacturing-batteries

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