jeudi 29 août 2024

Réussir sa fin de vie *

 Pierre Pestieau

« Dieu est mort, Nietzsche est mort et moi-même, je ne me sens pas très bien » Woody Allen.

 

L'expression fin de vie est on ne peut pas plus ambiguë. A quel moment peut-on parler de fin de vie ? Pour un jeune adulte qui meurt dans un accident de la route, elle ne dure qu’un instant. Pour une personne souffrant de ce qu’on appelle pudiquement une longue maladie, elle peut durer des mois, voire des années. Dans de nombreux pays, on parle de fin de vie lorsqu’il n’y a plus d’espoir. A partir de là, s’enclenche un programme de soins qui prend une autre nature et offre un mode de remboursement extrêmement généreux. On a donc deux définitions de la fin de vie. Soit elle commence lorsqu’il n’y a plus d’espoir, ce qui n’empêche pas de recourir à des traitements plus ou moins agressifs visant à prolonger la vie. Soit elle commence lorsque le patient entre dans un programme de soins palliatifs ou tout autre programme apparenté. Cette dernière définition est plus restrictive. On notera que dans certains pays anglo-saxons, les termes soins de fin de vie (End Of Life, EOL) et soins palliatifs sont interchangeables.

 

 

La période qui précède l’admission en soins palliatifs est parfois un temps où la famille et les médecins peuvent être tentés pour des raisons différentes de prolonger la vie parfois au prix de souffrances insupportables pour le patient et des coûts élevés pour les familles. Dans la plupart des pays, la phase des soins palliatifs que ce soit à la maison ou en institution est intégralement remboursée par la sécurité sociale. En revanche, avant cette phase, le reste à charge peut être important. En d’autres termes, l’acharnement thérapeutique entraine souffrance et dépenses.

 

Nombreux sont ceux qui, surtout à des âges avancés, souhaitent éviter l’acharnement thérapeutique. Cela n’est pas toujours possible pour deux raisons. D’abord, la ligne de démarcation entre acharnement thérapeutique et soins palliatifs n’est pas toujours claire. Ensuite, certains médecins, plus dans un pays comme les États-Unis qu’en Belgique ou aux Pays-Bas prennent le serment d’Hippocrate à la lettre. De ce fait, ils ne veulent pas se résigner à la mort de leur patient tant qu’il y a l’espoir de le garder en vie. C’est d’ailleurs au nom de ce serment qu’ils rechignent, voire s’opposent, à euthanasier leur patient, même là où cela est parfaitement légal et malgré que le patient en formule le désir.

 

En Europe, le recours aux soins palliatifs varie fortement d’un pays à l’autre. La Figure ci-dessous donne la part des personnes ayant eu recours à des soins palliatif pour un échantillon de pays. On observe une variation allant de 18% en Autriche à 52% en Grèce pour les personnes mourant à plus de 64 ans.

 

Part des personnes ayant eu recours à des soins palliatifs avant de décéder à l'âge de 65 ans ou plus, 2017-2019

 















Source : Enquête SHARE, vagues 7 et 8

 

Même dans les pays les plus ouverts à favoriser une fin de vie qui soit la moins douloureuse  possible, il reste beaucoup à faire. Les dépenses de santé deviennent insoutenables pour l’Etat. Il faudrait donc dans les prochaines années accroitre les investissements en soins palliatifs et modifier l’approche traditionnelle qui trop souvent conduit à l’acharnement thérapeutique. Cette orientation nouvelle aurait un triple avantage. Elle permettrait de réduire les déficits de la sécurité sociale. Elle soulagerait les familles de dépenses dont elles se passeraient bien en cette période difficile. Enfin et surtout, elle permettrait d’éviter des souffrances inutiles.



* Ce blog reprend des idées publiées dans Comment gérer la fin de vie ? Les dispositions adoptées dans les pays industrialisés, par Sergio Perelman et Pierre Pestieau, Futuribles, 45-59, 2024.

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