jeudi 12 septembre 2024

L’IA est-elle de droite ?

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Pierre Pestieau


Chat GPT qui est un avatar de l’IA est-il de droite ? Il n’est en tout cas pas extrémiste en ce sens qu’il ne fait que refléter la pensée dominante sans esprit critique. Un de mes collègues a récemment demandé à Chat GPT si la protection de l’environnement était compatible avec la croissance, lui précisant qu’il était économiste (1). Le logiciel a parcouru tous les documents émanant d'économistes ou de journalistes économiques traitant cette question et a finalement reproduit la doxa dominante qui se résume en peu de mots : bien sûr que la protection de l’environnement est compatible avec la croissance à condition de faire attention. 
Il a soumis cette réponse à ses étudiants d’une École de Commerce en leur demandant d’en donner une évaluation critique. Il a été peiné de constater que la totalité des réponses étaient en plein accord avec Chat GPT, considéré comme un humain ayant réfléchi à la question, les étudiants dans leurs copies ne faisant que paraphraser la réponse de l’IA.

Pour en avoir le cœur net, j’ai posé la question de ce blog à Chat GPT. La réponse était on ne peut plus attendue : 

L'affirmation selon laquelle l'intelligence artificielle (IA) serait "de droite" est une simplification qui ne prend pas en compte la complexité de la technologie et de la politique. L'IA, en tant que technologie, n'a pas d'orientation politique intrinsèque. Cependant, son développement, son déploiement et son utilisation peuvent être influencés par des valeurs et des objectifs politiques.




Il demeure que les entreprises et les gouvernements qui investissent dans l'IA peuvent avoir des orientations politiques qui influencent leurs priorités. Les entreprises qui sont naturellement orientées vers le profit vont privilégier des applications de l'IA qui maximisent leurs parts de marché. Elles auront tendance à mettre l'accent sur la liberté de commercer et l'efficacité économique, au détriment des aspects sociaux et environnementaux. L’inverse serait étonnant. En conclusion, l'IA elle-même n'est ni de droite ni de gauche, mais son impact et son utilisation peuvent être, et le seront sûrement, influencés par des considérations politiques et idéologiques.


En outre dans la mesure où elle vise au consensus mou, les valeurs que véhiculent l’IA sont celles du moment présent. Il y a un siècle, ses positions sur l’égalité des genres, le traitement des animaux, la diversité, le colonialisme auraient sans doute été différentes de celles qu’elles révèlent aujourd’hui.





jeudi 5 septembre 2024

Jean Cocteau, oublié ? Oui, un peu !

3 commentaires:

Victor Ginsburgh

Jean Cocteau, artiste bien aimé du temps de notre jeunesse (en tout cas de la mienne), pensait avoir « une mauvaise réputation en tant que dilettante et cette accusation l'a hanté », écrit Kenneth Silver, professeur d’Histoire de l’Art à la New York University. Spécialiste du personnage Cocteau, Silver organise l’exposition Cocteau : La revanche du jongleur. Son oeuvre d’artiste de tous les arts (poète, romancier, dramaturge, acteur, directeur de films, et critique d’art) est affichée à la Guggenheim Collection à Venise (*).

 

Jean Cocteau, Le voilà sans le moindre doute


Le voilà sans le moindre doute et le moins qu’on puisse dire de lui, c’est qu’il était bizarre, mais je me rappelle avoir lu avec grand plaisir certains de ses « romans » dont peut-être les mieux connus sont Les Enfants TerriblesLe Grand Ecart, suivi de Orphée » et d’autres que j’avais lus avant mon arrivée en Europe en 1957, mais ils ne m’ont pas tous suivi.

 

Il faut se rappeler aussi que c’était une époque de grands ou moins grands noms, dont le premier grand était son compagnon : Jean Marais. Mais il y avait aussi, en ces temps, Jean Anouilh, George Auric, Giorgio de Chirico, Paul Claudel, Marcel Duchamp, Arthur Honegger, Igor Markevitch, Darius Milhaud, Edith Piaf, Francis Poulenc, Raymond Radiguet, Igor Stravinsky et bien d’autres. 

 

De nos jours, il faut également souligner son homosexualité et sa liaison avec Jean Marais dont, ni l’un ni l’autre ne se cachaient d’ailleurs, à travers leurs dessins d'hommes nus dans des moments d'intimité. Aucun n'avait peur de soumettre la forme masculine au même genre de regard érotisé auquel les modèles féminins sont si souvent soumis. 


En effet, les expériences de Cocteau en tant qu'homme gay, et en tant que figure croisée entre l'establishment parisien dans lequel il est né et l'avant-garde, résonnent avec l'exploration des « outsiders » dans la 60e exposition internationale d'art de la Biennale de Venise, intitulée Foreigners Everywhere. L’exposition est visible jusqu'au 24 novembre 2024. Elle compte 150 œuvres de Cocteau et s'intéresse à l'exploration de l'amitié entre lui et sa grand-mère, qui inaugure sa première galerie à Londres avec une exposition des dessins de son petit-fils en 1938, sur les conseils de leur ami commun Marcel Duchamp. 

 

Jean Cocteau, Œdipe ou le Carrefour des Trois Routes (1952)


Dans ses mémoires de 1979 Out of This Century, Peggy Guggenheim raconte que « les arrangements pour l'exposition Cocteau ont été plutôt difficiles. Pour lui parler, il fallait aller à son hôtel de la rue de Cambon et essayer de le trouver pendant qu'il était couché au lit, fumant de l'opium ». Cocteau lui a finalement envoyé des dessins de costumes et de meubles qu'il a conçus pour sa pièce de 1937 Les Chevaliers de la Table Ronde, et un énigmatique dessin allégorique au graphite, craie, crayon et sang sur un drap de lit qu'il a fabriqué spécialement pour l'exposition de Peggy Guggenheim. Cette œuvre est intitulée La peur donne des ailes au courage. 

J’ai sous la main ses (et mes) deux livres que, de ce pas je vais relire et espérer qu’ils sont restés ce qu’ils étaient après quelque cent ans.  Ce que j’ai fait en commençant par OrphéeTragédie en un acte et un intervalle, parce que c’était le plus court des textes d’un des deux livres que je possédais. Ce texte date de 1926. Et j’ai eu raison, il n’y avait qu’une petite cinquantaine de pages, et je suis arrivé péniblement de le terminer. Faut dire que ce n’était pas tellement plus beau que la peinture qui précède.

 

Pauvre Jean Cocteau, l’heure est passée…

 

                                                              « Il n’y a pas de précurseurs, il n’existe

                                                                           que des retardataires »


                                                 

                                    

(*) Jean Cocteau, The Juggler’s Revenge, exposition du 13 avril au 16 septembre de la collection de Peggy Guggenheim, à Venise. Pour moi qui ne le savais pas, juggler signifie jongleur. Mais juggler peut aussi signifier tricheur, ce qui me ravit, en tout cas s’il s’appelle Cocteau. Mais, ce n’est pas la fin, parce que juggler se traduit aussi par troubadour ou ménestrel. Je souris, parce que Cocteau pouvait être l’un ou l’autre, selon les jours.