jeudi 19 septembre 2024

Les prisons israéliennes sont une énorme machine à torturer

Résumé par Alex N. Press d’un texte de B’Tselem (*)
Traduit par Victor Ginsburgh

Les prisons israéliennes fonctionnent comme un système de camps de torture. Les Palestiniens détenus par Israël depuis le 7 octobre ont fait de telles déclarations pendant des mois, leurs paroles étayées par une perte de poids extrême après avoir été libérés de la détention israélienne. Aujourd'hui, un rapport obsédant et exhaustif de l'ONG israélienne de défense des droits de l'homme B’Tselem publié cette semaine étaye ces affirmations par des preuves provenant de cinquante-cinq détenus palestiniens après leur libération des prisons israéliennes. La majorité des personnes interrogées n'ont jamais été jugées pour aucun crime.

Le titre du rapport de B’Tselem « Bienvenue en enfer », est une citation d'un soldat israélien. « L'enfer » n'est pas une exagération. Comme le détaille le rapport, les Palestiniens qui sont détenus dans les prisons et les centres de détention israéliens depuis le début de la guerre contre Gaza sont soumis à la torture, aux abus sexuels, à la violence, à l'humiliation, à la famine, à la privation de sommeil et au déni de traitement médical adéquat. Le rapport énumère soixante cas de prisonniers palestiniens morts depuis le début de la guerre, dont quarante-huit prisonniers de Gaza morts dans les centres de détention de l'armée et douze morts en détention par l'administration pénitentiaire ; de nombreux témoignages du rapport font référence à l'unité Keter de l'administration pénitentiaire, qui fonctionne comme une force spécialisée dans le contrôle des émeutes.

« Leurs témoignages révèlent les résultats de la transformation précipitée de plus d'une douzaine d'établissements pénitentiaires israéliens, militaires et civils, en un réseau de camps dédiés à l'abus des détenus dans le cadre d'une politique », note B'Tselem en introduction du rapport. 

« Les établissements dans lesquels chaque détenu est délibérément soumis à une douleur et à des souffrances dures et implacables fonctionnent de facto comme des camps de torture. »

Les témoignages valent la peine d'être lus dans leur intégralité, mais ils incluent: un détenu battu à mort par des gardiens pour avoir demandé s'il y avait un cessez-le-feu, car les détenus n'ont pas reçu de nouvelles à l'intérieur de la prison ; un récit de gardiens mettant des cigarettes « dans ma bouche et sur mon corps [...] ils ont mis des pinces sur mes testicules qui étaient attachés à quelque chose de lourd » ; l'utilisation de « musique disco forte » jouée à des volumes qui font saigner les oreilles des détenus ; un récit d'agression sexuelle et de sodomie au cours duquel d'autres gardiens ont filmé l'acte sur leurs téléphones ; histoire après histoire de famine délibérée de détenus.

Ces derniers jours, la société israélienne a été déchirée par l'allégation d'un tribunal selon laquelle des membres des Forces de défense israéliennes (FDI) auraient violé collectivement une détenue palestinienne à la base militaire de Sde Teiman. L'allégation a entraîné un soulèvement en défense des soldats en question, encouragé par les membres de Tsahal (armée israélienne) et les dirigeants élus des partis politiques israéliens. Alors que la foule pro-viol prenait d'assaut la base militaire, l'armée israélienne a été forcée de redéployer des unités de Cisjordanie vers la base pour tenter d'apaiser la violence et de garder le contrôle.

Comme le montrent clairement les rapports de B'Tselem, et conformément aux conclusions supplémentaires des Nations Unies, les soldats accusés de viol à Sde Teiman ne sont guère des exceptions. L'armée israélienne y mène une politique systémique de torture des quelque dix mille Palestiniens actuellement détenus.

Détenus de Sde Teiman

« Compte tenu de la gravité des actes, de l'ampleur des violations des dispositions du droit international et du fait que ces violations visent l'ensemble de la population de prisonniers palestiniens, quotidiennement et au fil du temps, la seule conclusion possible est qu'en commettant ces actes, Israël commet des actes de torture qui constituent un crime de guerre et même un crime contre l'humanité, » conclut le rapport.

Il y a longtemps eu des allégations crédibles selon lesquelles l’armée israélienne utilise la violence sexuelle contre les détenus palestiniens. Le fait que la société israélienne ait maintenant été forcée de le reconnaître par un tribunal est en soi le résultat d'un consensus croissant de la communauté juridique internationale selon lequel Israël ne peut pas enquêter sur lui-même pour ses crimes de guerre présumés et doit donc être poursuivi par des tribunaux tels que la Cour pénale internationale (CPI). Le soutien du public israélien aux violeurs présumés de Tsahal, et sa réponse remarquablement modérée aux témoignages contenus dans le rapport de B'Tselem, en sont une preuve supplémentaire. Voir aussi (**).

Comme l'a noté le chroniqueur de Haaretz, Gideon Levy, à propos de l'absence d'indignation parmi les Israéliens face aux révélations contenues dans le rapport, « l'indifférence à toutes ces choses définit Israël ». 

Dans le camp de détention de Guantanamo Bay (prison américaine), neuf prisonniers ont été tués en vingt ans ; en Israël, soixante détenus ont été tués en dix mois.

(*) B’Tselem est le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés. Le texte de cet article est un résumé d’Alex N. Press du B’Tselem Report du 6 août 2024. Voir https://imemc.org/article/btselem-report-welcome-to-hell/
(**) Jonathan Ofir, Israeli media’s coverage of the rape of Palestinian detainees shows support for sexual violence in service of genocideMondoweiss, 12 août, 2024. 

1 commentaire: