jeudi 30 janvier 2025

Armageddon

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 Victor Ginsburgh

 

Armageddon est le lieu prophétique d’une réunion d’armées pour une bataille entre le bien et le mal qui marquerait la fin des temps. 

 

En 609 av. J.-C., le roi Josias du Royaume de Juda est vaincu et tué sur la colline fortifiée de Megiddo par un pharaon du joli nom de Nekao. Alors que le Dieu des défenseurs de Megiddo était censé les protéger, cette défaite est ressentie comme une catastrophe, et c'est en son souvenir que le terme Armageddon est ensuite employé pour qualifier une destruction totale (*). 


Rod Buntzen, auteur de « The Armageddon Experience », a publié un article (**) sur ce que serait une guerre nucléaire dont M. Poutine nous a menacé. Je dis bien « nous », parce que lancer une telle bombe sur l’Ukraine, c’est la lancer sur nous aussi. En 1958, Rod Buntzen a assisté à une détonation d’une arme nucléaire de près de 9 mégatonnes lancée sur un des fameux atolls, dont Bikini, où on s’amusait à expérimenter.  Soixante-trois ans après, il se rappelle de ce que c’était. Les effets du choc ont été immédiats et sont inimaginables. Le procédé de fission-fusion se produit en un millionième de seconde. « Je regardais », écrit-il, « à une distance de 30 kilomètres et voici des images que j’ai vues et de ce que nous pourrions voir. »

 



Il faut reconnaître que la beauté des photographies est exceptionnelle. Mais espérons que notre monde se débarrasse le plus vite possible des nuages atomiques en pensant au poème L’Etranger de Charles Baudelaire (***) qui se termine par

 

« Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! »

 

(*) Voir Armageddon, Wikipedia.

(**) Rod Buntzen, This is what it’s like to witness a nuclear explosion, The New York Times, March 27, 2022.

(***) Charles Baudelaire,  L’Etranger, dans Petits poèmes en prose, 1869.

jeudi 23 janvier 2025

Famille : entre amour et déchirement

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Pierre Pestieau


Il existe de nombreux facteurs qui peuvent affecter le bien-être des personnes âgées en fin de vie. Parmi eux, les enfants peuvent effectivement jouer un rôle crucial, qu’il soit positif ou négatif. Leur implication et leur comportement influencent profondément la qualité de vie et l’état émotionnel des aînés durant cette phase de vulnérabilité.

La présence attentive et affectueuse des enfants peut apaiser les angoisses et offrir un sentiment de réconfort. Leur amour et leur écoute aident à réduire la solitude et les troubles émotionnels tels que la dépression ou l’anxiété. Les enfants peuvent apporter une aide précieuse pour les soins quotidiens, tels que l’hygiène personnelle, la prise des repas, ou les déplacements, ce qui améliore la qualité de vie et le sentiment de dignité.

Les enfants peuvent aussi agir comme intermédiaires entre la personne âgée et les professionnels de santé, en veillant à ce que les traitements soient suivis et que les décisions médicales respectent les souhaits du parent. En rendant visite régulièrement ou en partageant des moments significatifs, les enfants permettent aux aînés de rester connectés à la vie familiale et sociale, ce qui a un impact positif sur leur bien-être global.

Cette vision positive, quasiment idyllique, est présente dans nos imaginaires. Elle ne se vérifie malheureusement pas dans tous les cas. Consciemment ou pas, les enfants peuvent gâcher les dernières années, les derniers mois de leurs parents. Certains enfants, par manque de temps, de ressources ou d’intérêt, peuvent négliger les besoins des aînés. Cette absence d’attention peut accentuer le sentiment d’abandon et aggraver leur état de santé. Pire encore, les tensions ou désaccords entre enfants au sujet des soins ou des questions financières peuvent créer un environnement stressant, affectant négativement le bien-être de la personne âgée. Dans certains cas extrêmes, des comportements abusifs, qu’ils soient verbaux, émotionnels ou physiques, peuvent profondément nuire à la dignité et à la santé des personnes âgées.



Un exemple d’abus trop souvent répandu est l’insistance des enfant à placer leur père ou leur mère dans un Ehpad à bas coût afin de préserver un héritage sur lequel ils comptent avidement. Ils toucheront d’autant plus vite cet héritage que ce placement dans un mouroir risque de raccourcir davantage la vie de leur parent. Autre exemple, refuser à un parent souffrant une euthanasie pourtant réclamée au nom de principes religieux. Enfin, on citera le refus de la famille proche d’autoriser les visites d’amis de la personne en fin de vie.

Je recommande sur ce triste sujet le récent roman de Lionel Shriver (1) qui narre avec un humour grinçant l'histoire d’un couple qui considère mutuellement que leur vie n’en vaut plus la peine, sauf que leurs enfants en décident autrement.

Cerise sur le gâteau, la personne qui subit de telles maltraitances a tendance à se sentir coupable de ne pas avoir donné à ses enfants les bonnes valeurs. Ce qui accroit son désarroi.

En résumé, le rôle des enfants est déterminant pour le bien-être des personnes âgées en fin de vie. Une approche basée sur l’empathie, la communication et la collaboration est essentielle pour maximiser les impacts positifs. Si les enfants ne jouent pas ce rôle, il existe peu de recours. L’outil législatif est le plus souvent impuissant. La mise sous tutelle, par exemple, ne permet pas d’éviter ce qui relève de la maltraitance. Il est bien sûr évident que ces deux types de comportement, aimant et abusif, sont extrêmes. La réalité se situe le plus souvent entre les deux.




(1) Lionel Shriver, "À prendre ou à laisser" Belfond, Paris 2023.

jeudi 16 janvier 2025

Un simple changement chimique explique pourquoi les perroquets sont si colorés

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Sarah Kuta, Long Mont, Colorado (Smart News, November, 2024).


Je me dois de vous avouer que je ne suis plus en force morale de guerre et de combats dans notre monde et ai décidé de parler sans me battre, sans vous tuer et sans me tuer. Je tâcherai de bavarder avec les oiseaux ou les fleurs, plutôt qu’avec la plupart de nos dirigeants. Même pas de Trumpette. A vrai dire, je préfère lire les vies des perroquets que celles des Trumpettes, de leurs mensonges et de leur faciès.

Le (presque) premier essai, indiquant qu’un simple changement chimique peut expliquer pourquoi les perroquets s’habillent sous des colorations très variées. Dans ma vie d’enfant en Afrique (1939-1957), j’étais très attiré par mes trois perroquets gris (qui avaient quand-même chacun une queue de plumes rouges) et j’étais loin de penser qu’il pourrait y en avoir d’autres. Deux d’entre les trois venaient dans mon lit quand je les appelais et se couchaient sur mon oreiller. J’observais par contre le troisième dont je ne devais pas m’approcher sans un sérieux coup de bec dans une de mes oreilles (au moins). 

Perroquet gris d'Afrique centrale

Aujourd’hui, on en sait un peu plus: les perroquets ont des plumes de couleurs rouges, jaunes, vertes, bleues et bien d’autres. Cette question a également laissé les scientifiques perplexes, mais les “psittologues” sont un peu plus près de résoudre le mystère dont je ne connaissais rien. Je n’ai pas pu y résister dans le blog qui suit, c’est bien plus amusant qu’une seule grande ou petite gueule. Un simple changement chimique explique pourquoi les perroquets sont si colorés.

Les “flamants roses” obtiennent leur teinte rose caractéristique en mangeant des crevettes tandis que les “pieds des fous”deviennent bleu vif en raison de leur régime alimentaire à base de poisson.


Un simple ajustement chimique régi par une seule enzyme détermine la couleur du plumage d'un perroquet, rapportent des chercheurs dans la revue Science en 2024. Leurs résultats aident non seulement à répondre à une question de longue date sur les perroquets, mais ils pourraient également offrir des informations plus larges sur l'évolution et la variation des couleurs dans le règne animal. “C'est un énorme pas en avant dans la génétique des couleurs aviaires”, déclare une biologiste évolutionniste terminant son doctorat à l'Université de Princeton. 

La plupart des oiseaux ne fabriquent pas leurs propres pigments de couleur. Au lieu de cela, ils les obtiennent de leur alimentation. Les cardinaux, par exemple, tirent leurs plumes rouges du grignotage de baies et de graines contenant des pigments naturels appelés “caroténoïdes”. Mais les perroquets n'ont pas besoin de manger des aliments colorés pour avoir des plumes colorées, car leur corps produit des pigments connus sous le nom de “psittacofulvines”.

Les scientifiques connaissent depuis longtemps les psittacofulvines, mais ils n'ont pas entièrement compris le fonctionnement de ces pigments. Pourquoi certaines plumes de perroquet sont-elles jaunes et d'autres rouges ? Et quel rôle jouent les psittacofulvines dans cette variation ?


Pour tenter de répondre à cette question, les chercheurs se sont tournés vers deux espèces de perroquets colorés : Pseudeos fuscata et Agapornis roseicollis. Ils ont examiné de plus près la composition chimique des “psittacofulvines”chez ces oiseaux qui sont constituées de chaînes d'atomes de carbone. Lorsque les scientifiques se sont concentrés sur les extrémités de ces chaînes, ils ont remarqué certaines différences chimiques qui semblent être corrélées à différentes teintes. Dans les plumes rouges, ces chaînes d'atomes de carbone se terminent par un composé organique appelé “aldéhyde”. Dans les plumes jaunes, les chaînes se terminent par une molécule différente appelée acide “carboxylique”.

Les plumes vertes, quant à elles, résultent de plumes jaunes surmontées de structures productrices de bleu. Les plumes noires, grises et brunes sont produites par un pigment entièrement différent appelé “mélanine”.

En conséquence, les perroquets ont de nombreuses façons de mélanger et assortir ces différents types de pigments pour obtenir des couleurs parfois inhabituelles.

Les chercheurs ont maintenant une meilleure compréhension des fondements chimiques et génétiques des plumes de perroquet. Mais de nombreuses questions restent néanmoins sans réponse. Par exemple, pourquoi les perroquets fabriquent-ils des “psittacofulvines”, plutôt que d'obtenir des “caroténoïdes” à partir d'aliments comme le font les autres oiseaux ? Et pourquoi ont-ils développé cette capacité ?

À l'avenir, les scientifiques pourraient également être en mesure d'utiliser leurs nouvelles connaissances pour en savoir plus sur la biologie et le mode de vie des perroquets, plutôt que de lire ou d’écouter Trumppette.

jeudi 9 janvier 2025

Love and Peace

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Pierre Pestieau


J’ai passé la période de Noël aux États-Unis, dans la banlieue de Washington, où les devantures des maisons m’ont frappé par leur profusion d’ornements éclatants. Partout, des mots lumineux proclamaient « Love » et « Peace », tandis que les seuils croulaient sous des piles de colis Amazon, regorgeant sans doute de cadeaux destinés à célébrer les fêtes. Ce contraste entre les idéaux affichés et les pratiques observées m’a laissé perplexe. Incapable de trancher, j’ai décidé de consulter mon directeur de conscience attitré, le révérend Père ChatGPT, et de lui soumettre la question suivante :


« Noël ne serait-il pas porteur d’un paradoxe ? Nous brandissons des mots comme amour et paix, mais ces mots semblent perdre leur sens face à une frénésie consumériste alimentée par des produits issus de chaînes de production marquées par la violation des droits humains, l’exploitation des travailleurs et la dégradation de l’environnement. Qu’en pensez-vous ? »


Voici la réponse, réfléchie et incisive, qu’il m’a donnée dans sa grande sagesse :


Le paradoxe de Noël réside dans la coexistence troublante entre les idéaux que nous célébrons et les pratiques que nous perpétuons. Cette période de l’année se veut un moment d’amour, de paix et de bienveillance, un temps propice aux connexions humaines, à l’expression de gratitude et au renforcement des liens. Pourtant, ces nobles aspirations s’entremêlent avec une réalité où la consommation excessive règne en maître, souvent en contradiction flagrante avec les valeurs proclamées.


 

Prenons l’exemple des cadeaux, véritable pilier de la fête. Leur échange, censé symboliser la générosité et l’attention portée à autrui, repose souvent sur une chaîne de production profondément injuste. De nombreux biens proviennent de pays où les protections sociales et environnementales sont quasi inexistantes. Les travailleurs y subissent des conditions d’exploitation : longues heures, rémunérations dérisoires et environnements dangereux. Derrière chaque paquet soigneusement emballé se cache potentiellement une histoire de souffrance, ternissant la magie de l’acte d’offrir.


À cette injustice sociale s’ajoute un lourd bilan environnemental. La production et le transport des biens de Noël laissent une empreinte écologique considérable. Extraction des matières premières, dépendance aux énergies fossiles, montagnes de déchets : cette mécanique festive contribue à la pression insoutenable exercée sur notre planète. Dans un contexte d’urgence climatique, il devient difficile de concilier l’idéal de « paix sur Terre » avec des pratiques qui détériorent les écosystèmes nécessaires à la vie.



Cette contradiction n’est pas nouvelle, mais elle est amplifiée par la mondialisation. Dans un monde où les chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus visibles, ces incohérences deviennent flagrantes, nous incitant à questionner nos traditions. Sommes-nous capables de repenser nos célébrations pour les aligner avec les valeurs que nous chérissons ? Est-il possible d’imaginer des fêtes où le respect des droits humains, la durabilité environnementale et l’éthique remplaceraient l’excès matériel ?


Le paradoxe de Noël ne doit pas nous enfermer dans la désillusion. Au contraire, il peut servir de levier pour une transformation profonde. Cette tension entre idéaux et pratiques offre l’occasion de réinventer la manière dont nous célébrons cette période. En privilégiant les expériences partagées et les connexions significatives plutôt que l’abondance matérielle, nous pouvons combler l’écart entre les promesses de Noël et la réalité de nos choix. Le véritable esprit de cette fête pourrait alors se révéler, non pas dans l’excès, mais dans l’effort sincère de concilier amour, paix et respect pour l’humanité et notre planète.