dimanche 17 avril 2011

Indignité

Victor Ginsburgh

La SABAM (Société d’Auteurs Belge – Belgische Auteurs Maatschappij) est à l’origine d’une nouvelle idée qui permettra, prétend-elle une fois de plus, d’accroître les revenus des auteurs (je suis sûr qu’il y en pas mal d’autres dans ses grands cartons à projets).

Elle envisage de taxer les camionneurs et transporteurs qui écoutent la radio dans la cabine de leur camion : la cabine est en effet un lieu de travail. Prétexte : « Sous la présidence du ministre Van Quickenborne [elle a] conclu l’accord Unisono avec les entreprises, qui prévoit que toutes les entreprises payent une contribution pour la musique sur le lieu de travail, en fonction du nombre de personnes. [Celles qui emploient] moins de neuf personnes en sont même exonérés », a déclaré le porte-parole de la SABAM Thierry Dachelet. Mais quelle générosité ce même !

On considérera bientôt que se rendre sur son lieu de travail ou en revenir fait partie du travail, et qu’il vous faudra payer une redevance si vous écoutez la radio tout en vous livrant au co-voiturage. Vous aurez le choix entre polluer davantage (en refusant le co-voiturage) ou payer davantage de droits à la SABAM, puisque vous avez un passager dans la voiture et que vous le gratifiez d’un concert. C’est ce qu’on appelle le principe du « non pollueur payeur ».

Merveilleuse SABAM, qui, par ailleurs, n’arrête pas d’être prise dans des scandales. En 2007, « la société et ses dirigeants, ont été inculpés de falsification des comptes annuels, d'abus de confiance et de blanchiment d'argent. La falsification des comptes annuels aurait servi à camoufler de l'argent noir versé à un fonctionnaire des Finances et l'argent aurait été blanchi via l’ASBL Caisse d'entraide et de solidarité de la SABAM. Le président du conseil d'administration et l'administrateur-délégué figurent parmi les inculpés ». (1)

Dernière idée en date, mineure sans doute par rapport à la précédente : faire payer des droits pour de la musique qui n’existe pas. (2)

Autre idée : faire payer 82 euros pour un concert donné dans une salle de 0,99 mètre carré organisé par un groupe provocateur, pour voir où les choses pourraient aller. La SABAM annonce en effet des tarifs pour des salles allant de 1 à 100 mètres carrés, mais pas de moins d’un mètre carré ! Réponse de la SABAM : en fait 1 mètre carré signifie zéro mètre carré donc vous devez 82 euros de droits d’auteur. (2)

La SABAM n’est pas seule qui « fait dans le comique ». Une société de gestion de droits d’auteur anglaise a menacé d’une taxe de 99£ toute personne qui faisait écouter de la musique classique à ses chevaux. (3) Ben oui, les chevaux aiment aussi la musique et finalement, il n’y a peut-être pas tellement de différence entre une écurie et une salle de concert.

Une nouveauté encore. Les sociétés d’auteurs, soutenues en cela par la Commission Européenne et son souci de réglementer, veulent imposer une taxe sur le hardware (ordinateurs, téléphones portables, …). Cette taxe devrait permettre aux auteurs, artistes et autres ayants droit de récupérer grâce à la générosité de la SABAM et de l’une ou l’autre des 26 sociétés d’auteurs installées en Belgique (26 sociétés, imaginez, y a du pognon à faire dans ce secteur !), de récupérer la perte engendrée par le pillage de ces sagouins de pirates qui téléchargent gratuitement.

Pas de chance. Dans un article qu’ils viennent d’écrire, Patrick Legros et Victor Ginsburgh (4) montrent qu’imposer de telles taxes risque de réduire les recettes des ayants droits au lieu de compenser les pertes qu’ils encourent suite au « piratage ». Mais enrichit les sociétés d’auteurs.

Pensez-vous que qui que ce soit tiendra compte de cette étude? Non, la SABAM, la SCAM et les 25 autres ont faim et les restaurants que ses cadres fréquentent sont excellents.

Merci d’avance à C. de me défendre si A.B. envoyait une deuxième lettre indigne au Recteur de mon université lui demandant de prendre des mesures pour me remettre en place.

(1) Voir La Libre du 26/10/2007.

(2) Voir http://www.allvoices.com/s/event-8152006/aHR0cDovL3d3dy50ZWNoZGlydC5jb20vYXJ0aWNsZXMvMjAxMTAyMDkvMDQxMDE0MTMwMjIvYmVsZ2lhbi1jb2xsZWN0aW9uLXNvY2lldHktc2FiYW0tY2F1Z2h0LXRha2luZy1jYXNoLW1hZGUtdXAtYmFuZHMtaXQtZGlkbnQtcmVwcmVzZW50LnNodG1s

(3) Voir http://www.allvoices.com/s/event-8152006/aHR0cDovL3d3dy50ZWNoZGlydC5jb20vYXJ0aWNsZXMvMjAxMTAyMDkvMDQxMDE0MTMwMjIvYmVsZ2lhbi1jb2xsZWN0aW9uLXNvY2lldHktc2FiYW0tY2F1Z2h0LXRha2luZy1jYXNoLW1hZGUtdXAtYmFuZHMtaXQtZGlkbnQtcmVwcmVzZW50LnNodG1s

(4) Patrick Legros et Victor Ginsburgh, The economics of copyright levies on hardware, ECORE Discussion Paper (téléchargeable à l’adresse http://www.ecore.be/DPs/dp_1301571896.pdf)

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