dimanche 10 avril 2011

Notes de lecture

Victor Ginsburgh
J’avais, il y a quelques mois de cela, et malgré ma détestation du personnage, acheté le dernier ouvrage de Michel Houellebecq, La carte et le territoire, Prix Goncourt 2010. Et même mieux, je l’ai lu. Sans déplaisir d’ailleurs.
Mais sans le même bonheur que celui pris à lire le pastiche écrit par un certain Michel Ouellebeurre, intitulé La tarte et le suppositoire, Prix Concours 2010. Beaucoup plus court que le premier, beaucoup moins cher et beaucoup plus drôle. En voici quelques extraits pour vous allécher :
« Michel Ouellebeurre était le plus grand écrivain de la rive gauche réfugié en Irlande du Nord. Plus grand que Tahar Ben Choucroute, plus grand que Philippe Chollairs, plus grand qu’Anna Musso, plus grand même que Jean d’Ormesson qui venait d’écrire son ultime livre pour la dix-huitième fois : C’était vachement bien ! qui succédait à On s’est bien marré, à Avec mon meilleur souvenir, à Un petit clapotis dans l’eau tiède, à Dieu m’attend moi non plus, et à l’inoubliable Ma dernière érection sera pour vous, que l’académicien avait spirituellement dédié à Madame Récamier et à Rachida Dati » (pp. 24-25)…
« Jed se réveilla en dormant. Dans son plumard il était plus tard que la veille à la même heure, mais avec son plumeau il était plus tôt que le lendemain. Longtemps il s’était couché tard en lisant du Léautaud, mais maintenant il se couchait tôt en lisant du Léotard » (p. 37)…
« La [mouche] drosophile est utilisée pour voir comment ségrègent les gènes (test-cross hybridation). De retour de Sarajevo le philosophe Bernard-Henri Lévy a écrit un traité sur la drosophile appelé Botul et mouche cousue, qui fait encore autorité » (pp. 12-13). (1)
Tout ça pour 4,80 Euros.
Mais il y a aussi des livres moins drôles. Dont l’un que je n’ai pas encore acheté, et forcément pas lu, mais comme le précise Pierre Bayard, dans un joli petit livre (2) acheté et lu, on peut aussi parler des livres que l’on n’a pas (encore) lus. En l’occurrence il s’agit du dernier John Le Carré (3) qui, selon lui, est basé sur un article paru dans The Observer du 13.12.2009. Voici ce qu’en dit Le Carré, dans une interview parue dans Le Monde du 7.4.2011 :
« Vous voyez, ce papier [de l’Observer] est titré : L'argent de la drogue a sauvé les banques pendant la crise mondiale. La source, c'est un certain Antonio Maria Costa, qui dirigeait alors l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime organisé (ONUDC). Selon lui, il existerait des preuves démontrant que certains prêts interbancaires ont été financés avec des fonds venant du commerce de la drogue et d'autres activités illégales, et que cet argent aurait donc été effectivement blanchi afin de sauver le système, lorsqu'il était confronté à un manque de liquidités et sur le point de s'effondrer. L'article avance même un montant : 352 milliards de dollars (245,5 milliards d'euros) ». Ce qui, ajoute naïvement l’Observer (4), posera des questions relatives à l’argent blanchi par les criminels de la drogue sur le système économique en temps de crise. Ben voyons, pourquoi pas si ça permet de sauver les banques…
Je voulais vous montrer que même si, durant ma troisième jeunesse, je lis Houellebecq, dans mon âme d’enfant, je reste un économiste…
(1) Allusion au peu célèbre livre du célèbre BHL, De la guerre en philosophie, Paris : Grasset, 2010. Le grand homme, piégé par le canular de Frédéric Pagès et signé Jean-Baptiste Botul, La vie sexuelle d’Emmanuel Kant (dont je vous entretenais il y a quinze jours), cite Botul comme une de ses sources sur Kant. Bof, entre grands philosophes comme Kant et BHL, cela se fait, paraît-il. Il s’agit du même BHL que celui qui vient d’écrire que la guerre de Libye est « une guerre juste » (voir La Dépêche du Midi du 21.3.2011 ; on peut trouver copie de cette brillante et chevaleresque sortie sur le site web de BHVL, qui contient aussi des photos admirables de ses chemises et de sa chevelure).
(2) Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus, Paris : Editions de Minuit, 2007.
(3) Un traître à notre goût, Paris : Seuil, 2011. John Le Carré est l’auteur de L’espion qui venait du froid qui a paru en 1963.

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