vendredi 9 décembre 2011

Christine à Washington, Elio au Lambermont

Pierre Pestieau

De l’avis de beaucoup DSK fut un excellent Directeur du FMI. Bien meilleur que ses deux pâles prédécesseurs. Pour le remplacer, c’est Christine Lagarde qui a été désignée par un hasard de circonstances. Les Français trouvaient important d’avoir une française a Washington et de nombreux Européens préféraient une Française à un ressortissant du Tiers-Monde pour régler la crise des pays rassemblés sous le sigle de GIPS (pour Grèce, Irlande, Portugal and (E)spagne) (1). En Belgique Elio Di Rupo sera notre prochain premier ministre à la grande joie des francophones. Et si l’accouchement aura été long, la joie en sera d’autant plus grande.

Dans ma posture de rabat-joie, je ne peux m’empêcher de me demander si ce sont là de bonnes nouvelles pour les populations concernées. Les Français ont-il intérêt à monopoliser la direction du FMI ? Les Belges francophones ont-ils intérêt à voir un des leurs diriger un pays à majorité flamande ? Pour répondre à ces questions, il faut distinguer deux éléments : la compétence des personnes et leur appartenance nationale. En l’occurrence, Mme Lagarde est sans doute moins armée que ne l’était son prédécesseur pour traiter des sujets brûlants ; elle est juriste et non pas économiste. A priori on ne peut pas dire qu’Elio Di Rupo soit moins compétent que ne l’était son prédécesseur. Son handicap est sans doute de ne pas maîtriser le néerlandais.

Même à compétence égale, doit-on se réjouir de voir un compatriote à la tête d’une organisation internationale ? Doit-on se réjouir de voir un habitant de sa région diriger le gouvernement fédéral ? Deux raisons pour répondre par la négative. La personne concernée peut, par souci de neutralité, pratiquer le favoritisme à rebours ; elle pourrait de ce fait se conformer à la fameuse prescription selon laquelle « la femme de César doit être irréprochable !». Autre raison, les populations évincées pourraient mener la vie dure à celui qui a d’une certaine manière usurpé son poste.

Le Belgique a connu cela lors du bref mandat en 1974 d’Emile Leburton, dernier wallon à occuper le poste de premier ministre en Belgique. Rien ne lui fut pardonné. Edith Cresson, première femme à diriger un gouvernement français, a subi un sort analogue. On peut conjecturer que si la France avait besoin d’une faveur de la part du FMI, cela pourrait être plus difficile aujourd’hui.

Certes on ne peut généraliser. Dans des pays ou des organisations où la gouvernance est défaillante et où la corruption et la prévarication sont des pratiques quotidiennes, avoir un des siens aux commandes peut s’avérer précieux. Une des caractéristiques des régimes autocratiques est l’enrichissement outrancier des amis et de la famille des dirigeants. Cela s’est vu récemment en Tunisie à l’occasion du « Printemps de jasmin » et de la chute de la maison Ben Ali. Mais ceci est une autre histoire. On peut penser que tant la Belgique que le FMI ne relèvent pas de ce cas d’école

(1) Ceci se passait en été. Depuis on parle de GIIPS avec l’Italie comme membre de ce prestigieux club, dont l’existence donne bonne conscience aux véritables fauteurs de crise. Pourquoi pas bientôt le GIBIPS ou le GIFIPS ? Plus on est de fous…

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