Victor Ginsburgh
Ceux qui ont fait du latin durant leurs études secondaires se rappelleront qu’il s’agit du titre d’un ouvrage en latin (apocryphe, puisqu’écrit au 17e siècle par un certain Abbé Lhomond) qui voulait conter l’histoire des hommes (vir, -i) les plus illustres de la Rome ancienne. Désolé pour les femmes (mulier, -is). Il y en a, sauf erreur, une seule qui peut prétendre au rôle, c’est la mère de Remus et Romulus. Et encore, elle a abandonné ses rejetons, tous deux recueillis et nourris par une brave louve. Mais ceci est une autre histoire.
Celles et ceux dont il est question ici sont nos célèbres hommes et femmes, parlementaires européens, -éennes, et de leurs collègues français, -çaises, américains, -caines et belges, -es.
Aux députés européens l’honneur de commencer la parade. Chacun d’eux semble avoir un salaire mensuel de € 7 339, auquel il faut ajouter une indemnité forfaitaire de € 3 980 et une « prime » de € 284 quand ils nous font le plaisir d’assister à une séance du Parlement. Ce qui leur fait un petit viatique de € 14 727 par mois, dont 12 fois € 284 s’ils assistent à 12 séances. Mais, en réalité, pourquoi assister aux séances ? Il suffit de s’inscrire en arrivant très tôt le matin, et puis de disparaître avec sa valise à roulettes parce qu’il y a tout de même plus important à faire. C’est ce qu’illustre la vidéo suivante, filmée au Parlement européen à Strasbourg par un journaliste allemand, qui a fini par se faire expulser par le personnel de sécurité dudit Parlement. Voici la vidéo (1) qui montre d’ailleurs que les Grünen (Verts en Allemagne) ne se comportent pas mieux que les autres :
http://dotsub.com/view/01ad2718-073c-474a-ac40-c7a72e199d55
Faut dire qu’on les comprend, surtout s’ils sont obligés de s’occuper des concombres qui doivent « être assez bien formés et pratiquement droits : hauteur maximale de l'arc, 10 millimètres pour 10 centimètres de longueur du concombre (2) », qui dit mieux ? Un document de cinq pages sur les cucurbitacées qui doit être traduit dans chacune des 23 langues de l’Union.
Les députés français font la chose autrement, mais, malgré ce qu’on aurait pu attendre de la Fraaance, pas plus élégamment. Comme vous le savez certainement, et alors que le pays est sujet à des difficultés budgétaires, les parlementaires de gauche comme de droite ont « radicalement » refusé de voir leurs indemnités de député être réduites de 10%. Le président du group UMP, Christian Jacob, était spécialement entré en séance au moment du vote. Dans un très beau geste (!), les socialistes se sont abstenus, à l’exception, cependant, du rapporteur spécial Jean Launay (PS) qui s’exprimait à titre personnel pour expliquer que cet amendement avait « un caractère d'affichage sinon de gadget » mais « pas de pertinence sur le plan politique » (3). Sans compter qu’ils ont des pensions de retraite et des frais de secrétariat qui font rêver. Les frais aussi bien que les secrétaires...
Ce qui nous amène aux membres du Congrès américain, qui sont plus vicieux encore. Ils ont le droit d’acheter et de vendre des actions, et de procéder à des transactions immobilières pendant qu’ils planchent sur des projets de loi relatifs à ces actifs. Ils ne sont donc pas condamnables sur le plan légal, et en profitent bien. L’ancienne présidente de la chambre, la démocrate Nancy Pelosi et son époux ont acheté des actions à un moment où il aurait été impossible de le faire pour un non-initié. Le sénateur John Kerry (candidat démocrate malheureux contre le valeureux George W.) et son épouse, Madame Heinz 57 varieties (y compris des concombres aigre-doux à la mesure de ceux requis par l’Europe) ont acheté des actions de firmes pharmaceutiques pendant que le Congrès débattait du projet Obama relatif aux soins de santé, comme l’a fait d’ailleurs John Boehner, député républicain. Le républicain Spencer Bachus s’est activé sur les marchés en achetant et en vendant des options après que Bernanke, gouverneur de la Fed (Banque centrale américaine) ait réuni en 2007 un comité très restreint (dont Bachus faisait partie) auquel il a expliqué qu’une « fonte du système financier » (a meltdown in the global financial system) était imminente. Et ils sont loin d’être les seuls… (4). Il s’ensuit que nombreux sont ceux qui négligent complètement leurs électeurs dès qu’ils arrivent au « pouvoir ».
Quant aux parlementaires belges, ils n’ont pas eu grand chose à faire lors des 550 jours sans gouvernement, si ce n’est à écouter le président Dehaene se lamenter sur sa propre gestion de Dexia, tout en acceptant sans doute son parachute doré, prime de son savoir-faire qui a mis la banque en faillite.
Vous me direz que tout ça est très poujadiste. Tant pis, il fallait que je l’écrive, et il vaut mieux que vous le sachiez si vous l’ignoriez.
(1) Pour laquelle je remercie André Sh. La vidéo est hélas en Allemand, mais est sous-titrée en Anglais. Les deux langues les plus parlées dans l’UE. On m’a dit que la vidéo pouvait être un « faux ». Mais elle pourrait aussi être un « vrai ». Plus rien ne m’étonne.
(2) Voir sur http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_388R1677.html, Règlement (CEE) n° 1677/88 de la Commission du 15 juin 1988 fixant des normes de qualité pour les concombres.
(3) Voir Le Figaro du 14 novembre 2011
(4) Newsweek du 21 novembre 2011, pp. 32-37.
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