Pierre Pestieau
Deux évènements apparemment indépendants m’ont frappé ces derniers temps. Il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy décidait de moderniser la France en supprimant une série de situations coûteuses pour le pays, et qui généraient des rentes de situation pour une minorité et des prix excessifs pour une majorité. Animé par une volonté de réforme et d’ouverture qui fera long feu, il chargea Jacques Attali de présider une commission (1) qui dresserait l’inventaire de ces situations. En tête de liste, il y avait la réforme des taxis parisiens. En tête, par hasard et non pas parce qu’elle était prioritaire.
Dès la publication du rapport Attali, les conducteurs de taxis parisiens se mirent en grève et quelques jours plus tard, le rapport se vit remisé après tant d’autres dans les tiroirs de la République. Sans entrer dans le détail des 316 propositions d’Attali, cette reculade d’un président fraîchement élu, disposant du contrôle du Parlement, du Sénat et de nombreuses autres institutions, marquait les limites de sa volonté de réforme et constituait un tournant déterminant dans son quinquennat.
Le 10 septembre 2011, Guy Spitaels donnait une interview au Soir. Rangé des voitures depuis de nombreuses années, il fut en son temps tout puissant en Wallonie au point qu’on le qualifiait de « dieu » (2). Ce qui m’a frappé, voire choqué dans cette interview n’était pas son pessimisme affiché sur l’avenir de la Belgique mais sa façon de se défausser de ses responsabilités. On sait qu’entre autres problèmes, la Wallonie (Région wallonne et Communauté française) s’est dotée d’une gouvernance qui pourrait être plus efficace. Les exemples d’inefficacité sont nombreux : multiplication des administrations, infrastructures défaillantes, doublons dans les réseaux d’enseignement, formation professionnelle inadéquate, et bien d’autres. Corriger ces problèmes est doublement attractif : aucun d’eux ne réclame de moyens supplémentaires ; au contraire, chaque correction peut en générer. Dans cette interview, Guy Spitaels citait ce qu’il appelait « des structures publiques insensées » en Wallonie et concluait parlant de ses successeurs: « Cools, Di Rupo ont essayé de casser ces structures et ont échoué. Moi aussi comme les autres. »
De deux choses l’une. Guy Spitaels (mais la même remarque s’applique à Nicolas Sarkozy et à tant d’autres apprentis réformistes) a vraiment pris la mesure du coût social de ces dysfonctionnements et a tout fait pour y remédier. Et a échoué. Mais alors c’est à désespérer de la politique. Si un homme politique aussi puissant ne réussit pas à résoudre ces problèmes, à quoi bon l’élire?
Mais il est aussi possible que, même au faîte de sa carrière politique, Guy Spitaels ne trouvait pas que c’était là des priorités sérieuses. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion d’évoquer auprès d’un ministre influent cette liste de dysfonctionnements. Une liste à la Prévert, parsemée de ratons laveurs échappés du zoo : diminution du nombre de ministres, fusion des réseaux d’enseignement, suppression des provinces, arrêt des subventions au Circuit de Francorchamps, et un raton laveur. Et pour chacun d’eux, son commentaire était : « Ce n’est pas important, le jeu n’en vaut pas la chandelle, beaucoup d’efforts pour de petits gains… ». Il oubliait sans doute que les petits ruisseaux font les grandes rivières et les petits gaspillages font les gros déficits. Et même si une gestion plus rigoureuse de notre région et de notre communauté ne suffirait pas à combler les déficits, elle donnerait un signal fort aux citoyens.
(1) La Commission pour la libération de la croissance française, ou, du nom de son président Jacques Attali la « Commission Attali », fut chargée par le président de la République française de rédiger un rapport fournissant des recommandations et des propositions afin de relancer la croissance économique de la France. Elle a commencé ses travaux en juin 2007 et a rendu son rapport final le 23 janvier 2008. Il comprenait 316 propositions.
on pourrait supprimer deux des 3 conservatoires royaux de musique, inutiles puisqu'il n'y a pas de musique à l'école: nos artistes sont pour la plupart destinés au chômage. D'ailleurs la moitié des élèves de ces conservatoires sont des étrangers, parce qu'il n'y a plus beaucoup de jeunes belges qui font de la musique. On pourrait aussi regrouper les 11 académies de musique de Charleroi , non fusionnées depuis 1972 (on est à Charleroi!) et qui coûtent chaque année 10 traitements de directeurs en trop, et désormais beaucoup de pensions de retraites .
RépondreSupprimerVoilà encore deux ruisseaux , parlesquels notre argent se gaspille.