jeudi 31 mai 2012

Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants

Victor Ginsburgh

Je me mets aussi au social, après la lecture d’un article sur le sentiment que les parents éprouvent l’un envers l’autre une fois qu’ils ont des enfants. Comme dirait mon ami Pierre Pestieau, il y a la version conte de fée, « ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », mais il y a aussi une autre version.

Une étude de Shoshana Grossbard et Sankar Mukhopadyay (1) montrent en effet que tout n’est pas conte de fées. Les auteurs utilisent les résultats d’enquêtes américaines dans lesquelles les mêmes individus sont interrogés pendant plusieurs années et répondent notamment, année après année, à la question « Evaluez la façon dont vous pensez que votre conjoint ou partenaire tient à vous ? (2) ». La réponse à cette question est notée sur une échelle allant de 0 à 10, et est analysée en fonction de l’âge des répondants des deux sexes et du nombre d’enfants qu’ils ont. Les résultats montrent que la présence d’enfants réduit la perception que les pères aussi bien que les mères ont de l’ « amour » que l’autre personne du couple leur porte, une fois que le premier ou le deuxième enfant atteint l’âge d’un an. Ce serait donc uniquement durant la première année qui suit la naissance d’un enfant que la perception du sentiment de l’amour de l’autre se maintient, pour diminuer par la suite.

La plupart des « théories » économiques relatives aux motivations que les parents ont de « planifier » la venue d’un enfant sont basées sur l’idée qu’il font une analyse des coûts et des bénéfices que cet enfant engendrera par la suite et la naissance du premier enfant est souvent considérée comme un signe du « succès » de l’union, en tout cas par ceux qui écrivent les romans dits « à l’eau de rose », et ils sont, hélas, très nombreux et pire, très lus.

En réalité, la naissance d’un enfant réduit le temps que les partenaires peuvent se consacrer l’un l’autre, ce qui peut entraîner le sentiment d’être moins « aimé ». Cette perte varie avec le nombre d’enfants et, de manière générale, le premier né entraîne une perte plus importante que les suivants.

Les mères ressentent plus intensément que les pères la réduction supposée de l’amour de l’autre, ce qui est sans doute lié au fait qu’elles s’occupent davantage des enfants que les pères.

Peut-on s’assurer que cette réduction de l’amour supposé de l’autre est liée aux enfants, et pas tout simplement au passage ravageur du temps ? Oui, parce qu’il est possible de comparer les sentiments de ceux qui ont des enfants et de ceux qui n’en ont pas.

Mais, vous noterez que même les contes de fées sont prudents. Ils ne disent pas ce qui se passe après que les heureux parents aient eu beaucoup d’enfants. Ils sont heureux avant. Après c’est une autre histoire.

(1) Shoshana Grossbard et Sankar Mukhopadyay, Do children lead to less spouse’s love ? http://eventful.com/brussels/events/do-children-lead-less-spousal-love-/E0-001-046829436-9

(2) How much do you feel that [your current spouse/partner] cares about you ?

1 commentaire:

  1. "Les mères ressentent plus intensément que les pères la réduction supposée de l’amour de l’autre, ce qui est sans doute lié au fait qu’elles s’occupent davantage des enfants que les pères."

    Si les mères s'occupent plus de leur enfant que les pères, ce sont ces derniers qui devraient se sentir délaissés ? Non ?

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