vendredi 11 mai 2012

Pauvre France (1)

Pierre Pestieau

Il est assez paradoxal de lire dans les journaux que de nombreux Français sont attirés par notre fiscalité. Il semblerait qu’un quartier d’Uccle soit surnommé le XXIème arrondissement et une rue d’Ixelles le Petit Paris à cause du nombre d’exilés fiscaux qu’ils comptent. Après Baudelaire et Hugo, pourquoi pas ? La Belgique paradis fiscal, c’est aussi surprenant que si on nous parlait des Pays-Bas comme d’un éden gastronomique ou de l’Arabie saoudite comme de la patrie de l’égalité des sexes. Car en fait dans tous les classements de pays par importance des prélèvements obligatoires, nous dominons la France, d’une courte tête seulement, il est vrai. Comment expliquer alors tout ce bruit à propos des exilés fiscaux, dont une partie d’ailleurs sont de faux exilés puisqu’ils continuent de vivre en France ?

Une des raisons est l’élection présidentielle (2). La droite a tout intérêt à agiter le risque de l’exode fiscal en cas de victoire d’une gauche ontologiquement confiscatoire. Une autre raison est sans doute l’existence du Thalys qui permet de vivre à Bruxelles et de travailler à Paris. Rien de comparable entre le trajet Bruxelles Paris et celui du fameux dentiste belge qui doit voyager entre Bruxelles et Luxembourg.

La raison plus fondamentale est ailleurs ; elle réside dans la nature de ces exilés. Ce ne sont pas des contribuables moyens mais des gens fortunés qui veulent essentiellement minimiser l’imposition de leur patrimoine. A la différence de la France et comme la plupart des pays, la Belgique n’a pas d’impôt annuel sur la fortune. En outre, l’imposition des revenus du capital et celle des plus-values sont plus légères en Belgique qu’en France. En Belgique, les plus values réalisées lors de l'exercice des stock options ne sont pas taxées. On pourrait ajouter à cela le fait que l’administration fiscale française semble plus efficace que la nôtre.

Si on exclut ces contribuables qui sont minoritaires, le système fiscal français est sans nul doute plus accueillant que le notre, particulièrement pour les familles. Ce qu’illustre cette situation, c’est que la plupart des pays représentent un paradis fiscal pour une certaine catégorie de contribuables. Ici comme ailleurs, il y a une prime à la mobilité.

(1) Allusion au pamphlet de Baudelaire sur la Pauvre Belgique.

(2) Notons que cela explique pourquoi les Français de Belgique sont très nombreux à voter pour Sarkozy.

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