jeudi 20 avril 2017

Pertinence contre excellence


Pierre Pestieau

Il y a peu, j’ai eu l’occasion de faire partie d’un jury qui sélectionnait des projets de recherche en économie. Les candidats faisaient partie du gratin des jeunes économistes résidant dans l’Union européenne. Le jury était composé d’universitaires de qualité venant d’Europe et des Etats Unis.

Deux spécificités m’ont frappé dès l’abord : les thématiques de recherche et les critères de sélection. Les sujets de recherche étaient le plus souvent très éloignés de ce que je considère être le cœur de l’économie. Plusieurs projets portaient sur les normes, les valeurs, la guerre, la paix, les aspirations, les règles de vote, thèmes plus proche de l’anthropologie, de la psychologie et de la science politique que de l’économie. Le chômage, la pauvreté et la stagnation étaient absents alors que ce sont là les problèmes qui taraudent les sociétés européennes.


La manière dont les projets étaient choisis était aussi problématique. Dans la mesure où les projets portaient sur de sujets variés et extérieurs à l’économie, nous n’avions pas l’expertise qui nous aurait permis de juger de leur originalité. Du coup, nous nous rabattions plus ou moins explicitement sur la qualité des publications des candidats, avec un avantage net pour ce qui dans le jargon du métier s’appelle les top five, c’est-à-dire les 5 revues les plus prestigieuses qui sont pour l’essentiel soit nord-américaines soit dominées par les économistes nord-américains.


Que l’on me comprenne bien ma critique ne va pas à l’encontre de la recherche fondamentale. La plupart des projets retenus sont appliqués et empiriques. Elle va plutôt contre cette tendance que les économistes ont depuis quelques années de s’intéresser à des sujets périphériques. Ceci dit je me rends compte qu’il est difficile de cibler de manière directive les thèmes de recherche. Ce n’est pas simple : pertinence et excellence sont sans doute peu corrélés et c’est dommage.

1 commentaire:

  1. Un peu affolant, cette constatation, qui rejoint certaines de mes préoccupations, mais notre grand âge et notre sérénité devrait nous éviter les affres d'un futur inconnu (par définition) et angoissant pour certains. Je pense que, dans notre métier (art ???), nous avons eu la chance de bénéficier d'un solide enseignement théorique. Le reste, c'est la formation générale, l'état d'esprit, l'expérience qui permettra d'établir d'autres façons de penser à soumettre, bien entendu, à l'épreuve de la réalité. Amitiés à vous deux. Pierre

    RépondreSupprimer