samedi 21 mai 2011

« Je ne savais pas »

Victor Ginsburgh

Il n’y a pas que les « négationnistes » qui nient l’existence de faits démontrés vrais. Les Israéliens s’y mettent à leur tour. Le pays a fêté samedi passé yom ha’atzmaut, qui marque (le soixante-troisième) anniversaire de la déclaration de son indépendance (14 mai 1948). Le lendemain, les Palestiniens commémoraient la nakba, leur catastrophe et les 600 000 à 700 000 hères qui ont « quitté de plein gré » ou qui ont été expulsés durant et après la guerre de 1947 et 1948 de ce qui est devenu Israël.

Mais la nakba n’a jamais existé. D’ailleurs, le mot lui-même a été supprimé des manuels scolaires israéliens par le Ministère de l’Education en 2009, et ce 23 mars 2011, le Parlement israélien a voté une loi qui permet au Ministre des Finances de couper de façon discrétionnaire les subvention des ONG israéliennes qui se permettraient de soutenir des événements liés à la commémoration de la nakba.

Le 15 mai 2011, un site web français de défense d’Israël suggère que « la nakba que constitua pour les Palestiniens la création de l'Etat juif, s'est traduite par l'exode de quelque 760 000 Palestiniens, encouragés par les pays arabes à s'exiler après avoir reçu la promesse qu'ils rentreraient chez eux par la grande porte une fois que les juifs auraient été jetés à la mer par leurs soins ».

Un jour avant, j’avais reçu d’un ami juif un texte portant comme titre « Le mensonge de la nakba », dont voici des extraits (1):

« Il faut reconnaître une chose aux Palestiniens (et à leurs supporters et amis) : ils sont passés maîtres en désinformation, pour ne pas dire tromperies et mensonges. D’abord les Palestiniens cannibalisent le terme : nakba, en arabe, signifie catastrophe. En hébreu, shoah. Voilà que les Palestiniens mettent, sur le même pied, la catastrophe qui a coûté la vie à six millions de Juifs et celle, mythique, qu’ils s’inventent, leur nakba. Certes, il y eut des personnes forcées de quitter leur foyer à la suite des combats. Bien qu’Israël ait supplié (sic) ses habitants arabes de rester, une partie quitta suite aux incitations de ses dirigeants et des gouvernants arabes qui leur promettaient un prompt retour sur tout le territoire, du Jourdain à la mer ».

Ce n’est pas tout à fait l’avis des historiens israéliens eux-mêmes qui sont plusieurs à avoir osé utiliser les mots de « nettoyage ethnique » auquel l’armée israélienne a procédé en 1947-48 (2) en « éliminant 418 villages palestiniens de la face de la terre » (3), alors que les dirigeants de l’époque ont fermé les yeux et se sont bouché le nez. C’est en tout cas ce qu’on dit de David Ben-Gurion.

Supplication ou nettoyage ? En tout état de cause, le nettoyage (mais pas la supplication) a continué après l’annexion des territoires en 1967, puisque entre cette date et 1994, quelque 140 000 Arabes vivant dans les territoires occupés (hommes d’affaires, étudiants, scientifiques) qui, pour des raisons diverses, avaient quitté la Palestine (occupée) se sont vu refuser leur retour s’ils avaient résidé à l’étranger pendant un certain nombre d’années.

« Je ne savais pas » aurait dit le Général Danny Rothschild, responsable israélien des territoires occupés entre 1991 et 1995 (4).

Il y en a eu d’autres avant lui qui ont dit « je ne savais pas ». Et d’autres encore qui ont nié.

(1) Je dois reconnaître que cet ami, qui a été expulsé d’un pays arabe en 1956, compare le nombre de juifs expulsés des pays arabes à celui des palestiniens expulsés d’Israël. Les nombres sont en effet équivalents. Ce qu’il oublie de dire c’est que les circonstances n’étaient pas tout à fait les mêmes. Les juifs ont occupé un territoire peuplé par des arabes, et se sont fait expulser par mesure de rétorsion en 1948 et suite à la guerre du Canal de Suez en 1956 à laquelle les Israéliens ont si malheureusement participé.

(2) Voir par exemple Simha Flapan, The Birth of Israel, New York : Pantheon Books, 1987 ou Ilan Pappe, The Ethnic Cleansing of Palestine, London and New York : Oneworld, 2006.

(3) Gideon Levy, Israeli Jews should mark nakba day, Haaretz May 15, 2011. http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/israeli-jews-should-mark-nakba-day-too-1.361741

(4) Voir Akiva Eldar, Israel admits it covertly canceled residency status of 140,000 Palestinians, Haaretz May 11, 2011. http://www.haaretz.com/print-edition/news/israel-admits-it-covertly-canceled-residency-status-of-140-000-palestinians-1.360935

2 commentaires:

  1. la décision des Nations Unies préconisait la création de 2 Etats : un Etat Israélien et un Etat Palestinien.

    Les Palestiniens et les Arabes l'ont rejeté d'emblée.

    Le lendemain de la création de l'Etat d'Israël, ces Etats arabes déclaraient la guerre au tout nouvel Etat reconnu par la majorité de la Communauté Internationale.

    Je ne pense pas que les Palestiniens auraient à "célébrer" la nakba si les Arabes avaient laissé les Israéliens en paix alors et maintenant.

    RépondreSupprimer
  2. Pourquoi les Palestiniens et les Arabes auraient-ils dû accepter la partition de la Palestine?

    Dans le grand jeu onusien, les Juifs gagnaient plus de la moitié de la Palestine qui ne leur appartenait pas, quand les Palestiniens et les Arabes perdaient plus de la moitié de cette même Palestine qui leur appartenait. A la place des Palestiniens, pas un Juif n'aurait accepté le Plan de partage. A la place des Palestiniens, personne n'aurait accepté le Plan de partage.

    RépondreSupprimer