jeudi 25 septembre 2014

Double legs, double gain ?


Pierre Pestieau

Aussi appelé duo legs ou legs en duo, le double legs consiste à faire deux legs, l’un à votre héritier et l’autre à une association caritative, à charge pour elle de payer les droits de succession sur les deux legs. Vous gagnez ainsi sur les deux tableaux. D’une part,
le taux des droits de succession applicable aux associations caritatives est nettement moins élevé, d’autre part, en partageant le legs destiné à votre héritier en deux parts, le taux applicable à la part de votre héritier est moins élevé. La combinaison des deux permet une telle économie en droits de succession que vous pouvez à la fois laisser davantage à votre héritier et donner une belle somme à une association de votre choix.


Récemment, le Magazine de ma banque présentait cela comme une opération win win. Il donnait l’exemple d’une personne qui voulait léguer un capital d’un million d’euros. Au taux actuel, le legs net serait de 241.250 alors qu’en léguant le million à une œuvre caritative, la somme serait divisée en 3 parts assez semblables : un tiers pour le légataire, un tiers pour l’œuvre et un tiers pour le fisc (1).

Mais est-ce vraiment du win win ? Car dans cet exemple, l’héritier et l’œuvre caritative sont gagnants, mais pas le fisc. Or le fisc, c’est la collectivité. Mais m’objectera-t-on aussitôt l’œuvre caritative surtout si son objet est la lutte contre la pauvreté, le développement de la recherche ou la défense du patrimoine artistique remplira une des missions généralement assignées à la puissance publique et cela, beaucoup plus efficacement. C’est là tout le débat.

Si vraiment les associations caritatives faisaient le même boulot que l’Etat à un moindre coût, l’argument serait convaincant. Mais on est loin de compte.

D’abord, il faut le rappeler, les œuvres caritatives ne représentent qu’une fraction infime des dépenses publiques même dans un pays comme les Etats Unis ; a fortiori en France et en Belgique. Les orientations sont aussi différentes. Alors que l’Etat doit s’occuper d’à peu près tout, les œuvres caritatives s’intéressent à des secteurs particuliers et emblématiques : certaines recherches médicales, le sauvetage du patrimoine artistique, certaines activités sociales. Il arrive très souvent que les œuvres caritatives interviennent dans des activités qui frappent l’opinion. Telle vieille église romane qui s’écroulait et dont la puissance publique se désintéressait a été sauvée grâce à l’intervention de la Fondation Machin ; ou grâce à la fondation Truc, les orphelins du SIDA en Afrique sont accueillis dans des centres où ils pourront préparer leur avenir. Voilà les exemples que l’on garde à l’esprit et qui avec partialité font oublier ce que nos Etats font plus massivement et plus discrètement.

Enfin, il y a la question de l’efficacité qui est souvent invoquée en faveur du caritatif. Beaucoup de partisans d’une substitution progressive de programmes publics par des initiatives caritatives avancent la thèse d’une plus grande efficacité de ces dernières. Or la réalité semble contraire. Du côté de la collecte des fonds, il est clair que les coûts administratifs des recettes publiques sont nettement plus faibles que ne le sont les coûts des appels de fonds et de gestions des œuvres caritatives. Du côté des dépenses, il n’est pas certain que les musées, les hôpitaux ou les centres de recherche gérés par des fondations privées soient plus efficaces que leurs équivalents publics.

(1) Il s’agit ici clairement d’une succession hors de la famille, ce qui explique un taux de taxation si élevé. 







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