Pierre Pestieau
Aussi appelé duo legs ou legs en duo, le double legs consiste à
faire deux legs, l’un à votre héritier et l’autre à une association caritative,
à charge pour elle de payer les droits de succession sur les deux legs. Vous
gagnez ainsi sur les deux tableaux. D’une part,
le taux des droits de
succession applicable aux associations caritatives est nettement moins élevé,
d’autre part, en partageant le legs destiné à votre héritier en deux parts, le
taux applicable à la part de votre héritier est moins élevé. La combinaison des
deux permet une telle économie en droits de succession que vous pouvez à la
fois laisser davantage à votre héritier et donner une belle somme à une
association de votre choix.
Récemment, le Magazine de ma banque présentait cela comme une opération win win. Il donnait l’exemple d’une
personne qui voulait léguer un capital d’un million d’euros. Au taux actuel, le
legs net serait de 241.250 alors qu’en léguant le million à une œuvre
caritative, la somme serait divisée en 3 parts assez semblables : un tiers
pour le légataire, un tiers pour l’œuvre et un tiers pour le fisc (1).
Mais est-ce vraiment du win
win ? Car dans cet exemple, l’héritier et l’œuvre caritative sont
gagnants, mais pas le fisc. Or le fisc, c’est la collectivité. Mais
m’objectera-t-on aussitôt l’œuvre caritative surtout si son objet est la lutte
contre la pauvreté, le développement de la recherche ou la défense du
patrimoine artistique remplira une des missions généralement assignées à la puissance
publique et cela, beaucoup plus efficacement. C’est là tout le débat.
Si vraiment les associations caritatives faisaient le même boulot que
l’Etat à un moindre coût, l’argument serait convaincant. Mais on est loin de
compte.
D’abord, il faut le rappeler, les œuvres caritatives ne représentent qu’une
fraction infime des dépenses publiques même dans un pays comme les Etats
Unis ; a fortiori en France et
en Belgique. Les orientations sont aussi différentes. Alors que l’Etat doit
s’occuper d’à peu près tout, les œuvres caritatives s’intéressent à des
secteurs particuliers et emblématiques : certaines recherches médicales,
le sauvetage du patrimoine artistique, certaines activités sociales. Il arrive
très souvent que les œuvres caritatives interviennent dans des activités qui frappent
l’opinion. Telle vieille église romane qui s’écroulait et dont la puissance
publique se désintéressait a été sauvée grâce à l’intervention de la Fondation
Machin ; ou grâce à la fondation Truc, les orphelins du SIDA en Afrique
sont accueillis dans des centres où ils pourront préparer leur avenir. Voilà
les exemples que l’on garde à l’esprit et qui avec partialité font oublier ce
que nos Etats font plus massivement et plus discrètement.
Enfin, il y a la question de l’efficacité qui est souvent invoquée en
faveur du caritatif. Beaucoup de partisans d’une substitution progressive de
programmes publics par des initiatives caritatives avancent la thèse d’une plus
grande efficacité de ces dernières. Or la réalité semble contraire. Du côté de
la collecte des fonds, il est clair que les coûts administratifs des recettes
publiques sont nettement plus faibles que ne le sont les coûts des appels de
fonds et de gestions des œuvres caritatives. Du côté des dépenses, il n’est pas
certain que les musées, les hôpitaux ou les centres de recherche gérés par des
fondations privées soient plus efficaces que leurs équivalents publics.
(1) Il s’agit ici clairement d’une succession hors de
la famille, ce qui explique un taux de taxation si élevé.
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