mercredi 25 mars 2015

Le vieillissement

Pierre Pestieau

Qui en Wallonie se souvient encore d’Alfred Sauvy, à part quelques rares démographes ? Et pourtant il fit en Belgique la une de tous les journaux et son rapport donna lieu a de nombreux colloques il y a 53 ans. Tout cela date. Il est mort en 1990 à lâge canonique de 92 ans, âge respectable pour quelqu’un qui toute sa vie fut obsédé par le phénomène du « vieillissement démographique », expression dont il serait le créateur.


C’est en effet, en 1962, face au déclin wallon que le
Conseil Economique Wallon lui a demandé son avis ; il était alors professeur au Collège de France, directeur de l’Institut National d’Etudes Démographiques, spécialiste de renommée mondiale. Il devait rédiger un rapport d’une cinquantaine de pages, qu’il conclut par les mots suivants « Un pays où dominent les vieux, un pays qui ne renouvelle pas ses cellules, ne peut prétendre jouer un rôle convenable dans une époque où jaillit de toutes parts le progrès et où s'élève une concurrence plus vive encore et moins limitée que celle, déjà sévère, du XIXème siècle ». Dans son rapport, Alfred Sauvy va longuement plaider pour que soit restauré un dynamisme démographique suffisant grâce à une politique de soutien de la fécondité s’accompagnant d'une immigration de type familial. Il préconise d’accroître notablement l’aide accordée aux deuxième et troisième enfants en Wallonie et recommande ainsi une régionalisation des politiques familiales. A l’époque, les Flamands et les partisans de la Belgique unitaire se sont opposés à cette différenciation des allocations familiales, au prétexte que tous les Belges sont égaux.

Que reste-t-il de ce rapport ? Il y a bien sur la régionalisation de la politique familiale qui est à l’agenda des partis séparatistes. Mais à part cela, il reste beaucoup d’interrogations et peu de réponses. On ne peut pas dire que notre politique d’immigration soit une réussite quand on voit le manque d’intégration de tant de jeunes. Quant au vieillissement proprement dit, il doit être traité avec prudence. Il peut venir de deux causes distinctes, aux  conséquences différentes, à savoir une baisse du taux de fécondité et un allongement de la vie. La baisse de la fécondité est un phénomène passager alors que la baisse de la mortalité semble s’inscrire dans la durée. La baisse de la fécondité peut avoir un impact sur l’équilibre des finances publiques avec l’augmentation des dépenses de retraites et de santé en particulier. L’allongement de la vie, pour autant que la santé évolue de pair, ne devrait avoir aucun effet si la société acceptait de relever l’âge du départ à la retraite. Or en Belgique notre vieillissement est pour l’essentiel dû à l’allongement de la vie.


Quant à l’impact économique direct, il semblerait que le vieillissement soit plutôt favorable à la croissance dans la mesure où il appelle à une augmentation de l’investissement. Sur le plan concret, il existe deux économies qui plus que les autres souffrent du vieillissement au point de voir leur population décroître. Ce sont l’Allemagne et le Japon. L’Allemagne réussit plutôt bien et le Japon connaît aujourd’hui une certaine reprise. Quant à la Wallonie, elle n’a suivi le conseil de Sauvy qu’à moitié. Certes le taux de vieillissement y est plus bas qu’en Flandre, pas tellement parce que l’on y fait plus d’enfants mais parce que l’on y meurt plus tôt.

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