jeudi 27 octobre 2016

Justice et justiciers

Pierre Pestieau

Cet été, j’ai lu un polar grec (1) qui présentait un tueur lequel s’était mis à cibler les fraudeurs fiscaux. L’effet le plus visible de ces quelque premiers meurtres fut de faire rentrer dans les caisses de l’Etat plus de recettes que le gouvernement grec n’avait réussi à faire en 3 ans en dépit des menaces de la Troïka (2). Le second effet fut de transformer un assassin en héros populaire, version contemporaine de Zorro ou de Robin des Bois. Je ne vous dévoilerai pas la fin qui, rassurez-vous, est hautement morale

Cette lecture m’a amené à m’interroger sur le rôle des justiciers dans notre Histoire, entendant par là des personnes ou des groupes de personnes qui agissent en redresseur de torts sans en avoir reçu le pouvoir. Les exemples qui me viennent à l’esprit sont négatifs : les Escadrons de la mort sud-américains qui s’en prennent aux syndicalistes, communistes et journalistes, les fanatiques anti-avortement qui n’hésitent pas à assassiner des médecins ou des infirmières qui travaillent dans des centres de planning familial. On pense aussi aux milices de la seconde guerre ou plus récemment aux djihadistes. Dans tous ces cas, le rejet est immédiat. Tant pour le fond que pour la forme ; on parle d’ailleurs de terroristes et de fanatiques.

Et pourtant à l’occasion d’autres lectures, je me suis retrouvé plongé dans les années où les brigades rouges, la bande à Baader, action directe faisaient la une des journaux. Et je dois bien avouer que j’avais subitement de l’indulgence, sans doute trop d’indulgence pour les actes perpétrés par ces groupuscules d’extrême gauche. Cette indulgence, on l’a retrouvée collective lorsque, tout récemment, l’affaire Battisti (3) est ressortie. Cette attitude se nourrissait sans doute de l’idée qu’une certaine forme de terrorisme était nécessaire ou à tout le moins inévitable dans des conditions historiques particulières : la lutte contre l’occupant menée par la résistance, le combat pour l’indépendance du FLN. Il y aurait une bonne et une mauvaise forme de terrorisme et cette distinction varie surement d’une personne à l’autre. Il me semble impossible de sortir d’un certain relativisme en la matière. Ma définition du terrorisme acceptable n’est sans doute pas la vôtre ; elle est probablement influencée par ma perception de l’histoire et ma conception de ce qui est juste.


(1) Petros Markaris, Le justicier d’Athènes, Editions du Seuil, 2013.
(2) La Troïka dans le cas présent se compose du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne ; elle contrôle l’économie grecque.
(3) Dans le début des années 80, des membres des brigades rouges et d’autres activistes de différents pays trouvent refuge dans l’Hexagone pour bénéficier de la « doctrine Mitterrand » : la France accueille les terroristes qui renoncent à la violence. Et ce en dépit de demandes d’extradition venant de pays amis. Cesare Battisti faisait partie du lot.

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